In Memoriam : Il y a 2 ans, Zoumana Yoro Traoré nous quittait en France !

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29 mars 2020-29 mars 2022, il y a 2 ans que notre regretté Zoumana Yoro Traoré nous a quittés, en France, après un long séjour. Il a été inhumé, le 9 mai 2020 en France. Pour lui rendre de nouveau un hommage appuyé, nous vous invitons à la lecture de l’article de notre confrère Bakary Traoré, président d’honneur de l’Union presse et communication des Maliens de France (Upcom-F) publié lors de son décès intitulé  “Zoumana Yoro Traoré, talentueux animateur de l’ORTM repose désormais en France : un rempart du patrimoine culturel du Mali pendant un quart de siècle”. 

… Zoumana Yoro Traoré, tu es une personne, qui est là, à la disposition des artistes. Tu les reçois avec respect et dignité. Tu ne fais pas de discrimination entre les artistes”. Il y a 37 ans, Fanta Damba n°2 surnommée “la Grande vedette malienne” témoignait et rendait ainsi hommage à Zoumana Yoro Traoré dans l’une de ses émissions sur la Radiodiffusion télévision du Mali (RTM).

Zoumana Yoro Traoré, “Zou” pour les intimes, a pris et porté pendant près de 25 ans le fusil de soldat et le micro d’animateur talentueux sous le drapeau du Mali dans son Maliba natal. Il les a déposés définitivement en France en passant le flambeau à la postérité. C’était en fin d’après-midi du dimanche 29 mars 2020 vers 18 h à la Maison de retraite “Petites sœurs des pauvres” à Paris dans le 12e arrondissement des suites d’une longue maladie. L’homme suivit son destin…

Zoumana Yoro Traoré a été inhumé ce jeudi 9 mai 2020 en France au carré des musulmans à la Division 49 LN15 du cimetière de Thiais en région parisienne dans le département du Val-de-Marne (94). Compte tenu des règlements contraignants en vigueur par rapport au confinement en France et au Mali et sur autorisation de la famille de Zoumana, il repose désormais en France. Cependant les funérailles se sont déroulées selon les rites musulmans en présence de sa famille et quelques personnes de la diaspora malienne de France.

En France sous le régime du confinement à cause de la Covid-19 en vigueur, il n’est prévu que 5 membres de famille et 20 personnes maximum au cimetière dans le strict respect des gestes barrières et chacun devant se munir de “l’attestation de déplacement dérogatoire”. Ainsi, en vertu du respect de ces dispositions sanitaires, les membres de la famille de Zoumana, dont Awa Traoré et son époux Barou Koné ont procédé à la levée du corps vers 9 h 30 au funérarium de Paris Batignolles en présence de l’imam. Moment chargé d’émotion dans un silence total de recueillement.

A l’issue d’un moment de recueillement, l’imam Bathily a dirigé la prière mortuaire. Il a ensuite demandé à chacun de faire des bénédictions pour Zoumana Yoro Traoré. Puis le cercle familial et l’équipe de la maison funéraire ont conduit le corps au cimetière de Thiais dans le département (94) au Val-de-Marne pour l’enterrement.

Après environ une demi-heure de trajet, le corps est arrivé au cimetière où les 20 personnes, comprenant des parents, amis, proches de Zoumana mais aussi les officiels se sont réunis. Etaient présents le ministre conseiller représentant l’ambassade du Mali en France, El hadj Traoré, le consul général du Mali à Paris, Moussa Kenneye Kodio, le chef de la Délégation permanente à l’Unesco, Oumar Kéita, le président du Haut conseil des Maliens de France, M. Doucouré, le président de l’Union presse et communication des Maliens de France (Upcom-F), Thiambel Guimbayara.

Thomas Baude du Samu-France a tenu à être là car c’est lui et sa collègue Mme Anne Cécile Graillot qui ont accompagné Zoumana Yoro dans toutes ses démarches administratives et d’admission d’abord à la Maison de retraite Mosaya puis à la maison de retraite des “Petites sœurs des pauvres” à Paris ainsi que son hospitalisation.  Vers 11 h 45, le service de pompe funèbre de Paris Batignolles a procédé à l’enterrement. Puis l’imam a dirigé les séances de prières et bénédictions pour Zoumana. Beaucoup de personnes de la diaspora malienne de France ont voulu être là à cet instant solennel, mais hélas empêchées par les conditions strictes de confinement.

D’où les excuses de la famille de Zoumana à l’endroit de tous ceux et toutes celles qui ont bien voulu assister à l’enterrement mais qui n’ont pu être invités.

Par ailleurs, la famille a exprimé toute sa profonde gratitude à l’endroit de M. Thomas Baude du Samu-France, sa collègue Mme Anne Cécile Graillot, de la tutrice Mme Bazin Camille, de l’ensemble du personnel de la maison de retraite Mosaya de Paris, la maison de retraite “Petites sœurs des pauvres” dans le 12e arrondissement de Paris, notamment Fatoumata Touré, Sophia Fatma, Lirita, Pierre, ma sœur Registe, le personnel de santé de l’hôpital Saint-Antoine de Paris, à l’ensemble des Maliens de France, des compatriotes au pays et d’ailleurs, à toutes et à tous qui, de près ou de loin ont aidé Zoumana Yoro Traoré pendant ses périodes de difficultés. La cérémonie funèbre a pris fin par des prières, des hommages et témoignages au sujet de Zoumana.

Qui fut Zoumana Yoro Traoré ?

