La causa nostras malienne…

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Pourquoi un coup d’Etat au Mali alors que le pouvoir constitutionnel du président Amadou Toumani TOURE n’avait à courir qu’une trentaine de jours ? Tel peut être l’argument avancé par une certaine intelligentsia beaucoup plus théorique que pratique en réalité. Nous l’avions déjà écrit, rien ne sert de toujours condamner les coups de force tant que nous ne sommes pas à mesure de valablement analyser et cerner les causes qui les entraînent.

Mr Haidara Cherif

Parmi celles-ci, et fondamentalement, c’est bien la volonté des mandants de tropicaliser les valeurs démocratiques pour les dénuder de toutes substances viables à l’expression des voix du peuples. Depuis 1990, ceux qui ont été les symboles de la marche démocratique sur le continent, à l’épreuve du pouvoir, l’érosion a eu raison du manteau de fer démocratique qui cachait les vêtements ensanglantés du tyran et l’audit financier a décelé les délits d’initiés des boursiers indélicats. Ne dit on pas que l’habit ne fait pas le moine ? De démocrates, ils ne l’étaient que de nom. A l’exception d’une poignée dont le fer de lance fut Nelson Mandela. Les autres dont, un certain ATT, un autre du nom de Wade, ensuite un Gbagbo, et la liste peut s’étendre, n’en avaient pas les envergures.

Il a fallu deux millions d’années à l’aïeul de l’homo sapiens et 33 milles ans à l’homme moderne à fin d’appréhender l’incarnation des droits individuels et du devoir citoyen, je dis bien « devoir citoyen » dans l’essence humaine. C’est ce qui a abouti à la naissance de la « démocratie Athénienne ». De démocratie en réalité, il s’agissait plutôt d’une ploutocratie élective dans la Grèce Antique. Il a nécessité encore deux millénaires de lutte et de révoltes populaires dans le sang contre les gouvernants non seulement dans le temps mais aussi dans l’espace pour en fin aboutir à ce standard de gouvernance aujourd’hui célébré de part le monde. J’ai envie de dire que la démocratie est un outil d’équilibre ou de cohésion social dont les critères ont été apprivoisés par l’homme par tâtonnements révolutionnaires meurtriers. Pour dire vrai, elle n’a jamais été un luxe offert par ceux qui gouvernent.

On ne saura dompter les pourtours et les contours de la démocratie que lorsque nous saurons poser les vraies questions, que lorsque des démocrates sincères seront au gouvernail pour conduire les affaires de nos Etats avec brio par le truchement de cette science. On ne peut pas continuellement berner le peuple qui, le plus souvent, se réveille de façon violente et maladroite.

Pourquoi un coup d’Etat ?

Revenons-en là. C’est certainement parce que nous sommes arrivés à une phase critique. Et comme l’a défini Henri Hude, la phase critique est une situation où les choses ne peuvent plus  simplement continuer sur leur lancée et qu’il faille décider de nouvelles orientations. Le Mali n’était il pas à une phase critique de son histoire? Absolument ! Il nous faut faire une analyse avec un esprit historique et politique pour comprendre les tenants et les aboutissants de ces heures délicates qui se déroulent sous nos yeux.

A l’arrestation de Modibo KEITA  à Dakar, prélude à la fin de l’éphémère fédération du Mali, les soudanais s’étaient levés instinctivement et prêts à marcher  en direction du Sénégal pour faire libérer le symbole de leur indépendance. En 1968, berné par les slogans de ceux qui allaient durablement  défaire ce pays  qui était promis à des lendemains florissants, il se leva de nouveau  contre ce qu’on lui avait fait percevoir  comme un péril rouge (socialo-communiste) et le rigoureux Modibo en payait les frais. Les peuples se trompent souvent c’est indéniable. 23 ans plus tard, brusquement sorti d’une somnolence sous une dictature militaire, encore une fois ce peuple refait appelle à ses reflexes valeureux de sacrifices pour sauver le Faso des mains du Général et de sa bande d’amis et d’alliés. C’est dire que ce peuple à du ressort il faudra s’en souvenir.

