La foi, le pouvoir et les moyens de communication

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Suivant Gustave Le Bon (Le Bon, G. (2013). Les Opinions et les croyances. Presses Électroniques de France), sans doute la foi en un dogme quelconque n’est généralement qu’une illusion. Il ne faut pas la dédaigner pourtant. Grâce à sa magique puissance, l’irréel devient plus fort que le réel. Une croyance acceptée donne à un peuple une communauté de pensée génératrice de son unité et de sa force.

Le domaine de la connaissance étant très différent de celui de la croyance, les opposer l’un à l’autre est une tâche vaine, bien que journellement tentée. Les lois régissant la psychologie de la croyance ne s’appliquent pas seulement aux grandes convictions fondamentales laissant une marque indélébile sur la trame de l’histoire. Elles sont applicables aussi à la plupart de nos opinions journalières sur les êtres et les choses qui nous entourent.

Ainsi, la logique mystique a déterminé et détermine toujours un grand nombre des actes de l’immense majorité des hommes. Elle diffère de la logique inconsciente des sentiments, non seulement parce qu’elle est consciente et comporte une délibération, mais surtout parce que son influence peut engendrer des actions diamétralement contraires à celles que dicterait la logique affective.

La logique affective conduisait un général athénien, jaloux de ses rivaux, à leur déclarer la guerre. La logique mystique lui faisait consulter les oracles sur la date utile des opérations à entreprendre. La logique rationnelle guidait sa tactique. Pendant tous ces actes, la logique biologique le faisait vivre.

Les sentiments constituant les vrais mobiles de nos actions, il est tout naturel que leur logique nous conduise. En soulevant les passions des hommes, on change leur conduite. En subjuguant les cœurs, on contraint les volontés. Les éléments affectifs interviennent perpétuellement dans nos conceptions du monde et sont à la base de nos idées morales, religieuses, politiques et sociales. Les vérités scientifiques elles-mêmes en sont imprégnées dans leurs théories.

La logique rationnelle est une logique consciente qui apprend à raisonner, délibérer, faire des démonstrations et des découvertes. La logique des sentiments est une logique inconsciente, source habituelle de notre conduite et dont les enchainements échappent le plus souvent à l’action de l’intelligence.

Aussi, si un génie malfaisant voulait détruire une société en quelques jours, il n’aurait qu’à suggérer à tous ses membres le refus d’obéir aux lois. Le désastre serait beaucoup plus grand qu’une invasion suivie de conquête. Un conquérant se borne généralement, en effet, à changer le nom des maîtres qui détiennent le pouvoir, mais son intérêt est de conserver soigneusement les cadres sociaux dont l’action est toujours plus efficace que celle des armées.

C’est dire que les effets de la suggestion sont d’une intensité fort variable. Elle s’étend depuis l’action légère du vendeur, cherchant à nous faire acquérir une marchandise, jusqu’à celle exercée par l’hypnotiseur sur le névropathe, obéissant aveuglément à toutes ses volontés. En politique, l’hypnotiseur s’appelle meneur. Son influence est considérable.

Par voie de contagion, bourgeois, lettrés, professeurs, etc., finissent toujours par subir plus ou moins l’influence des opinions populaires. La contagion mentale peut donc asservir toutes les intelligences. De même que la contagion par les microbes, elle n’épargne que des natures fort résistantes et peu nombreuses.

Finalement, les grands mouvements religieux de l’histoire furent toujours le résultat de la contagion mentale. Son action ne s’exerça jamais davantage, qu’à notre époque, d’abord, parce qu’avec le progrès des idées démocratiques le pouvoir tombe de plus en plus entre les mains des foules, ensuite parce que la diffusion rapide des moyens de communication permet aux mouvements populaires de se répandre presque instantanément.

Dr. Ibrahima Sangho

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