La France et le Mali : fortunes diverses quant au sort de deux Présidents démocratiquement élus !

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Makan Diallo, Docteur en Droit Privé

Le scrutin présidentiel dans ces deux pays prévu pour avril et mai 2012 aura vécu du moins côté français de la plus belle des manières sans anicroches. Pour faire court, le Président sortant Nicolas Sarkozy ne fera pas un second mandat à la tête de l’Etat français, le vote du peuple ayant porté sur son challenger François Hollande qui devient du coup le septième  Président de la cinquième république française. Une alternance au sommet de l’Etat qui s’est déroulée en total respect des règles républicaines et démocratiques avec une élection libre, transparente et sans contestation aucune. Belle leçon de démocratie, il faut le dire !

Si la sanction populaire par le biais des urnes a eu raison de Nicolas Sarkozy en France, tel ne fut pas le cas de son homologue Malien ATT qui sera déposé par des militaires à seulement deux petits mois du premier tour de l’élection présidentielle, un scrutin auquel il était pour autant déclaré non partant. Sans commentaires !

La force des urnes d’un côté, la force de la baïonnette de l’autre. Le choix d’un peuple au Nord, les caprices d’une brochette de bidasses au Sud. Deux facettes de la pratique d’un même modèle politique : la Démocratie. Un régime dont l’exercice s’avère finalement mal aisé sous les tropiques.

Jeter un regard sur les derniers évènements dans ces deux pays à une période aussi cruciale que celle des échéances électorales n’est pas sans intérêt pour les besoins d’études de recherche en sciences politiques et droit constitutionnel. On en est peut être pas là pour le moment, ce travail se fera certainement un jour par les doctes. Déjà  notre modeste contribution aura le mérite de susciter le débat autour de la problématique liée à l’échec de la démocratie en Afrique notamment au Mali.

La France est un modèle de démocratie. La pratique institutionnelle dans ce pays à travers l’observation de certaines règles démocratiques, des principes et valeurs liés au respect des droits Humains, des libertés publiques etc. a permis l’édification d’un Etat de droit depuis des lustres. Ainsi le processus électoral de cette année comme à l’accoutumée s’est déroulé dans les règles de l’art avec la légitimité et la légalité requises.  Cette réussite  à la Française servira de fil d’Ariane tout le long des développements à suivre pour analyser l’échec Malien.

Deux pays, deux visions, deux pratiques, deux réalités, deux destinées. Il est connu que la France est une vieille démocratie et qu’une remise en cause de cet édifice d’une solidité avérée n’est pas pour demain. La pratique démocratique au Mali ne date seulement que du début des années 90. Vingt un ans après soit le 22 mars 2012, le coup d’Etat de Amadou Aya Sanogo et ses camarades stoppa net un processus qui commençait véritablement à séduire à travers le monde. Aujourd’hui, plutôt que de démocratie, le Mali emprunte le chemin tortueux, sinueux et dangereux de la dictature, de l’anarchie, de la chienlit.

L’irruption des militaires sur la scène politique, un acte inconséquent, irréfléchi et irresponsable a mis à nu toute la fragilité du socle démocratique malien. L’armature s’est affaissée au premier véritable coup de boutoir. Ce brusque et brutal arrêt du processus démocratique nous rappelle à raison que les institutions ne valent que par les personnes qui les incarnent.

L’on s’interroge fort à propos sur les raisons d’une telle dérive au Mali. Le processus électoral est allé à son terme en France, Pourquoi ce coup d’arrêt au Mali après seulement deux décennies de pratique démocratique? Nous savons tous qu’un coup d’Etat est impensable en France, alors quelle explication faut il apporter à celui intervenu au Mali, pays réputé démocratique aussi ? La constitution malienne est claire en ce que toute forme de prise de pouvoir par la force est prohibée, malgré tout un coup d’Etat a été perpétré. Est-ce à dire que la constitution n’est qu’un simple papier sans valeur juridique ? Que le droit et la loi ne veulent pas dire grand-chose face à la force ou les desiderata des militaires ? Que représentent les institutions au Mali? Quel regard le Malien lambda porte t il aux institutions républicaines, au fait démocratique, à la justice, au droit, à la liberté avec tout ce qui se passe aujourd’hui dans l’espace public ? Quid des militaires ? Quelle responsabilité porte nos amis les hommes politiques dans cette situation chaotique où finalement c’est le Mali qui est menacé dans son existence?