Le pouvoir militaire qui vient de tomber cette année là avait laissé un profond dégoût aux maliens qui ne pouvaient plus s’accommoder d’hommes en treillis. La courte transition du président du CTSP et chef de l’état d’alors (A.T.T) répondait en réalité à cette lecture pertinente qu’il eut à faire mieux que d’une volonté démocratique de céder le pouvoir. Il faut lui concéder cette lumière. Ne disait il pas d’ailleurs qu’il faut être idiot et fou pour prétendre diriger le Mali ? C’est un secret de polichinelle de l’accointance de ce dernier avec celui qui allait devenir le futur et le premier président élu selon la volonté du peuple malien. Il faut rappeler que et ATT et AOK (Alpha Oumar KONARE) sont sortis du sérail de l’ancien dictateur Moussa TRAORE. AOK a été son ministre de la jeunesse et des sports et ATT son chef du célèbre camp parachutiste de Djikoroni reconnu pour sa dévotion au pouvoir de GMT (Général Moussa Traoré). Le candidat malheureux, Tièblé Mamadou KONATE, ancien haut responsable du GATT (General Agreement on Tariffs and Trade) et ancien ministre sous Modibo Keita n’était pas un homme du bois sacré appelé à l’époque F.M.I. (Famille Moussa et Intime). Lui donc n’était pas le bon cheval pour préserver les intérêts de cette oligarchie. Dans un débat télévisé à l’époque, il mit en exergue la collision entre ATT et AOK mais personne ne prêta attention. Les dés étaient déjà pipés. Le changement d’hommes à la tête du Mali répond plus à une rotation entre des initiés qu’à une réelle alternance découlant du choix du peuple. La rébellion au nord du Mali sévissait encore en 1991, des milliards d’aides furent engloutis et pour la transition et pour l’aide au développement de cette zone. La comptabilité minutieuse de ce pactole ne laisse pas place au doute quant à l’utilisation scabreuse de ce pactole. Les questions essentielles sur les tueries de mars 1991 ne furent pas répondues à satisfaction car, l’assiette des responsabilités était plus garnie que l’on ne veut l’admettre. La transition dirigée par ATT avait déjà érigé le copinage et la corruption sur les fonds baptismaux de la nouvelle démocratie naissante au Mali. Pour noyer le poisson dans le fleuve Djoliba, il fallait préserver vaille que vaille la lignée des sangsues depuis l’UDPM. Dans cet appel à candidature pour pourvoir temporairement les hauteurs du Mont Koulouba qui pouvait mieux défendre cette Camorra  qu’un certain Alpha Oumar Konaré ? La gloire en politique est le salaire de l’injustice n’est ce pas ?

Lisant l’électroencéphalogramme dix ans plus tard en 2002, si l’ADEMA, le parti majoritaire n’avait pas été laminé et malicieusement rendu inepte par certains de ses propres fondateurs afin que l’homme providentiel, le « faiseur de roi » de 1992,  le protecteur des saprophytes s’installe sans coup férir sur le trône du parrain afin de protéger qui de droit, la victoire lui revenait proprement et sans bévues. Mais dans la mafia, il faut respecter les serments. Le déballage qui peut sanctionner la trahison peut être des plus sales et des plus tourmentés.

Quelqu’un se souvient il de ce fameux film joué en deux parties : Arnaque I et Arnaque II ? Eh bien ! de film, au Mali s’était le vécu. L’arnaque se passait partout. Des candidatures jusqu’à la proclamation des résultats tout était de du 7ieme art, alors que le peuple, lui, n’était même pas admis comme figurant.

« Les morts ne sont pas morts, ils sont dans le vent qui souffle… » Nos valeurs ne nous permettent pas de lâcher nos morts. On doit des égards aux vivants mais aux morts, rien que la vérité. Laquelle des vérités dira t-on aux martyrs du 26 mars 1991 ? Que leur sacrifice justifie cette kleptocratie ? Que la douleur de leur accouchement a engendré un monstre puéril ? Que les vivants que nous sommes avions baissé la culotte devant une poignée de compatriotes avides d’honneur et d’argent ? Nous autres avions pris le pari de ne pas cautionner l’à « peu près » démocratique, nous avions pris, au risque d’être des fauteurs de troubles de parler avec la voix de la conscience. Dans l’une de nos si riches discussions avec mon frère et ami Ouattara qui semblait avoir beaucoup de réserves quant au pronunciamiento du 21 mars, a fini par comprendre la sagesse de Jean Paul Sartre : un intellectuel est forcement un homme compromis. Oui, il ne peut savoir la vérité et continuer à l’affaiblir. Le silence devant le crime est une forme de connivence. Il nous faut dénoncer ce qui a court au Mali depuis si longtemps.  Ce n’est pas tant la personne du président ATT qui nous intéresse non, c’est bien le pouvoir qu’il sert et les millions de maliens qu’il a trahis qui nous révoltent.   Que les occidentaux condamnent les coups d’Etat où que ceux-ci se passent quoi de plus normal. Eux ont atteint un niveau de culture politique et de pratique démocratique qui justifient l’aversion qu’ils peuvent en avoir. Qu’y avait-il à faire au Niger face à un Mamadou Tandja ? Devrons-nous être surpris d’un coup au Zimbabwé, en Angola ou au Burkina Faso ? Doit-on rappeler que la démocratie n’est pas la transposition du système de gouvernement américain, français ou britannique mais plutôt la volonté qui émane du peuple.

