Réclamée à corps et à cris par la grande majorité des Maliens dès sa proposition aux lendemains des évènements du 22 mars 2012, la convention nationale demeure un impératif du moment dès lors qu’elle est souhaitée dans un contexte où le Mali a besoin de se reprendre en main. Cependant, son organisation requiert une grande maturité pour éviter qu’elle ne soit transformée en un tribunal où il sera question de tout sauf de l’essentiel.
Pour sa tenue effective et efficiente, il est important que nous nous accordions sur deux principes d’extrême importance: l’inutilité de nous attarder sur toutes les questions qui relèvent de la justice en nous convainquant que cette dernière, dans sa dynamique actuelle saura régler les questions y afférant. Et l’inopportunité de discuter des questions ayant trait au Président et au Gouvernement de transition, nous accordant sur le simple fait que les Maliens aspirent à aller désormais de l’avant. Si nous soutenons effectivement ces Autorités déjà en place, nous permettrons à notre pays de s’éloigner du spectre de la déstabilisation. Nous donnerons en même temps plus de chance aux missions en attente d’être accomplies à la satisfaction générale.
Hormis ces deux questions, toutes les autres peuvent être débattues pour permettre à notre processus de démocratisation de prendre la route. A cet effet, nous proposons en discussion les quelques questions suivantes: Les organes de transition et leur mode de gestion ; la reforme constitutionnelle ; la problématique des partis politiques ; l’état du processus de décentralisation ; la reforme de l’Etat ; la problématique de l’Education Nationale; la problématique de la Presse au Mali ; la dynamique de l’intégration au plan sous-régional et régional ;
La Mondialisation.
Il est clair que pour discuter de ces questions, nous devons avoir à l’esprit deux orientations : La convention doit rester strictement inter-malienne et se dérouler à hui clos. Toutes postures capables de nuire à sa sérénité doivent être proscrites, notamment les interviews à tout vent et les conciliabules à caractère tendancieux. Aucune couverture médiatique ne doit être autorisée avant la fin des travaux : Les résolutions sans nuances qui en découleront serviront de cadre de référence à toutes les Autorités qui auront la charge de diriger notre pays. Par rapport aux questions proposées à débat, notre appréciation sur état leur actuel se résume comme il suit :
Les organes de transition et sa gestion
Notre pays traverse une crise qui couve depuis bien longtemps suite à une approche mono partisane de notre processus de démocratisation. Déjà, lors de la transition bâclée d’après mars 1991, au cours de laquelle les discours démagogiques et la quête effrénée du pouvoir ont pris le pas sur l’aspect préparatoire de l’entrée en démocratie pluraliste, la montagne a accouché d’une souris. Tout le reste n’est que conséquences de ces impréparations. La plus part des tares dénoncées aujourd’hui ont poussé leurs racines pendant cette période de transition.
Il nous revient donc de tout mettre en œuvre pour que la présente transition, qui a eu du mal à s’installer, ait pour finalité de permettre au Peuple malien de se réconcilier avec lui-même dans une retrouvaille annonciatrice de lendemains meilleurs.
Pour ce faire, notre transition doit s’appuyer sur des organes constructifs, pertinents et consensuels. En cela, les propositions faites par le Président de la République par intérim à son retour au pays doivent être examinées dans un cadre approprié, enrichies et mises en œuvre pour compléter les organes de la transition.
Dans l’exécution des missions imposées en défis à notre pays, il est important que tous les organes mis en place soient solidaires dans leurs actions en minimisant autant que possible les déficits de communication et les communications solitaires. En effet, toute action menée en solo ouvre automatiquement la voie à des francs tireurs embusqués pour faire capoter le processus en cours.
Concernant les grandes décisions qui ont une importance avérée sur la vie des Maliens, il est impératif que la primauté de l’information revienne désormais à ces maliens car, en cette phase douloureuse de notre histoire, nous devons éviter de créer des conditions qui permettent à l’émotivité de prendre le pas sur les réalités et la raison. A la sortie de cette transition, sans ambition de créer une euphorie débordante, chaque organe de transition individuellement ou avec les autres, doit pouvoir partager le sentiment d’avoir correctement accompli des missions pour lesquelles le Peuple du Mali pourra trouver son compte.
