In Memoriam : lamine Tiecoura Coulibaly : Les hommages de Moïse Traoré

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Ce 2 juin est le quarantième jour du décès du fondateur de l’émission « A l’écoute de l’école », diffusée sur la télévision nationale depuis 2015. Lamine Tiecoura Coulibaly nous a quittés le 23 avril 2016. Bamanan bon teint, il avait vu le jour le 2 février 1959 à Ségou. Pédagogue et communicateur hors pair, l’ancien de l’Ensup de Bamako et de l’université Cheik Anta Diop de Dakar a servi le pays avec patriotisme.

Des liens de fraternités ont imprégné la relation professionnelle avec le collaborateur devenu proche qu’il  s’était choisi.

Moise Traoré écrit au «  Prof » qui se plaisait à rappeler la maxime selon quoi «  l’éducation est la clé du développement ». Lettre au professeur !                 

Salamalékoun            ! 

Mon  cher  ami, voilà  seulement quarante jours que tu nous as quittés.  Déjà nous  sommes sur le point de t’oublier. J’en ai honte. Tu  ne m’en voudras pas. Je connais ta tolérance légendaire. Tu m’as toujours  fait  comprendre  que l’humain  est généralement superficiel et rarement  fidèle.

Gros bamanan  que  tu  es,  je plaisante  même si nous le voulions nous ne pourrons t’oublier. Autant tu as été fort de caractère, autant tu as  baigné  dans des  particularités. Alors monsieur le puriste, on a souvent échangé autour de cette  assertion : « on n’enseigne pas seulement ce qu’on sait, on enseigne aussi qui on est  ». Comme pour souligner l’exemplarité qui doit entourer le vécu du formateur. Bon sang ne saurait mentir. Fils d’instituteur des années  50 (Tiécoura Coulibaly notre défunt père  a initié  l’école fondamentale de Hamdallaye -Ségou en 1958). Ségou qui t’as vu naître, cité à laquelle   tu es resté très attaché .Enfant du terroir, en gardant les pieds dans les traditions (un proverbe  par-ci, mille salutations par-là), tu as su  maintenir la tête dans une modernité qui n’a pu te dominer ; « résistant » et conservateur  à ta façon.  Tu as été un communicateur intègre et un pédagogue  de tous les  instants, tant  de l’avis de  tes camarades  de l’Ecole Normale Supérieure  de Bamako  (section histoire  géographie  dont tu  obtins la maitrise le 19 juin 1985 )  ,  que du coté de ceux de ta promotion  de l’université Cheick Anta Diop de Dakar (session 28 novembre 1994 ).

 L’un des derniers intellectuels

Armé des valeurs du pays profond tu as été un enseignant exemplaire, successivement au lycée Sankoré, au Centre de Formation Technique de Quinzambougou (CFTQ) et au Centre des Techniciens du Mali (CTM).Tu m’as souvent dit que « Dakar était cher », c’est bien là-bas que tu as décroché ton diplôme de journaliste en radio après ton admission  au concours d’entrée au Centre d’Etudes des Sciences et Techniques de l’Information (CESTI). Le journal « Le Républicain » un des tout premiers  organes privés de l’ère démocratique  fut le premier a accepté ta collaboration en 1995. Une année plus tard tu as opté pour la radio nationale.  Depuis,  à «  Bozola» est établie ta réputation  de bourreau du travail, d’investigateur, de documentariste et de documentaliste ».On peut donc après 21 ans de reportages et de débats , dont au moins cinq bénévolement , soutenir que l’unanimité se fait autour de ton désintéressement et de ton détachement des choses de la vie ( dans une tribune publiée par le bi- hebdomadaire  « Le Prétoire » numéro 503  du 28 avril 2016 ,  notre confrère Ibrahim Maïga  qui a fait ta connaissance en  1995 a  l’entrée du  journal « Le Républicain » témoigne: « LTC qui vient de nous quitter  était sans doute l’un des derniers intellectuels de notre profession ». Eh oui « Monsieur Trois Poches »  a toujours craché sur l’argent pour aller à la quête de la  connaissance, pour la partager. Oui tu n’as  jamais été égoïste de culture, tu n’as jamais hésité  à rectifier les propos de la personne interviewée si cette dernière n’est pas dans la syntaxe ou la grammaire convenables (j’en ai été toujours gêné mais c’est ta rigueur de pédagogue qui n’attend pas le montage pour redresser une phrase). Tu percevais  le medium comme un tableau noir, où la vérité doit restée scientifique. Tu as été un véritable gendarme de la langue française. Franchement bamanankè, ta correction plus qu’une leçon est un fardeau pour nous (si l’on en croit Youssouf Doumbia  du quotidien national «  L’Essor » numéro 18164 du 27 avril 2016  page 7 : «….pour lui, la qualité du travail n’était pas négociable….. »). Pour ton collaborateur que j’ai été,  tu as été un professeur  au fait de l’administration scolaire et universitaire et fortement imprégné des règles pédagogiques. Tu as mis la barre trop haut (on t’admire mais  avons-nous  ambition de faire comme toi ? La charge me paraît encore plus lourde pour Yacouba  notre garçon né le 22 octobre 2004).