Pourquoi un coup d’Etat ?

L’autorité doit d’abord exister avant qu’on ne lui donne des limites. Je veux dire que l’Etat doit précéder la démocratie. Un des devoirs régaliens de l’Etat, donc du chef de l’Etat, est la garantie de l’intégrité territoriale du pays.  ATT à la tête du Mali a t-il garanti ce devoir ? Strictement au sens militaire, n’était ce pas une assez importante raison qu’une armée républicaine sauve son pays du hasard et de la démarche du sioux indien pratiqué par son premier magistrat quant à la sauvegarde du territoire national ? L’action est nécessairement le prolongement de toute réflexion responsable. Ces militaires ont donc pris leurs responsabilités afin que nous puissions repartir sur de nouvelles bases plus saines encore. Je ne les condamnerai que si:

  1. Ils veulent s’éterniser au pouvoir
  2. En lieu et place de changement, ils perpétuent les mêmes pratiques mafieuses.
  3. Ils n’arrivent pas à permettre une réelle démocratisation du système politique malien.
  4. Ils ne mettent pas l’accent sur la reforme de l’école
  5. La justice malienne reste en l’état c’est-à-dire à être le bras séculier des puissants, etc. Pour ne dire que l’essentiel.

Dans plusieurs de nos écrits tels : Le Mal Malien ; Evolution ou Révolution ; Le Mali inquiète ; Justice ou Just us etc. nous n’avion pas arrêté d’alerter du dévoiement des idéaux du 26 mars 1991. Nous exposions la complicité de cette opposition malienne qui ne s’oppose que pour se poser comme de bons héritiers de la dynastie des pouvoirocrates maliens.  Doit-on être surpris de la condamnation de Djoncounda TRAORE, de Soumaila CISSE, de Modibo SIDIBE et d’IBK ? Ces adémistes (ADEMA) d’hier peuvent ils dire autre chose ?      Lorsque nous parlons de valeurs démocratiques, nous pensons effectivement à la démocratie pleine et entière pas à une copie altérée, pas à un calque tirer d’un palimpseste.

Il y a deux groupes d’hommes qui se confrontent sur le cas malien. Les hommes raisonnables et ceux dits « irraisonnables ». L’homme raisonnable est celui qui s’adapte au monde, il se satisfait du statu quo, il se dit incapable devant les challenges qu’offrent la vie. L’autre, l’homme irraisonnable, lui, veut adapter le monde à sa personne. De la machine aux théories politiques, il a façonné le monde dans lequel il vit. Subséquemment, tous les progrès de l’humanité viennent de l’homme dit « irraisonnable ». Dans ce cas précis, ATT est un homme raisonnable qui n’a combattu ni la corruption ni la décrépitude de la société malienne. Le pouvoir au nom duquel il agissait était celui bien connu des maliens depuis quatre décennies déjà. Le népotisme, le copinage, le culte de la personnalité, l’érection du bakchich en moyen de compétence…et quoi d’autre de nouveau sous le ciel ? Qu’on nous permette d’être ici des hommes irraisonnables et vouloir créer d’autres possibilités, d’autres horizons, d’autres espoirs. La suite, l’histoire s’en chargera.

Une contribution de Mr Haidara Cherif
Haidara01@sbcglobal.net
USA

 

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10 COMMENTAIRES

  1. je confirme pour Tioule konaté. Il n’a jamais été ministre de modibo, mais bien de moussa traoré. Pour autant l’analyse de mr Haidara reste valable à mon sens.