La Constitution : Notre constitution à tout égard doit être revisitée pour qu’elle s’accommode au mieux aux réalités socioculturelles de notre pays et en même temps sauvegarder dans une large mesure certains concepts universellement acceptables. Pour mieux recadrer notre constitution, il faut que nous évitons de continuer à faire croire que ce qui s’est passé ou se passe encore dans les pays occidentaux constituent des repères immuables et universels dont on ne peut se passer. Chaque constitution s’élabore ou se modifie dans un contexte déterminé en rapport avec les réalités culturelles, sociales et économiques du peuple concerné. Elle doit forcément intégrer les lignes directrices qui lui permettent d’aller vers ses légitimes aspirations à vivre comme une entité universellement reconnue dans la paix et la quiétude.
Le référentiel suprême pour notre constitution doit rester le Peuple du Mali, fort de sa diversité, de sa quête permanente d’unité et de ses projections vers un développement socio-économique durable. Dans notre constitution, un contenu clair doit être donné aux pluralismes politique et associatif. A notre avis, la pluralité des opinions et des options politiques ne peut pas justifier une anarchie dans la création des partis politiques qui, pour notre part doivent correspondre à des types de société à bâtir donc resteront forcément en nombre limité. Si chaque saut d’humeur doit justifier la création d’un parti politique, nous contribuerons à instaurer l’anarchie politique et à entretenir la division dans notre pays. Ceux qui ont créé ce système et l’entretenu l’ont fait pour la préservation de leurs intérêts sordides. Il revient maintenant aux maliens de s’en rendre compte et d’aller vers la construction démocratique qui les arrange.
Lors des débats sur la révision constitutionnelle qui, fort heureusement est restée en l’état de projet, la question relative à la nationalité pour prétendre à un poste de responsabilité dont celui du Président de la République doit être approfondie pour lever toute ambiguïté. Autant un citoyen de nationalité malienne ne peut prétendre être éligible ailleurs, voire même électeur dans un autre pays, aucune démagogie ne doit nous conduire à accepter qu’une personne qui ne se suffit pas de la seule nationalité malienne puisse prétendre à un poste électif. Au Mali, la question de la nationalité ne s’est jamais posé en termes d’origine de la nationalité. Le footballeur qui opte pour la nationalité malienne ne se prévaut d’aucune autre nationalité, tout comme cet autre africain qui souhaite bénéficier de la nationalité malienne. Un citoyen à nationalité multiple n’est pas transparent, donc ne doit pouvoir jouir de la plénitude des avantages de la nationalité. D’autres questions importantes ayant trait aux pouvoirs du Président de la République, aux recours possibles pour aboutir à une transition en cas de défaillances avérées des institutions et aux pouvoirs des Autorités de transition doivent être approfondies.
La problématique des partis politiques
Une des grandes faiblesses de notre processus de démocratisation demeure le nombre exagéré des partis politiques dont en réalité certains n’ont ni contenus, ni contenants. Si la force d’une nation réside en sa capacité à fédérer si nécessaire les efforts pour juguler les grands défis auxquels elle peut être confrontée, tout schéma susceptible d’entretenir une cacophonie politicienne est nuisible à tout point de vue. La solidité des institutions en sera constamment affectée. Il nous reviendra donc en toute objectivité d’analyser les conditions qui ont concouru à la multiplication démesurée du nombre des partis politiques, à leurs impacts sur le processus démocratique et certainement nous rendre compte que la plupart des dérives qui se sont accentuées dans notre pays (corruption, détournement des derniers publics, clientélisme, etc.), sont les conséquences directes de cet état de fait. En principe si les partis politiques ont pour vocation la conquête du pouvoir, c’est bien pour bâtir un type de société précis. Quelle possibilité de choix s’offre-il au citoyen si tous les partis politiques se réclament du même projet de société ? Le choix se fera donc à la tête du client, donc au plus offrant, à l’origine de la corruption et à l’achat des consciences. Où trouver les moyens si ce n’est dans les caisses de l’Etat à travers des postes savamment distribués. Pour nous en tout cas, parti politique rime avec projet de société, idéologie politique et organisation structurée dotée d’une discipline interne. Obligatoirement dans ce cas, le nombre de partis politiques sera limité. Donc dans la constitution actuelle, le concept de multipartisme intégral doit être revu.
