L’unité de la nation et la démocratie au Mali sont non négociables et cela tout le monde le sait. Tant le Mali que la communauté internationale ne doivent tolérer ce qui est la plus grave atteinte à la démocratie que le continent ait vu ces dernières années.
Le président de la République a reçu ceux que l’on appelle les principaux leaders politiques, venus présenter leurs propositions de sortie de crise. Dieu seul sait ce qui en ressortira. Une chose est certaine, c’est que le peuple est mécontent et ne se satisfera pas de solutions velléitaires. Dans le contexte actuel, il est évident que les Maliens, déjà éprouvés par une crise financière qui met les nerfs de chacun à vif, seront prompts à condamner toute solution qui semblerait transiger avec la souveraineté nationale, avec les fondements de la démocratie ou qui paraîtrait donner des privilèges à ceux qui ont pris les armes contre leur pays.
Une fois qu’il est entendu que les amalgames et la violence ethnique sont des faits condamnables, il convient aussi, pour construire l’avenir, d’être francs vis-à-vis des leaders de la communauté touareg. Nous comprenons que pour beaucoup, se prononcer contre la rébellion comporte des menaces pour eux et leurs familles. Mais c’est à ce prix et par ce courage que l’on évitera que la psychose gagne la population.
Nombre de Maliens comprennent mal que le civil d’hier devienne le rebelle de demain. Déjà en 1898, Louis de Trentinian, gouverneur du Soudan français disait : «Étant donné qu’on ne pourra jamais arriver à se faire des amis ou des alliés de ces tribus par suite de la haine de race qu’ils nous ont vouée, et de l’impossibilité dans laquelle nous les mettons de vivre de pillage et de vol, ce qui est leur seule ressource, il faut les empêcher de nuire en installant des milices.» C’était il y a plus d’un siècle. Et la rébellion, chaque fois menée par un petit groupe prétendant représenter toute une communauté, continue à vivre selon cette morale. Il est impératif que la majorité silencieuse des Touaregs marque sa désapprobation et rassure, elle aussi le reste de la population.
Chacun doit comprendre qu’au-delà des revendications communes à tous les Maliens quant à leurs conditions, il faut savoir raison garder. Cela même s’il est compréhensible que la République corrige les déséquilibres qui existent entre certaines régions et tente de corriger la «marginalisation» qu’à pu connaitre certaines composantes du peuple malien.
L’Azawad dans l’histoire, n’a jamais existé en tant qu’État, mais seulement en tant qu’aire géographique dans laquelle des peuples de toute origine vivaient (Arabe, Soninké, Peuls, Touaregs, Bozos ou Songhaï). Les Touaregs même dans cette aire ont toujours représenté une minorité. Aussi, penser qu’un État touareg puisse s’y établir de façon démocratique est illusoire. A moins d’y établir l’apartheid, cela reste une utopie.
Pour autant à l’approche de chaque élection depuis 1992, des terroristes pensent que nous sommes vulnérables et tentent de déstabiliser nos institutions.
Autant il est illusoire pour un Malinké dont l’aire culturelle s’étend de la Sénégambie à la Sierra Leone, de revendiquer la partition de ces pays pour se constituer un Etat, autant il est déraisonnable pour ces rebelles de vouloir un Etat dont la population n’est homogène qu’en sectionnant le Mali, le Niger, la Libye et l’Algérie.
Les Maliens se doivent d’être impartiaux !
Les Foutankés pourraient aussi venir réclamer Gao, puisque Askia Mohamed était un Soninké du Fouta Toro. Il est temps de redevenir réaliste. La raison, la loi et la démocratie sont les armes du XXIème siècle. Chacun le sait et doit apprendre à vivre avec.
Il est inadmissible que tant d’intelligence et de force soit utilisée pour la révolte et non à contribuer au développement de la région. Les actes de ces derniers jours ont fait perdre plusieurs années de progrès au Mali.
Nos pères et nos mères de la communauté touarègue malienne, ne doivent pas se taire quand des jeunes gens sont manipulés par des mercenaires venus de Libye. Et l’État ne doit plus tolérer qu’AQMI vienne jusqu’aux portes de nos villes.
Les Maliens se doivent d’être impartiaux et aujourd’hui l’impartialité demande que l’on rende justice aux efforts que le Mali fait pour construire la paix depuis 20 ans.
Cette même impartialité veut que l’on condamne l’agression injuste et injustifiée que subit le Mali, à quelques mois d’élections qui consacrent 20 années de démocratie. En cela, la déclaration récente de la France est celle que l’on souhaite d’un pays ami.
Toutefois, les Maliens sont décontenancés par la diffusion d’informations souvent non vérifiées, par RFI. Déjà il y a 20 ans, d’aucuns affirmaient que «Radio France Internationale (RFI) était devenue le porte-parole des rebelles vers la fin de l’année 1992». Cela est dommage, car à ce jour, les Maliens considèrent cette radio comme «la» plus objective.
Le Gouvernement semble, lui, avoir compris qu’il doit mieux communiquer. Seulement la communication, ne saurait être la solution du problème qui reste entier tant que ne sont pas adoptées des solutions réalistes et durables pour la stabilité et l’unité nationale.
Quant à la classe politique, nous la prévenons que notre génération n’acceptera pas d’être sacrifiée sur l’autel d’ambitions personnelles.
Nous n’admettrons pas que certains politiciens veuillent se faire un fonds de commerce sur le chaos et souhaitent le désordre pour mieux émerger.
Nous devons aller vers des élections paisibles et transparentes, afin de ne pas complexifier davantage la situation et créer une rupture avec la tradition démocratique que nous avons su instaurer depuis le 26 Mars.
Cela est réaliste, lorsque l’on sait qu’il y a 20 ans déjà le Mali à su montrer au monde entier que malgré la rébellion qui sévissait alors, nous avons pu rédiger une nouvelle Constitution, organiser des élections pluralistes et instaurer la démocratie.
Nous sommes toujours ce Peuple malien qui, aux heures ultimes, sait se montrer grand.
Par Madani Amadou Tall