  2. Merci frere Haidaira, ca fait toujours plaisir de vous lire toi et grand frere Ouattara.
    Bref, bon commentaire avec assez de precisions mais il faudra que jouer cartes sur table car ca presse. Et quelques propos un tout petit peu mal formules, je crois, que les lecteurs pruissent bien comprendre parce que tout le monde n’essaye de prendre le temps de faire une profonde analyse avant de poster leur commentaire et cela est normal, on agit tous et toutes spontannement face a certaines situations plus ou moind desagreable.
    L’important c’est que le peuple se reunisse et d’etre d’accord sur un principe de ne pas donner la transition a aucun president de parti pour passer la transition, sinon ca sera du pareil au meme, meme si notre constitution le dit parce que unr parite de la population veut la reinstauration de l’ordre constitutionnel, ce qui n’est pas mal non plus. Mais cela nous apportera les memes problemes depuis plus de 50ans. Essayons et faisons les choses autrement en donnant cette periode de transition a un parti neutre et laisons les partis politiques se battre dans l’arene et pourque le gagant merite enfin le pouvoir dans la transparence. Donner la transition a un parti politique (comme on dit doincouda adema, ou urd, etcc…) nous amenera aux favoritisme, aux vols, aux magouilles et tout le reste encore une fois de plus.
    Laissons tous les interets partisants et constitutionnel au profit de l’avenir dy Maliba. N’oublions que la consttitution a ete elaboree par des hommes donc imparfaits. Ne la prenons comme Absolue. Pourquoi ne pas faire les choses autrement, l’inconnu et le nouveau font toujours peur et amenent une incertitude. Ayons confiance au peuple et a notre facon de faire. Je suis sur q

    • Je suis sur que Nous y arriverons avec des compris, apprendre a faire des compris car sans cela la mojorite ne respirera pas. C’est la majorite qui compte, c’est cela que tout le peuple doit etre cela de l’avant. Il faut des perdants et des insatisfaits face a cela. S’il Vous Plait (la junte et les partis politiques et la societe civile),STP.

  3. avec tout ce penchant pour l’histoire et l’historique, il faut une vraie dose de mauvaise foi pour vouloir faire passer une “irraisonnablilité” (permettez le néologisme) pour l’analyse la plus que parfaite d’une situation aussi grave. c’est quand même facile de délirer au point de n’avoir aucun avis concis et clair, qu’après coup… “Je ne les condamnerai que si: […]” oh, comme c’est facile de dire j’ai raison, plutôt que j’avais raison. seulement, l’histoire ne tolère pas les tâtonnements. alors quand on s’acharne à vouloir apporter une analyse, et une vraie pour prétendre au panthéon de la justesse, il faut d’abord commencer par mettre cartes sur table, et donner une référence irrécusable. mais, ce texte est aussi biaisé que les arguments qu’il apporte, qui sont pris ça et là par portion et de contextes aussi différents que diamétralement opposés. l’exemple le plus frappant est la comparaison des cas TANDJA / ATT, (le premier est déposé pour avoir refusé de partir quand l’autre l’est alors qu’il était sur le départ). quel est le rapport, entre deux situations contraires ? décidément, n’est pas analyste qui le veut, ça au moins, c’est clair et comme eau de roche…

  4. A madou WOLONI , je dis simplement qu’ettre à l’étranger de disqualifie point un malien , le mali a besoin de tous ses fils et c’est la diversité des approches qui est benefique pour nous.
    Merci à Mr HAIDARA qui depuis des années à travers ses écrits dynamise ce forum, nedécouragez point ceux qui osent écrire .
    Elevons le niveau du débat.

  5. mon cher il faut revenir au bercail, le mali a besoin d intellectuels, mais les vrais, pas des thoericiens comment,et qui le comble du malheur
    vit dans un autre continent,le mali n a pas besoin de ta contribution.
    garde ta competence pour les amaricain.

  6. Il faut revoir votre histoire. Le nom c’est Tieoule et non Tieble. Il a été ministre de 72-74…donc impossible que cela ait été sous Modibo…La moitié de votre analyse tombe des lors a l’eau…
    Ca a failli passer!

    • Merci de la precison. Il a failli me prendre dans le charme des mots. En dehors de ces imprécisions, l’analyse reste très pertinente. Merci à vous tous les deux. J’espère que M. Haidara reviendra sur son analyse avec les corrections ainsi présentées. Car Tchéoulé n’était pas moins opportuniste qu’Alpha. D’ailleurs, je me pose la question, pourquoi au Mali c’est toujours les opportunistes qui gagnent les élections ?

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