Autant il a été impossible à la Grèce Antique de résoudre ses problèmes de géométrie de la quadrature du cercle, de la duplication du cube, de la trisection de l’angle, de la construction de l’heptagone régulier, il a été impossible à ATT de résoudre les équations pourtant si simples de la corruption endémique et rampante au Mali. En sus de la crise de l’école, du cataclysme du foncier, de la question sécuritaire au Nord du pays, de la faiblesse du système judiciaire, la corruption a été inconstestablement le talon d’Achille de la gouvernance de Amadou Touré qui a manqué avoir des yeux d’argus à la manière de ce personnage auquel la fable donnait cent yeux, fort vigilant et fort difficile à tromper. Au lieu de traquer et sévir, notre gouvernance actuelle s’est contentée plutôt de jouer à ravir la juste condescendence en refusant de voir les dessous des cartes du phénomène. L’inactivité et le silence ne sont ils pas aussi coupables que le crime? Le refus de sanctionner la corruption n’est il pas aussi une forme de corruption?
Il m’est difficile de résister à la forte tentation de poser certaines questions qui me taraudent l’esprit: ATT aurait-il été l’incarnation type de l’idéal moral du parfait surveillant de nos déniers publics(dans le sens de contrôle et de prévention du mal)? Qu’est –il advenu du slogan pompeux du “ kokadjè “? Pourquoi l’appareil judiciaire est il chiche des procès pour crimes de corruption après les rapports du Vegal? Quelle est l’ utilité pratique de l’existence du Végal et de la Cour des Comptes ? Pourquoi cette absence révoltante de toute politique anti-corruption préventive, dissuasive et coercitive? Peut –on raisonnablement prétendre lutter contre la pauvreté, atteindre les objectifs du millénaire pour le développement et donner un blanc seing à la corruption et à la délinquance financière? De deux choses l’une, ou bien ATT joue astucieusement la carte de la basse complaisance en protégeant ces rapaces économiques histoire de leur revaloir les dividendes politiques et pécuniaires auxquelles ils ont droit, après de bons et loyaux services.(c’est peut être ici que sa démocratie consensuelle trouverait toute son explication?). Ou bien, il est un habile et retors marionnettiste, ne voulant pas se salir les mains dans les chemins où s’embourbent le voleurs, tirant les ficelles, dans l’ombre, bénéficiaire d’une prébende après les opérations de saccage. Et enfin, pour pasticher Victor Hugo avec une certaine ironie maligne, nous dirons qu’ATT est personnellement incorruptible et il gouverne par la corruption. Il fait l’effet d’une honnête femme qui tiendrait un bordel. Une fois cela dit, comment expliquer et concevoir que la gouvernance actuelle défaille à éradiquer ce phénomène tangible qui est sans conteste un frein mortel au développement et au progrès de notre pays.
A chaque fois que nous touchons du doigt et à l’oeil une plaie dans la gestion des affaires, certains prennent le plaisir d’enclencher une véritable chasse aux sorcières qui, à notre sens n’est pas un cache-sexe suffisant pour cacher la nudité de notre gouvernance actuelle qui effraie nos yeux impudents. A la lumière des faits qui tombent sous le sens du tact, il serait fort difficile aux “avocats du diable” et à certaines gens de mauvaise foi de réfuter et de récuser l’existence des bandits à col-blancs qui s’engraissent de la substance du peuple et qui pillent à toutes mains nos déniers publics. Toute dissertation sur la malversation ne saurait être vue comme rabachée tant notre actualité quotidienne est férue de cas de corruption doublés d’injustice criarde et rébuttante qu’on se trouve à bon droit de se demander si le Mali n’est pas en passe de devenir une espèce de sanctuaire de la corruption. Cette noire situation sociétale illustre mon accusation et le procès que j’intente. Avant moi, quelques voix autorisées ont prêché cette petite croisade, du haut de leur cathèdre. Nous avons les mêmes préoccupations, donc l’alarme est au camp. La concussion bureaucratique, omniprésente dans notre administration publique relève d’une banalité déconcertante: à la police, à la gendarmerie, à la douane, à l’aéroport, à l’hopital, aux bureaux de poste, dans les secretariats de bureau, à l’école, dans les fédérations sportives, au palais de justice, dans la presse, dans les ministères, dans l’Assemblée Nationale la conscience et l’éthique professionnelles ont disparu depuis des lustres.
Le “Koutcha”ou le “ youroukou-youroukou” est dans l’air du temps: un grand nombre de fonctionnaires, dans l’exercice quotidienne de leurs tâches administratives, prélèvent une dîme en échange de leur service. Les “dessous de tables”, les pourboires, les surfacturations, les marchés fictifs, les détournements de fonds par les fonctionnaires véreux ne sont plus des délits passibles de punition. L’achat des voix et des consciences par les politiques, la gratification des agents de l’Etat par certains opérateurs économiques pour éviter des sanctions, la perception des “pots –de-vins” par les fonctionnaires pour l’octroi des marchés lucratifs s’apparenteraient à s’y méprendre à la corruption. Pour que les champs fleurissent d’espérance et que les coeurs vibrent de confiance, chaque malien se doit de faire preuve d’honnêteté, d’intégrité et d’apporter du soin, la minutie dans l’exécution de sa tâche quotidienne. C’est à ce niveau qu’apparaît le recent néologisme créé par la Banque Mondiale: la corruption silencieuse, service payé par l’Etat mais non rendu. Le retard, l’absentéïsme au travail, le vol des matériaux du service public sont autant d’actes de corruption.