Le peuple doit s’exprimer, les Maliens doivent comprendre et tirer les enseignements nécessaires pour que plus jamais une telle situation ne se reproduise à l’avenir. La méthode cathartique au regard de la configuration socio politique actuelle, permettra certainement de « se vider » du trop plein de rancœurs et déceptions que les uns et les autres ont en eux et d’un point de vue pédagogique aboutir à une meilleure compréhension de ce que représentent véritablement l’option démocratique et ses exigences.

Les ratés d’une gestion, les raisons du coup d’Etat

Jusqu’à présent certains de nos responsables politiques ont du mal à admettre que démocratie rime avec peuple. « Pouvoir du peuple, par le peuple et pour le peuple ». Le peuple est au début et à la fin du processus. Malheureusement, ces dernières années au Mali, le peuple était laissé pour compte, et la pratique démocratique dérivait dangereusement vers des abimes. Le constat était accablant : injustice criarde, manque d’autorité de l’Etat, insecurité, irresponsabilité, incompétence, corruption et détournement de deniers publics au vu et au su de tout le monde, impunité, pauvreté endémique de l’écrasante majorité de la population en face d’une oligarchie compradore. Voilà entre autres maux qui ont conduit à cette irruption incroyable, intolérable et inopportune des bidasses dans l’espace politique malien. Un coup d’Etat n’est jamais une bonne chose et doit être condamné avec la dernière rigueur, celui du 22 mars 2012 ne fera pas exception à la règle. ATT a été tout simplement déposé du fait de sa mauvaise gestion des affaires de l’Etat. Néanmoins à deux petits mois de l’élection présidentielle, ce coup de force était elle opportune avec tout ce que cela entraine comme conséquences?

L’irresponsabilité et l’inconscience au sommet de l’Etat ont contribué à la déliquescence morale d’une société jadis honnête digne et fière. La situation du Mali était à l’image d’un radeau qui s’échouait par temps de marée. L’histoire retiendra qu’un groupuscule de militaires mis fin à un processus démocratique au demeurant controversé. Il faut le souligner malgré son caractère vertueux, une démocratie n’est viable que par la qualité des hommes chargés de sa mise en œuvre. Au Mali, la ligne rouge avait été allégrement franchie depuis belle lurette.

Les conséquences d’un acte illégal

Le coup d’Etat intervenu le 22 mars 2012 au mépris de la loi fondamentale avec les conséquences néfastes qui s’en sont suivies ont fini de plonger le Mali dans une situation cauchemardesque (calendrier électoral mis aux calendes grecques, cafouillage à la tête de l’Etat avec un exécutif tricéphale de fait, division sans précédent de la classe politique, de l’armée, violence avec mort d’hommes, insécurité, restriction des libertés publiques, violation quotidienne des droits, blocage de l’activité économique, ralentissement de l’administration, crise financière, anarchie à tous les niveaux, et pire l’occupation des 2/3 du pays par des groupes armés, il fallait le faire !). Voilà le bilan catastrophique du coup d’état en seulement trois mois, et ce n’est peut être pas fini avec la confusion qui règne actuellement. Le Mali est devenu méconnaissable, les Maliens « ont perdu la raison ». Ce coup d’état a apporté plus de problèmes qu’il n’en a résout finalement et les conséquences sont incommensurables pour le peuple malien.

Le militaire n’a que faire de la politique.

Les hommes de tenue doivent comprendre qu’une armée républicaine doit être soumise au droit et à la loi.  Une armée avec pour vocation première la défense de l’intégrité du territoire national et la protection des citoyens. La place d’une telle armée ne saurait être dans l’espace politique. Tiens, imaginons un tant soit peu la prise du pouvoir en France par l’armée. Un rêve qui n’est pas prêt de se réaliser de sitôt, les règles du jeu étant bien définies et bien respectées. Une armée intelligente au service d’un Etat responsable, voilà ce dont l’Afrique a besoin aujourd’hui.  Les militaires doivent apprendre à connaitre véritablement le mécanisme de fonctionnement des institutions. Un militaire n’a rien à faire dans la sphère politique. Les militaires ont certes la baïonnette, mais à mon humble avis ils doivent aussi avoir l’intelligence nécessaire pour se mettre en marge du jeu politique. Sanogo et ses hommes ont tout simplement manqué d’intelligence. Ont-ils mesuré les conséquences de leurs actes ? J’en doute fort.

Le peuple, les institutions : maillons faibles de la chaine

Ils ne sont pas beaucoup ceux qui au Mali ont conscience du fait démocratique, des notions de droit, de liberté, de justice etc. toute chose qui malheureusement plombe le fonctionnement normal des institutions. Le coup d’Etat du 22 mars 2012 et ses suites ont étalé au grand jour l’ignorance de la majorité de nos concitoyens par rapport aux institutions. Analphabétisme, manque de conscience politique ? La question est posée.

