Iyad Ag Ghaly seul contre tous

Alors qu’il avait disparu de la scène médiatique depuis près de 20 mois, Iyad Ag Ghaly a de nouveau fait parler de lui dans une vidéo mise en ligne le 5 août dernier. Une intervention qu’auraient réclamée plusieurs membres de son entourage pour qu’il réaffirme son autorité. Sauf que, de l’aveu même de ses plus fidèles collaborateurs, l’ancien chef d’Ansar Eddine est allé trop loin. L’un d’entre eux, Cheikh Ag Haoussa, le maître de Kidal, va jusqu’à pointer du doigt la folie de son ami de toujours, son arrogance et ses ambitions personnelles.

Il est loin le temps où Iyad ag Ghaly paradait dans Kidal à la tête d’une dizaine de véhicules équipés d’armes lourdes, entouré de Malik Ag Wanasnat et de Moustapha Ag Warakoul, fort du sinistre crédit que le massacre d’Aguelhoc lui avait conféré. Huit mois ont passé pour la population, pour les forces de sécurité, pour les observateurs. Mais le temps semble s’être arrêté pour Iyad Ag Ghaly, qui surestime encore visiblement les atouts dont il dispose. Non seulement ses moyens sont aujourd’hui sans commune mesure avec ce qu’ils ont pu être, mais ses proches n’hésitent plus à le critiquer et à se détacher de leur ancien leader.

Personne n’aurait d’ailleurs parié un franc CFA sur l’identité du plus virulent détracteur de Iyad Ag Ghaly : Cheikh Ag Haoussa en personne, dont le parcours s’est caractérisé comme celui de son ancien ami Iyad Ag Ghaly par un opportunisme de tous les instants, décennie après décennie. Une stratégie qui s’est avérée payante pour Cheikh Ag Haoussa, devenu l’un des hommes les plus riches de la région, capable de garder une mainmise sur à peu près tous les trafics qui empruntent les axes commerciaux de la zone, et dont il n’entendait pas dévier. La voie désormais empruntée par Iyad Ag Ghaly, en rupture totale avec ce qu’ils avaient convenus, le fait sortir de sa réserve. Cheikh Ag Haoussa, cadre clef du HCUA, l’un des groupes armés signataires qui avaient réussi à s’imposer dans le cadre des négociations de paix, et dont la légitimité ne faisait pas de doute – contrairement au MAA, ouvertement critiqué pour sa collusion avec d’anciens terroristes d’AQMI ou du MUJAO – a même affirmé auprès de plusieurs notables de Kidal que la quasi-totalité des anciens soutiens de Iyad Ag Ghaly ne le suivront plus. Iyad Ag Ghaly a clairement franchi la ligne rouge et s’est probablement condamné à l’isolement.Nul doute que les français et les américains feront désormais de lui l’ennemi public numéro 1, au même niveau que Mokhtar Belmokhtar. Ses plus fidèles lieutenants ne se risqueront sans doute pas à le suivre au péril de leur vie dans cette folle aventure.

Cette intervention met aussi à sac la patiente stratégie mise en place par plusieurs de ses alliés d’autrefois, qui s’étaient rapprochés des groupes signataires en faisant mine de jouer la carte du compromis. Sans eux, Iyad Ag Ghaly ne sera plus en mesure de mettre ses menaces à exécution, en particulier sa politique de conquêtes de nouvelles localités à partir d’Anéfis, et en faisant de Kidal sa base arrière. Sans le soutien de Cheikh Ag Haoussa, les velléités de conquête de Iyad Ag Ghaly resteront lettre mortes.

Cette possible scission est en réalité tout sauf une surprise. La fraction de Cheikh Ag Haoussa a toujours entretenu des relations exécrables avec celle de Iyad Ag Ghaly. Plusieurs affrontements récents à Kidal permettent d’affirmer qu’elles ne se sont pas améliorées. La récente disparition d’Haroun Saghid, fidèle parmi les fidèles d’Iyad Ag Ghaly, n’est peut être pas un hasard quand on sait que Cheikh Ag Haoussa n’était déjà pas étranger à la mort de son frère… Une nouvelle configuration voit donc le jour dans laquelle Cheikh Ag Haoussa pourrait devenir calife à la place du calife. Nul doute qu’Iyad Ag Ghaly ne restera pas les bras croisés.

Kassim Arouna

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