L’état du processus de décentralisation
Le principe de la décentralisation a été accepté comme mode de gestion pour permettre aux collectivités locales de participer de manière efficiente au développement socio-économique de leurs terroirs. A l’état actuel, la Décentralisation pratiquée crée le sentiment d’avoir engendré plus de problèmes que de solutions. Il nous revient d’en faire un bilan exhaustif pour nous permettre de corriger ce qui est encore possible.
Conçue pour renforcer la gouvernance du pays, la décentralisation ne peut rester avec sa seule consonance arithmétique (703 communes, 49 cercles, 8 régions et un district). Le démocratisme malien a développé des nouvelles habitudes qui ont contribué à déstabiliser tout sur son passage (moralité citoyenne, éducation nationale sachant que la plus part des élus communaux sont des enseignants, gestion domaniale catastrophique, etc.). Il est évident que si la Convention, de part la durée qu’on lui réserve, ne s’offre pas comme cadre idéal de ces débats, elle aura déjà bien fait en définissant un cadre approprié et le programmer.
Les récents reportages de l’ORTM, qui méritent d’être encouragés et poursuivis disent long sur certains des aspects, notamment sur les cadres de vie des populations, la question foncière, l’école et tant d’autres.
La reforme de l’Etat ;
La faiblesse avérée de notre Etat a favorisé des dérives de toute sorte. Le pouvoir d’Etat a été fragilisé à telle enseigne que les citoyens honnêtes ne savent plus à quel saint se vouer. Pendant ce temps, la jeunesse tend à perdre tous les repaires qui avaient fait de ce pays un des plus respectés du continent. En ignorant tout des biens faits de la bonne éducation, le pays s’est transformé en passoirs pour toutes les mœurs répréhensibles….. Que faire pour inverser cette tendance ? C’est sur cela que la convention nationale devra s’appesantir. Nous nous rendrons compte que beaucoup d’aspects liés à la dérive dans notre pays ont un dénominateur commun qu’est la mauvaise gouvernance. Revenant aux propos de Monsieur OBAMA, Président des Etats Unis d’Amérique, les institutions fortes ne peuvent découler que d’une bonne orientation, des pouvoirs de décision assumés et des recours responsables après que des actes aient été posés. Dans notre pays, la politique de subordination entretenue à des fins malsaines n’a fait que développer la mauvaise gouvernance tout le long de cette période de démocratisme. La notion de patrie et de sens patriotique ont fini par prendre l’apparence d’un leurre.
La problématique de l’Education au Mali ;
Tout comme pour la Décentralisation, l’Education Nationale a été malmenée dans ses coins et recoins du fait des politiciens et des marchands d’illusion, surtout pendant ces 20 dernières années pendant lesquelles l’affairisme a pleinement pris pied dans l’école. L’ORTM rendra beaucoup de services à notre pays en poursuivant sa visite sur les archives nationales pour permettre aux quelques témoins encore vivants de participer à la rédemption de notre système éducatif. Dans l’imbroglio actuel, il est important que le pays retrouve une école qui, non seulement correspond à ses besoins, mais également capables de former des hommes à la hauteur de la compétitivité internationale. La reprise en main de l’école malienne relèvera du choix d’une bonne politique de l’éducation, mais également de l’extirpation de la politique politicienne hors du champ de l’école.
La problématique de la Presse au Mali
Il est admis que la Presse est un levier important dans une construction démocratique, voire en démocratie tout cours. Cependant son comportement face aux faits historiques détermine sa crédibilité. Une Presse républicaine au sens déontologique ne peut que renforcer la citoyenneté et la gouvernance du pays pendant qu’une Presse alimentaire peut tordre le coup à la vérité, déformer le comportement citoyen et fragiliser les institutions de la République. Comme l’a dit l’autre, certaines lignes écrites et certains mots prononcés sont pires qu’une rafale de mitraillette.
Concernant la Presse privée, beaucoup de choses peuvent être dites et corrigées. Quant à la Presse publique (ORTM et AMAP), il est important qu’elle continue à rester publique et non affiliée à un régime. L’équivoque levée par le Conseiller Technique en charge de la communication gouvernementale au niveau de la Primature, le Ministre Hamadoun TOURE vaut son pesant d’or. Il appartient à la Presse elle-même d’aller vers une mutation qualitative car la proximité des puanteurs politiciennes conjuguées avec l’immoralité dans la recherche du gain ont causé beaucoup de tort à notre pays.