A cela s’ajoute la grande corruption menée méthodiquement par l’élite politique qui se soucie de sa situation matérielle aisée, de sa douce aisance et de son pouvoir personnel. L’expansion des réseaux de corruption et du détournement des fonds publics vivent indubitablement leur printemps dans le Mali d’ATT. Après la vente de la Sotelma et de la BIM-SA, le gouvernement s’est expliqué sans convaincre quant à l’utilisation de la manne générée. La malversation des subventions du Fonds mondial du Ministère de la Santé a fait un grand bruit qui n’a pas manqué d’écorner la crédibilité de notre pays et d’embarrasser nos politiques. Nos partenaires techniques et financiers, ont tiré sur la sonnette d’alarme, lors de la revue budgétaire conjointe du 18 et 19 Octobre 2010 tenue à l’hôtel de l’Amitié. Ils ont mis notre gouvernance au pas lui enjoignant de lutter efficacement contre la corruption et la délinquance financière suite aux rapports du vérificateur général. En guise de replique, nos gouvernants nous offrent la déjà -entendue réthorique politicienne. Et pourtant les belles poésies des Etats Généraux sur la corruption et la délinquance financière sont encore présentes dans nos eprits.
Le classement mondial de l’organisme non gouvernemental Transparency International version 2010 a accouché d’un classement peu honorable pour notre pays quant à son indice de perception de la corruption(IPC). Notre pays a été classé 116/178 en fonction de la perception du niveau de corruption affectant l’administration publique et la classe politico-compradore.
Dans le Mali d’ATT, la gouvernance semble pactiser avec la corruption, traîte le phénomène avec mépris; sa disposition à être agréable à l’égard des voleurs de grands chemins, des flibustiers d’un genre nouveau, vivant de rapine et d’escroquerie, en s’accordant à leurs goûts relève de la basse collusion. Il a été prêté à ATT un certain angélisme qui lui interdit de honnir des chefs de famille voleurs. Et pourtant Napoléon Bonaparte avait instruit que le coeur d’un homme d’Etat doit être dans sa tête. Si la lutte contre la dépradation et le brigandage des fonctionnaires de l’Etat n’est pas prise dans l’ordre des priorités, toute lutte contre la pauvreté, le sous développement serait vouée à l’échec le plus cuissant, et le bas peuple ne manquera pas de s’engloutir dans un précipe abyssal de misère du fond duquel il ne sera réduit qu’à crier vers le ciel. Un combat efficace contre le crime de la corruption peut éviter cette cassure sociale. La grande majorité de la population malienne est en souffrance, il y’a lieu de créer l’espoir en gagnant la bataille contre la corruption.
Et cela interpelle la conscience de tout patriote-justicier. Dans une période de corruption, le silence devient synonyme d’une complicité aussi dangereuse et répugnante que la corruption. C’est une bonne marijuana qu’est le vol, aucun vol n’est suffisamment puissant pour subsister sans approbation. Le défaut ridicule de la gouvernance d’ATT est de vouloir créer le paradis pour les maliens tout en oubliant l’enfer.
Il est donc injonctif qu’ATT affûte et aiguise ses armes en les rendant plus offensives afin d’enclencher la véritable lutte qui n’a rien a voir avec ce combat de fleurets mouchetés auquel il se livre présentement. Q u’il prenne sa fronde et sa faux pour chasser ces maître fripons et grandes friponnnes autant dangereux que la peste. La corruption et l’impunité, son corollaire doivent être combattues et sanctionnées avec rigueur. Le refus de sanctionnner, le silence devant la corruption appartiennent aussi à l’ordre de la corruption. Lorsqu’on exerce un magistère et qu’on se refuse à assumer une reponsabilité vis à vis de ses actes et ceux de ses administrés, on devient ipso facto coupable. Il faut mener une véritable croisade, dans le sens d’expédition visant à orienter l’opinion publique dans le cadre de combat politico-social. Le préalable nécessaire à ce baroud d’honneur s’avère être une prise de conscience collective devant la montée exponentielle du phénomène de la corruption. La surmédiatisation orchestrée par la presse doit être partie intégrante de l’attelage. Ne seront pas concernés par ce combat, les journalistes corrompus, généreusement financés par les plutocrates, les oligarques et leurs cercles rapprochés mais ceux-là téméraires et osés qui ne réchigneront pas à déballer au grand jour les faits de corruption des puissants et des moins puissants. Le lancement d’une grande campagne publicitaire tous azimut soutenue par la radio, la télévision, la presse et l’internet portant sur la lutte contre la corruption doit être partie prenante de cette offensive.
