J’étais patriote…

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Je suis né patriote ! Je n’y suis pour rien ! Dans ma famille, ils l’étaient de père en fils ! Mon éducation m’a mené sur le droit chemin. A l’école nomade et plus tard au collège, j’étais le petit gars bien élevé, fier champion de la défense de mes camarades que les petits Touaregs et Arabes intimidaient par leurs moqueries  juvéniles ; toujours prêt à casser la figure à celui qui molestait mes frères Peulhs, Sonrhaïs ou Bambaras. Les années sont passées ; à l’étranger, j’ai lutté pour la défense des étudiants, oubliés souvent par nos administrations consulaires, notre code était celui de l’honneur et de l’amour du Pays. Notre position claire, nous a menés à dénoncer le coup d’état militaire de 68 qui a fait voler en éclats notre rêve d’un pays libre, où la justice sociale était la même pour tous et où chaque Malien avait ses chances.

Le retour au Pays fut passionnant. Je décidai de faire mon devoir de patriote. Travailler, servir le Mali et me consacrer à ma famille, la grande et la petite … J’ai exercé des fonctions de direction qui m’ont permis de prendre le pouls de mes compatriotes. Il était bien, le Malien de l’époque. .. Honnête et bosseur… Avec la sécheresse de 71, les choses ont changé… Les dons internationaux ont été parfois détournés et  nos militaires ont pris goût aux grandes bâtisses et aux vergers…. Les policiers commençaient à vous chercher des fautes inexistantes  pour vous soutirer les 250 francs maliens de leur thé.

J’étais toujours patriote, je soupirais après la démocratie, je la voulais douce et sans perturbations, sans bouleversements et sans tueries mais elle est arrivée en 1991, comme un cyclone … et elle nous a emportés sur son sillage et j’ai bu le nectar de la liberté et l’éclosion des partis nous a tous grisés.

J’ai participé avec passion à l’élaboration de notre Constitution et mon engagement m’a projeté vers les hautes sphères et j’étais toujours imperturbablement patriote… Mais dans mon chemin, j’ai croisé de nouveaux démocrates, les faux, ceux qui, pour un poste, vendraient leur âme et qui ont commencé à se détourner des objectifs de notre lutte. Le bien-être que nous voulions apporter aux maliens est passé aux oubliettes et nos nouveaux démocrates se sont  remplis leurs poches… et ont détourné des biens publics … c’était le début de la dérive de notre démocratie. Ces démocrates se poignardaient dans le dos et les partis éclataient, chacun visait le pouvoir et non plus le bonheur du Mali, le progrès et le développement de son peuple.  Moi, j’étais toujours un simple patriote.

Je croyais et je crois encore aux valeurs de mes ancêtres, à l’honnêteté et à la probité, au travail bien fait et au respect des autres, à la fidélité à mes proches et à mes amis et au triomphe de la vérité sur le mensonge…. Et quand la fin du règne chancelant de  ATT est venue, par la main du jeune Sanogo, j’ai cru que celui-ci était un patriote comme moi…. Il devait redresser l’Etat et libérer le pays des envahisseurs criminels qui avaient conquis notre nord. Je voulais y croire et j’y ai cru !

Mais, aujourd’hui, je n’y crois plus… Où est l’honneur de mon armée et de ses soldats… je ne les vois même plus…Ils sont où ?

Nos villes tombent encore, cinq mois après ; Douentza, la dernière en date. La musique s’éteint dans ses rues et l’angoisse plane dans les régions environnantes…. Les pro-salafistes s’extasient sur les bienfaits de ces fanatiques. Un sac de 100 kgs de riz pour 10 000 Fcfa !!! Mais, tout est bénéfice pour ces pilleurs car, bien malins qu’ils sont, ils ont vite ouvert les couloirs humanitaires.

Ce matin, je me suis réveillé pour trouver qu’un diplomate français avait lancé au vent la grande nouvelle :  le Mali faisait appel à la CEDEAO… Mon orgueil blessé me disait : « mais ne pouvait-on pas m’annoncer cela par la bouche du PM ou du Président de mon pays ? »

Aujourd’hui, je ne suis plus patriote… Aujourd’hui j’ai baissé la garde… je n’espère plus la renaissance de mon armée et je guette avec crainte, m’ayant rendu à l’évidence de son immobilisme, l’intervention de ces forces de la CEDEAO…

–       Pourvu que Ouattara ne nous envoie pas, généreusement, les 21 000 miliciens non intégrés qui lui causent tant d’ennuis!

–       Pourvu que les casques bleus fassent leur apparition pour panacher nos ardeurs africaines !

–       Pourvu que notre armée se requinque et reprenne le flambeau et  la tête de nos frères africains dans cette croisade !

–       Pourvu que nos jeunes entendent l’appel du Nord et s’engagent dans cette lutte de libération !

–       Pourvu que nos frères opprimés du Nord gardent l’espoir et résistent à l’envahisseur avec leurs maigres moyens et leur courage !

–       Pourvu que le Mali reste uni et indivisible !

Alors, je pourrais redevenir patriote !

Une contribution de Mr. Maha Sidibé

 

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