Il est heureux d’entendre pour une fois, en tout cas, du Chef de l’Etat du Sénégal, reconnaitre publiquement, que la corruption existe chez-nous. Et non seulement cela, mais qu’elle est effectivement présente dans tous les rouages de l’Administration et de notre société. Ceci est une vérité irréfutable, et il ne servirait à rien de vouloir l’occulter, puisqu’elle gangrène notre économie nationale. Elle fonde chez les investisseurs, une raison valable de suspicion à l’égard de nos institutions, sur leur sériosité. Alors, c’est tout de même encourageant que le Chef de l’Etat, officiellement lui déclare la guerre sans ambages, et appelle aussi tous les citoyens à dénoncer et combattre toutes formes de corruption d’où qu’elles viennent, et quels que soient par ailleurs leurs auteurs. C’est une déclaration qui, si elle est suivie effectivement d’application, pourrait bien aider à assainir nos vilaines mœurs en cours dans l’Administration, la société en général et valoir plus de confiance à notre pays.
Mais nous avons cependant de sérieuses craintes, de voir cette volonté annoncée se diluer ou abandonner à cause des interventions intempestives de chefs religieux en faveurs de leurs fidèles incriminés. Cette déclaration qui annonce justement une sorte de rupture par rapport aux pratiques de Me Wade sur ce fléau, est à saluer. Mais, qu’elle ne soit pas simplement du feu de paille, comme par le passé, notamment la traque des biens mal acquis, qui traine encore le pas, au vu de ses faibles résultats pour l’instant.
La gestion rigoureuse, rationnelle et efficiente des biens mobiliers et immobiliers de l’Etat est absolument incompatible avec le gaspillage et l’excès constatés dans leur utilisation. Leur emploi judicieux et à juste raison, qui est une exigence majeure en la matière, participe à l’évidence à la bonne gouvernance et gestion des affaires publiques, et contribue efficacement comme facteur notoire incontestable de diminution du train de vie de l’Etat.
La gestion des biens mobiliers et immobiliers de l’Etat, est dans un laisser-aller anarchique et un laisser-faire indescriptible. Elle a cessé d’être depuis fort longtemps, entre des mains responsables, ou de relever de la responsabilité bien déterminée, d’hommes pleins d’éthique, qui ont le sens du devoir civique absolu de rendre compte périodiquement et en cas de besoin, de la gestion des biens sous leur contrôle. Le laxisme constaté dans la gestion rigoureuse des biens mobiliers et immobiliers de l’Etat, a commencé son déclin avec Abdou Diouf. La perte totale de tout contrôle dans la gestion des biens de l’Etat et l’absence de la tenue régulière d’une comptabilité matière précise et fiable, ainsi que l’affectation nominative localisable à tout instant des biens, à des services ou fonctionnaires identifiables, sont intervenues sous la gestion informelle de Abdoulaye Wade. Dans ce méli-mélo où l’on ne savait plus qui est qui et où se trouve quoi, Me Wade a basculé la gestion des biens de l’Etat dans une anarchie et confusion voulues à dessein, dans le but inavouable de pouvoir certainement les faire disparaitre un jour, du patrimoine de l’Etat.
C’est ainsi d’ailleurs, que certains biens mobiliers et immobiliers de l’Etat, bien que, affectés pour les besoins du service public à une structure donnée de l’Etat, ils sont plutôt quasiment au service exclusif du chef de service, qui est à la fois le responsable politique du parti au Pouvoir. Ce dernier, gèle souventes fois les besoins du service public pour lequel ces biens ont été affectés dans le but de leur utilisation conforme à la mission du service, au profit de ses propres tâches politiques ou besoins personnels. Cette pratique réprouvée de gestion patrimoniale incivique des biens de l’Etat, par des responsables politiques véreux, portés à la tête des structures publiques, est encore en cours.