La dynamique de l’intégration
Comme il a été admis dès les premières années de nos indépendances par les pères fondateurs de nos Etats, aucun peuple ne peut vivre renfermé sur lui-même. Toutefois, le sens de responsabilité qui caractérisait certains dirigeants africains de l’époque, a fait que les aspirations profondes des peuples africains étaient portées plus haut et plus loin. Face aux courants en pratique actuellement en Afrique, dont malheureusement la grande majorité des pays sont dirigés par des agents administratifs à la place des hommes politiques, notre continent est désormais orphelin. Que cela soit collectivement ou par Etat, il est important que l’on s’arrête quelque part en Afrique pour analyser afin qu’il soit tenu compte des aspirations profondes de nos peuples.
De manière générale en Afrique, les courants intégrateurs qui ont poussé nos Etats à vouloir aller ensemble se sont laissés déborder par le mercantilisme de nos hommes d’Etat. A ce propos, au-delà des discours lénifiants qui font de tout le monde l’ami et frère de tout le monde, et du fait que peu d’hommes d’Etat de notre continent dirigent leur peuple avec leur propre conscience, pour rester convaincus de vouloir se maintenir en phase avec les intérêts de la grande majorité de leurs populations, il est plus que salutaire de nous interroger sur les types d’intégration à promouvoir. Quand les dirigeants des pays continuent de tricher avec leurs propres peuples et les peuples des autres pays, peu de chance seront donnés à une intégration effective de nos populations.
L’élan intégrateur de notre pays n’a jamais fait défaut et à chaque fois, notre pays a donné autant que possible le meilleur de lui-même. C’est pourquoi beaucoup de Maliens continuent à se poser la question de savoir pour quels motifs réels l’élan de solidarité de la CEDEAO continue à être déstabilisatrice pour notre pays ? Qu’est- ce que nous avons fait pour mériter d’une telle méprise de la part de cette organisation? La réponse pourra être trouvée lors de la convention nationale. Sans excès et avec la ferme volonté d’apporter une contribution qualitative à l’unification de notre continent, la Convention nationale pourra se donner les moyens d’aller en profondeur sur la question pour le bénéfice de l’Afrique en général et du Mali en particulier.
La Mondialisation
En lui-même, le concept de la mondialisation et de la globalisation sont fondés à certains égards. Cependant, observée de part la pratique actuelle, il s’agit du plus grand chantier de duperie que le monde occidental ait trouvé pour spolier le reste du monde. Il est important pour nous pays en développement de nous en rendre compte et nous trouver la meilleure voie de sortie. En effet, comme l’a si bien dit cette grande dame du Mali, notre monde actuel est dirigé par l’injustice. La période que nous vivons est beaucoup moins équilibrée que du temps de la guerre froide, donnant la possibilité à ceux qui croient forts d’agresser ceux qui refusent leur diktat. A cette allure, les risques d’implosion sont suffisamment élevés pour donner à un continent instable et fragile comme l’Afrique de s’en sortir.
Notre continent est très riches, notre pays n’est pas pauvre, cependant tous les maux de ce monde commencent par nous et se terminent par nous. L’économisme pratiqué à l’heure actuelle ne fera jamais le bonheur des peuples. Il ne garantira pas non plus la stabilité du monde. L’intégration des atouts africains à ceux du reste du monde doit commencer par la croyance à nos valeurs et le respect des uns par les autres. Ensuite, sans tromperie et suivant la voie des précurseurs de l’Organisation de l’Unité Africaine, les dirigeants actuels de l’Afrique doivent se convaincre que l’Union Africaine gagnerait mieux si les dirigeants du continent prenaient conscience de leurs propres faiblesses. En s’adonnant déjà à cet exercice, ils se rendront compte que leurs seuls maîtres à penser doit rester leurs peuples. Déjà, à tout prix, notre continent doit s’éloigner du conflit des civilisations qui, pendant longtemps, lui a causé beaucoup de tort.
Bamako, le 17 septembre 2012
Bou TRAORE
Ingénieur des Constructions civiles à la retraite.
Convention nationale? Je suis d’accord avec vous mais à une seule condition. Qu’elle se tienne à Kidal et non à Bamako.
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