Le Président américain Barack Obama en visite au Ghana en 2009 disait que « l’Afrique n’a pas besoin d’hommes forts, elle a besoin d’institutions fortes. » Cette déclaration demeure une réalité tangible. Il est impératif aujourd’hui pour un ancrage démocratique et une bonne gouvernance de prioriser la mise en place d’institutions fortes avec toutes les garanties nécessaires capables de résister à toutes formes de déstabilisation. Les institutions doivent nécessairement survivre aux hommes. Les jeunes Etats africains ont ce problème de fragilité des institutions qui fait que très souvent le dernier des malotrus se retrouve projeté du jour au lendemain au devant de la scène au moyen d’un coup de force.

Une classe politique qui déçoit

ATT n’a-t-il pas lui même affirmé qu’un coup d’Etat militaire intervient toujours pour cause d’échec des politiques civils. On peut lui retourner cette affirmation pour dire que son échec de l’exercice du pouvoir est à l’origine du coup d’Etat du 22 mars 2012. Les véritables animateurs de l’espace politique que sont les hommes politiques ont failli depuis fort longtemps. Appâts du gain ? Calculs politiciens ? Intérêts sordides ? Les agissements de la classe politique ont été de beaucoup dans cette dérive. Aujourd’hui, le rejet de l’élite politique traduit le ressenti d’une grande majorité de nos concitoyens concernant la gestion de l’Etat. D’aucuns réclament leur mise à la retraite d’office, le tournant générationnel amorcé, une régénérescence du personnel politique est sollicitée. Aussi un examen de conscience de nos hommes politiques est vivement souhaité et permettra sans doute de redonner du crédit à la chose politique.

La démocratie suit son petit bonhomme de chemin en France. Au Mali c’est l’impasse ! Le Mali traverse une période difficile de son histoire, pas seulement sur le plan politique comme nous le savons tous. Les défis sont énormes mais pas impossible à relever. Avec intelligence, le Mali triomphera et retrouvera son rang de pays émergeant.

Une contribution de Makan DIALLO

Docteur en Droit Privé – Avocat au barreau de Paris

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15 COMMENTAIRES

  1. Merci Dr Diallo pour ta contribution. En dépit de tout ce qui est relaté ici seules deux solutions nous guideraient à un avenir meilleur sans coup d’Etat ni regréssion politique économique:
    – L’éducation dans son sens large
    – Et la justice par la justice au service du peuple.

  2. félicitations pour votre brillante analyse sur le Mali.Mais je dois tout de suite vous dire que je ne suis pas tout à fait d’accord avec vous sur les raisons du coup d’état par la mauvaise gestion d’ATT. Rien ne justifie un coup d’état dans une démocratie sauf si la démocratie elle mème est ménacée, comme s’était le cas au Niger avec Tandja.Au Mali il n’y avait pas de ménaces à la démocratie meme si on veut nous faire croire le contraire. Moi personnellement je n’ai jamais voté pour ATT mais je vais vous dire que la majorité des maliens l’approuvaient et certains demandaient qu’il rempile pour un 3ème mandat.les choses se sont simplement gatées à cause des tuéries d’Aguelhoc qui ont choqué tous les maliens. Le coup d’état est intervenu uniquement après la débacle de l’armée malienne au Nord. Et tout le monde savait dans quel état était cette armée.
    Mon cher Diallo, les maliens savent réclamer leurs droits. La preuve est que le code de la famille fut rejeté avec la plus grande énergie. Et les autorités ont réagi d’une façon très démocratique. Mais pourquoi donc le peuple ne s’est jamais mobilisé pour dénoncer la mauvaise gestion, la corruption, le népotisme sous ATT? Au fait le peuple malien réagit peu à la gestion de l’état. Tout le monde préfère rester dans son coin à comtempler sinon à se plaindre.Au lieu de nous comparer à la lointaine France qui a plus de 200 cents d’expérience démocratique, régardons tout près de chez nous au Sénégal, qui nous a donné une véritable leçon de démocratie.
    Il est grand temps que les maliens deviennent de vrais citoyens en participant pleinement à la vie de la nation.Le Mali est le seul pays de la sous région où le président est élu avec moins de 25% de taux de participation au scrutin. Alors il faut qu’on change pour faire changer le MALI.

    • 20 ans , nous n’ avons pas eu une vraie democratie, un etat , un vrai…on ne va pas accuser un coup d’ etat…?!