Qui  a  ta  force de caractère pour n’envier, ni jalouser personne ?  Refuser des gratifications  ou encore décliner le clin d’œil d’une adolescente ?

 Grand Seigneur

Miraculé survivant d’une mission du Ministère de l’Education Nationale revenant de Kayes en juillet 2009 le traumatisme que tu as enduré  a été et physique et moral. En grand seigneur tu n’as pourtant  ni plié l’échine ni passé le temps à la complainte ou à la récrimination. A la suite de l’accident de la circulation, l’ensemble des occupants du véhicule 4 x 4 (dont le preneur de son Adama Camara, le cadreur Sidi  Yaya Haïdara, le chauffeur et le chef de mission)  ont péri. L’appel du pays a été plus fort. Tu n’as jamais  baissé les bras. Au magazine   «A l’écoute de l’école », une des émissions les plus fournies et régulières de notre espace  audiovisuel, tu ajoutes « Cahier d’hier » toujours avec la foi patriotique que le passé soudanais peut ragaillardir  les nouvelles générations maliennes.  Sauf travail urgent,  avec foi religieuse,  tu as toujours consacré le vendredi à la prière, au recueillement  et à l’envoi de vœux aux proches. Tu n’as pas été ’’ jeune’’ tant tu as été sage et sans rancune. Tous les jours on s’est disputé autour d’un article, mais tous les soirs tu m’as appelé. Ta quête permanente a été le savoir que détiennent les personnes âgées, les historiens, les griots et  les archivistes que tu avais  en grande estime. Sans les détester tu n’as jamais voulu courtiser ou même fréquenter l’homme politique pour des  prébendes ou avantages quelconques. Au membre du gouvernement  qui a voulu t’avoir dans son cabinet tu demandes  d’abord qu’elle est sa vision pour le dit département. Sans ironie, tu as même demandé  à un ministre qui te sollicita s’il pensait lui-même survivre à l’imminent remaniement d’alors (sincérité proche de la naïveté ?) : une franchise incompréhensible dans un monde à l’hypocrisie régnante. Quoi qu’il en soit pour être d’une modestie frisant l’abandon de soi, tu n’as jamais  souhaité félicitations ou compliments. Pourtant tu t’es très souvent déplacé jusqu’à  des salles de rédactions ou pris ton téléphone pour saluer la pertinence  ou la justesse d’un article ou d’une émission.  Bien    qu’une autre de tes particularités était d’obliger les autres à économiser en crédit téléphonique  (toujours le premier à raccrocher même quand c’est l’autre qui  appelle). Il est de coutume chez nous de dire que ‘’le défunt a  trahi ses proches’’, pour une fois c’est le contraire. Tu as largement honoré ta part de contrat de sociabilité. Nous te sommes redevables. Comme notre ainé Moustaph aime bien à le rappeler   « la vie ressemble a un conte : ce qui  importe ce n’est pas sa longueur mais sa valeur ». Tes 57 ans ont été un  vécu utile. Bien que  tu  n’aies jamais voulu occuper la scène publique -même si notre profession t’en offrait quotidiennement l’opportunité– tu es resté modeste et courtois  et sans artifice, je m’en arrête  là …. Parce que  tu ne souffres pas qu’on  te complimente. Parce que la droiture est payée dans l’au-delà, tu auras les mains  remplies d’or, de livres, de tô et de dougoubatiga.

Merci pour ta générosité, repos eternel pour toi et tous nos morts.

                 Ton ami et frère  Moïse Traoré (Ortm).

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4 COMMENTAIRES

  1. Merci,Moïse, pour cet hommage émouvant et de belle facture. Paix à l’âme de Coulibaly.

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