Pour que cette gigantomachie, ce combat des Géants contre le dieux de l’Olympe, soit réelle et efficace il faut un système judiciaire très fort; une indépendance de la magistrature vis à vis du politique et d’une indépendance du barreau à l’égard de sa hiérarchie. Cette double autonomie aura le mérite d’enquêter concomitamment sur une justice injuste et sur les hommes politiques tout en suspendant leurs immunités diplomatiques, parlementaires et judiciaires. Les opérations anti-corruption menées en Espagne par le juge Baltasar Garzon, “mani pulite” ou “mains propres” par Antonio Di Pietro en Italie, au Chilie par Juan Guzman, en France par Eva Joly, sont de véritables cas d’école de courage, de conviction susceptibles d’ inspirer positivement nos juges et magistrats. A la faveur de la signature et de la ratification de la convention des Nations Unis sur la corruption par notre pays, il serait aisé de profiter de l’assistance juridique mutuelle facilitant les poursuites judiciaires en cas de corruption transnationale. L’instauration d’un contrôle conjoint avec nos partenaires financiers, les investisseurs étrangers et les institutions que sont le Fonds Monétaire International, la Banque Mondiale, l’Union Européenne, l’Organisation de Coopération et de Développement Economique, l’Union Monétaire Ouest Africaine, la Banque Ouest Africaine de Développement et autres en leur permettant d’organiser la fluidité et la traçabilité des flux financiers comportant l’identification des bénéficiaires et de leurs origines.
La boutade “d’un arabe arrêté pour corruption de fonctionnaire parce qu’il avait donné un sucre à un chien policier “est la devinette d’Epinal bien- à- propos. L’image cachée à chercher est la sanction qui doit accompagner un acte de corruption. Sous d’autres cieux et en d’autres temps, le code pénal punit sévèrement les fonctionnnaires ou officiers publics coupables de crime de malversation. La sanction de ce délit va de l’emprisonnement avec amende à la clef, la torture, l’échafaud, la guillotine, le bûcher, la pendaison, la peine de mort….L’évocation ou la critique de la corruption dans la société malienne est devenue un sujet tabou. Et toute transgression du sacro-saint est sanctionnée par une punition sévère ou l’ostracisme. Ce n’est pas le talentueux jeune chanteur Issa Coulibaly alias Bafing Kul*(1) qui a eu le toupet de toucher à ce fléau qui dira le contraire. Son clip “YELEMA”(le changement), véritable chef d’oeuvre en la matière, est un brulôt qui torpille la corruption dans notre pays. Le directeur des programmes et “le tribunal censorial” de l’ORTM ont jugé bon de ne pas diffuser le clip parce qu’il dérangerait au plus haut sommet. Ils ne veulent pas tout simplement perdre leurs fauteils douillets. Et pourtant, la lyrique de cette chanson est sertie de vérités crues, embêtantes et gênantes*(2).
Vivement la venue d’un président à poigne et de séduction qui aura l’énergie et la fermeté nécessaires pour gouverner, punir et nous faire rêver. Oui nous avons besoin d’ un homme d’autorité, de conviction, de courage et d’efficacité à la Magistrature suprême pour nettoyer ce capharnaùm. Une espèce de Zorro, un justicier célèbre dont la mission consistera à traquer les corrompus et corrupteurs aux quatre coins du Mali. “Ne nous reposons pas sur nos acquis, mais efforçons –nous de construire la paix, de vouloir que la paix soit dans le coeur et dans l’esprit de chacun” disait John Fitzgerald Kennedy. Pour que la paix soit dans les esprits et dans les coeurs, il s’impose de combler la fracture sociale qui a généré des maliens malhonnêtement riches et des maliens honnêtement pauvres dont les conditions d’existence difficiles alimentent une frustration, une rancoeur qui sont à coup sûr de véritables bombes explosives à retardement. L’inégalité dans la répartition des biens a plongé bon nombre de pays dans le huitième cercle de l’enfer. Telle Béatrice Portinari, la Florentine inspiratrice de Dante dans la “Divine Comédie”, participons ensemble à ce combat en jouant le rôle de muse du futur Président, marchand d’espérance,visionnaire, chimérique, triomphal et vainqueur du fléau de la corruption qui ouvrira les portes du salut dans un Mali prospère, juste, paisible et uni.
Une contribution de Mr Fatogoma Mohamed Ouattara
Fouattara2@comcast.net
http://fouattara.blogspot.com
Orange, New Jersey
USA
Note: Consulter ce lien pour la chanson “yelema” ( le changement de Bafing kul):
http://www.dailymotion.com/video/x6vhny_yelema-le-changement-appolo-reggae_news
http://www.dailymotion.com/video/xatxp7_yelema-live-a-change-le-changement_music
www.dailymotion.com/bafingkul