  3. La mauvaise gestion des affaires de l’Etat,la personnalisation de l’Etat,l’opportunisme et l’amateurisme.L’irresponsabilite de la classe politique et il ne faut pas oublier le double jeu d’ATT.Telles sont quelque unes des raisons de la situation actuelle du Mali.Pour resoudre cette crise,il faut d’abord mettre de l’ordre dans l’administration publique.Doter le pays d’une classe politique outillee et preparee pour l’exercice du pouvoir et je n’oublierais pas l’education politique des citoyens pas la manipulation.Je definis la politique comme la science d’administrer et de gouverner un Etat.Le bateau “Mali” est dans des eaux troubles,mais il ne chavirera pas Insh’ALLAH.Que DIEU Proteges et Benisses le Mali.

    • tout juste Mr Doucoure,les gens ont bien confondu une chose avec l’ autre: un club avec un etat, c’ est domage, et trouver a present qui defendent ce qui s’ est passe au Mali pendant 20 ans…de singerie,
      trouver des gens parler du coup d’ etat comme debut de tous les mots du Mali au lieu du bon contraire… c’ est vraiment difficile a qualifier…
      Certains souffraient d’ autres revaient et se gavaient…

  4. Merci Vieux Makan, pour cet analyse, personnellement je pense que le reve est permis de voir les institutions devenir fortes comme on le souhaite. We still can BELIEVE it !!!

  5. Vieux Makan, une contribution de taille mais le pauple auquel vous faites allusion est trop amorphe pour prendre son destion en main. S’il n’y avait pas la crise du nord tous les maliens allaient mourir de faim tandis qu’une petite minorité d’entre eux continuerait à voyager sur Mars pour dilipider l’argent public: Rien de plus normal à la malienne. Cette crise certes, triste est un mal pour un bien si le pays sera unifié.

  6. Je trouve Mr DIALLO que vous avez exactement défini les faits malgré je pense qu’il doit manqué quelques raisons a l’échec du mali.

    1°Tout d’abord il y a le fait que l’ancien président ATT a vendu le Mali au défunt Kadhafi et que les rebelles veulent récupérer.

    2°La guerre au Nord voué a l’échec car pas d’armes et de munitions dont les Maliens ne sont pas rester insensible car ce sont leurs fils, neveux, oncles, pères et maris qui tombent.

    Mais ces explications ne sont pas une raison pour nous faire retourner en arrière. Comme vous l’avez dit je cite “imaginons un temps soit peu la prise de pouvoir de la France par l’armée, un rêve qui n’est pas prêt de se réaliser de sitôt”.

    Moi je vous dit Mr DIALLO l’africain prend ses rêves pour des réalités et ne recules devant rien pour les réaliser et qui se moque des conséquences.

    Le renversement de l’ancien président n’aura pas servi a grand chose parce que:

    – ATT ne pouvait pas brader un 3ème mandat.
    – qu’il ne rester que 2 mois avant les nouvelles éléctions.
    – les munitions ont été gaspiller en ville après le coup d’état.
    – l’économie du Mali a chuté.

    Je pense que je vais m’arreté là prenons exemples sur la France ou il y a des règles chacun connait son rôle et tout le monde est heureux.

    LONGUE VIE AU MALI QUE LA PAIX Y REVIENNE, LE MALI EST INDIVISIBLE ALORS DU COURAGE ET BONNE GUERISON A MR TRAOREDIONCOUNDA QUI EST JUSTE VENU APPORTER SON AIDE AU MALIENS.

  7. Ce mal qui vient de frappé le Mali est malheureusement le sida de l’Afrique et qui l’empeche de se developper . Un continent réguliérement soumis à des coups d’etat militaire n’incite pas a faire venir des investisseurs .D’ou des populations pauvres ,chomeuses ,frustrées parce que grace à la télévision ,elles savent comment vivent les gens ailleurs dans le Monde .

    • Cher Mr Fou.DKG
      ce sont des consequences mon cher…
      teleguider nos pays est la cause…
      combien de presidents maliens sont en France en ce moment meme..? qu’ est ce qu’ ils y font?

      est ce qu’ on apas nier aux peuples africains le droit de choix libre et conscient?!

      Parle t’ on de democratie? elle a existe autant dans les pays forts et niee au pauvre, c’ est du luxe … revez pas, nous disent -ils!!

      le Mali a ete un passe-passe depuis la chute de GMT.
      la grande corruption- TCHE , FASO TA DO, MOKOSHI TAA TEE!!!
      AN KA FOO… VOILA ,

      cette mentalite ne nous amenera pas loin

  8. Je pense que si l’herbe était toujours en abondance au pays, les plaidoiries s’arrêteront sur la quantité de lait laisser aux veaux.

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