Comme on peut bien l’affirmer dans une certaine mesure, la corruption est parfaitement une forme dissimilée illégale pour se procurer facilement des biens mal acquis. Et à cet effet, elle doit être combattue et réprimée aussi sévèrement que le détournement de deniers publics. L’absence aujourd’hui d’éthique dans la gestion des affaires publiques et de l’imputabilité des fautes dans notre pays, constitue une porte délibérément ouverte pour certains citoyens véreux, qui s’adonnent au vice de la malversation, comme leur jeu favori. Cette race d’individus aux aguets, s’engouffre à l’occasion, dans cette brèche-là. Et, étant donné qu’ils bénéficient en plus, d’un régime d’impunité presque totale, ils participent aussi au pillage des ressources de l’Etat, avec la complicité, de personne d’autre que le Pouvoir en place. En conséquence, le train de vie de l’Etat grève sans répondant positif sur la qualité du service public ou bien la satisfaction des besoins du citoyen. Autrement dit, ce train de vie dispendieux, dû aux dépenses de prestige et improductives des Pouvoirs qui se sont succédé jusque-là, est inversement proportionnel à un service public de qualité, au profit des citoyens.
Il est temps et urgent, de redresser la barre et de remettre les pendules à l’heure, en ramenant le train de vie de l’Etat, dans les meilleurs délais, à de justes et raisonnables proportions correspondant à l’état réel de notre niveau de développement.
Voici quelques exemples de dépenses aggravantes du train de vie de l’Etat, et mesures injustifiables de diminution des recettes du Trésor public. Alors que, ceci n’est nullement fait sous aucune contrainte réglementaire obligatoire, mais simplement, par générosité débordante pour satisfaire des gens et on ne sait pourquoi ? Ou alors une inflexion, sous le poids d’une pression de revendications démagogiques, satisfaites, sans au préalable mesurer toutes les incidences et conséquences ultérieures sur les autres secteurs sociaux et le Trésor public ?
– Les fonds politiques des différentes institutions du pays doivent être revus à la baisse, pour ceux qui en ont droit, et la suppression pure et simple pour tous les autres,
– La dotation des voitures de fonction aux services et au personnel, se fait de manière irrationnelle, sentimentale et illogique, qui ne semble s’appuyer sur aucun critère objectif donnant droit ; tout d’abord et en tout état de cause, c’est à l’Etat lui-même qu’il doit revenir la latitude de déterminer le type de voitures à se procurer, selon l’utilité et le budget prévu, et non à chaque fonctionnaire d’exprimer la voiture de son choix ; il doit exister pour l’Etat un parc national de véhicules, destinés à l’affectation aux services et au personnel ; C’est un non-sens et irrationnel d’affecter tout un parc de voitures à un ministre ou un quelconque fonctionnaire et parler ensuite de gestion efficiente des biens de l’Etat ; leur nombre doit être limité par la loi, au strict nécessaire,
– Il est clair pour tous et doit pour tous être entendu comme tel, que tous les biens mobiliers et immobiliers sont destinés principalement au fonctionnement efficient et optimum du service public ; ceci étant, tous les véhicules administratifs non affectés, autres que ceux des services de sécurité, devront être, sauf autorisation spéciale, immobilisés, en dehors des heures de travail et jours fériées,
– La dotation ahurissante de carburant au niveau de l’Etat, est un scandale et une aberration. Raisonnablement, comment un ministre, un député ou fonctionnaire peut-il justifier la consommation de 1000 litres ou de 10 000 litres d’essence en un mois ? en vérité, la réalité est naturellement tout autre sur le terrain. Il n’est pas rare d’ailleurs, de voir leur trop-plein, en vente sur le marché. En termes clairs, c’est de l’excès et du gaspillage à corriger,
– L’Assemblée nationale, voilà une Institution qui représente le peuple en principe, et au sein de laquelle l’éthique, la justice sociale, la gestion rigoureuse des ressources nationales, l’impartialité à toute épreuve, la solidarité et surtout le bien-être des populations et le contrôle de l’Exécutif devaient être au centre de leurs préoccupations majeures, mais hélas ! Tel n’est pas malheureusement le cas. Plutôt, ils se servent bien et à notre détriment, même en violation des règles non écrites et de la morale tout court.
– En tout cas, il n’est mentionné nulle part par la loi, que les députés ont droit à un véhicule, et pourtant, ils en sont non seulement dotés à chaque législature, mais il leur est gracieusement offert en plus, sur un coup de tête de Me Wade. Pour illustrer ces privilèges, jugez à partir de l’article de Saliou Gueye de Seneplus du 25/12/2013, intitulé : « Ce que coûte un député sénégalais »
« Une législature : 25 milliards de francs Cfa de salaires, téléphone, voitures et carburant.
Ainsi pour les salaires, crédits téléphone d’une poignée de députés, voitures et carburant d’une législature, l’Etat débloque 25 372 500 000 francs Cfa. Cette somme peut atteindre ou même dépasser les 26 milliards si on y augmente les logements de fonctions de certains députés à la charge de l’institution, les frais de voyage des députés, les perdiems afférents, la formation payante de certains députés apéristes, les dessous de table, les bakchichs, les «soukarou koor» et les aides-tabaski. En cinq ans, un député sénégalais aura coûté en moyenne 169 millions 150 mille francs Cfa au contribuable sénégalais. » A cela, il faut y ajouter les passeports diplomatiques accordés à leurs épouses, quel que soit leur nombre. Et c’est à juste raison, qu’on peut se demander au vu de tout cela, à quand réellement la rupture ?
– La suppression des impôts dus par les patrons de Presse, sans leur demande, par le président de la République, est une mesure antiéconomique, incivique et injustifiable. Elle n’est pas d’ailleurs loin de relever d’un abus d’autorité. Or, il aurait simplement fallu, leur accorder pour difficultés économiques momentanées, des facilités de paiement par un moratoire à leur portée. Mais pourquoi d’ailleurs eux seulement, et non les autres opérateurs économiques, monsieur le président ? Sont-ils d’ailleurs les seuls à avoir bénéficié de ce privilège ? Nul, le ne sait encore!
Monsieur le président de la République, votre déclaration de retour de Paris, dans laquelle, fort justement, vous appelez les Sénégalais au travail et les invitez à cesser la tricherie, pour bien mériter le salaire qu’ils perçoivent, peut être considérée comme un début de rupture, par le discours et le ton. Mais à notre avis, vous devez être monsieur le président, le premier à indiquer la voie, en donnant le bon exemple en tout, mais et surtout, en prenant des mesures énergiques, fermes et irréversibles, engageant tout le gouvernement, à tous les niveaux pour une gestion rigoureuse, efficiente des deniers, des services et biens publics. Il est évident, que vous n’êtes pas sans savoir, que tout ce qui a été dit plus haut, démontre bien que les choses ne bougent pas encore dans le sens souhaité.
Nous pensons au demeurant, qu’il faut bien observer et étudier, tout ce qui se fait de bien et juste ailleurs, en matière de gestion rigoureuse des biens publics et de bonne gouvernance des affaires publiques, de s’en référer sans complexe pour le bien de notre pays. Il est indispensable de réajuster toutes les anomalies et tous les passe-droits qui ont été incrustés à travers la gestion informelle et hasardeuse, dans l’Administration et les rouages de l’Etat par Me Wade. Votre prédécesseur a mis de travers ou à l’envers, toutes les règles d’éthique et valeurs intrinsèques de notre peuple, et a choisi de placer en connaissance de cause, des hommes parmi les moins vertueux de chez-nous, pour gérer les biens de la Nation. Ceux-là, les ont plutôt pillés. Vous devez faire maintenant appel monsieur le président, à l’esprit de patriotisme à ceux-là qui ont largement bénéficié jusque-là de ces privilèges, pour qu’ils acceptent de revenir à l’orthodoxie et à la normalité. Par ailleurs monsieur le président, dites à vos proches et partisans, que la Patrie avant le Parti est une évidence indiscutable et non négociable, puisque la Patrie est pérenne et nous concerne tous, tandis le parti, il est non seulement temporel, mais aussi partiel, parce qu’il n’est que l’affaire d’une infime partie d’entre nous.
Enfin monsieur le président, à travers les divers organes de contrôle, de surveillance et de répression proposés par la CNRI dans la réforme des institutions, vous avez justement des garde-fous et des voies efficaces de prévention et de solution pour résoudre ces tares dont vous faites référence et déplorez vivement l’existence, telles que la corruption, les malversations, les conduites inciviques et la gestion peu vertueuse des biens mobiliers et immobiliers de ‘Etat.
« jem lu baax tële ayul, ñaka jem daraa moy li bon »
Mandiaye Gaye
Gaye_mandiaye@hotmail.com