Qu’est-ce qu’il a pu faire pour servir sa patrie et ses compatriotes ?  Zoumana Yoro Traoré a pendant près d’un quart siècle servi avec brio le Mali et les Maliens. D’abord en tant que soldat engagé sous le drapeau du Mali le 5 janvier 1970 puis formé par l’instructeur Kissima Doukara au camp Soundjata de Kati.

Selon les témoignages d’un ancien promotionnaire de Zoumana, le militaire actuellement à la retraite Djoumou Kanouté et son ami Abdoulaye Traoré, ex aide de camp au ministère de l’Information, Zoumana Yoro Traoré a été recruté au niveau de l’armée de terre au régiment d’infanterie. Il a servi dans le Sahel sous le soleil ardent de Kayes, puis dans le Sahara entre les tempêtes de sables aux confins du Mali à Tessalit.

Après avoir rendu de loyaux services dans l’armée, il a volontairement quitté l’armée pour épouser une carrière d’animateur dans l’espace médiatique dans ses domaines de prédilection : le monde rural et le monde artistique et culturel. Djoumou Kanouté et Abdoulaye Traoré ont gardé de lui, le souvenir d’un soldat exemplaire et d’un homme très sociable.

Vulgarisation et encadrement des paysans

En 1976, il pose ses valises à Radio-Mali, avec d’autres collègues de renom : feu Seydou Touré (service des avis et communiqués) son ami, feu Djéli Baba Sissoko, grand conteur, feu Lamine Coulibaly, célèbre journaliste, feu Balla Moussa Kéita, Soké Sissoko, secrétaire dactylographe de la rédaction, mais actuellement un chef griot, résidant en France. Ce dernier et Zoumana Yoro Traoré, en tant qu’animateur, intégrèrent la fonction publique par décret en date du 29 août 1980.

A l’époque, le colonel Youssouf Traoré était ministre de l’Information. Zoumana s’intéresse d’abord au monde rural, ainsi il est affecté d’abord à Kayes avant de revenir à Bamako. Il animera, coproduira et coanimera des émissions dédiées à la découverte et le développement du monde rural à travers des campagnes d’animation, de vulgarisation et d’encadrement des paysans.

En effet, il coproduira l’émission “Coup d’œil sur le monde rural”, coanimera la célèbre émission “Poyi Kan Poyi” avec d’autres grands noms de la RTM : Mody Soumano, Fatoumata Coulibaly dite FC, Mamadou Niaman Diarra et Hinda Coulibaly et Oumou Diatta Kéïta.

Le président de la République, Ibrahim Boubacar Kéita (paix à son âme), dans un communiqué publié par la présidence a rendu un vibrant hommage à Zoumana Yoro Traoré. Pionnier de la radio rurale, rappelle le chef de l’Etat, l’illustre disparu aura également été à l’avant-garde de la promotion de la culture malienne, en particulier de notre inépuisable folklore.

Par millions, a-t-il poursuivi, et grâce aux émissions-culte de cet homme de média aux talents innés, nous avons été, pendant deux décennies, en communion avec nos artistes.

“Zoumana Yoro Traoré, mérite pleinement de la nation malienne. Il a fait aimer la musique du terroir à l’intérieur comme à l’extérieur de nos frontières. De chaque artiste du terroir, il fut un ardent défenseur”, a ajouté le président de la République, Ibrahim Boubacar Kéita.

Animateur talentueux

 dans l’âme

Outre le monde rural, la promotion et la sauvegarde du patrimoine culturel et artistique du Mali demeureront pour Zoumana Yoro Traoré, une préoccupation et son occupation jusqu’à son dernier souffle. Ainsi après Mahamadou Souleymane Touré (animateur en soninké), il lança l’émission “L’Artiste et sa musique” puis “Sumu” qu’il coanimera avec Oumou Diatta Kéita et que l’on peut appeler l’ancêtre de l’actuelle émission “Top étoiles”.

La plupart des grandes cantatrices et chanteurs des années 80 et 90 sont passés dans les différentes émissions de Zoumana Yoro Traoré. Sans être exhaustive, l’on peut citer, entre autres, Fanta Damba n°1 Koroba, Fanta Damba n°2 Tchini, Amy Koïta (Djéli La finesse), Tata Bambo Kouyaté, Sidiki Diabaté et son fils Toumani Diabaté, Mokontafé Sacko, Nantènédié Kamissoko, Coumba Sidibé (Kabako Coumba Sidibé), Taye Sacko, Sadio Kouyaté, Kandia Kouyaté, Djalou Damba, Adja Soumano, Oumou Sangaré, Naïni Diabaté, etc.

Dans les domaines de l’art et la culture, au-delà de l’animation, Zoumana Yoro fut en permanence animé par la volonté de raviver, de faire découvrir et de transmettre le folklore malien dans ses dimensions chants, danses, traditions, us et coutumes et art populaire. Pour ce faire, il était doué d’un formidable talent de communicateur et d’animateur hors pair.

Dans l’une de ses émissions de rencontre avec les artistes, Zoumana avec un ton magistral et posé, il introduit et annonça la vedette Ami Koïta en ces termes : “Chers frères, bonsoir, ce soir, bienvenue dans l’espace dédié à l’art et aux savoirs des griots. Ce soir est une grande soirée. C’est normal que ce soir, que nos admirateurs, nos téléspectateurs, doivent s’asseoir pour écouter la causerie de cette nuit. Car j’ai appelé une étoile montante de notre pays. Je lui ai confiée une mission ce soir, une mission d’une haute portée ! Une tâche compliquée pour une cantatrice, consiste à demander à celle-ci de chanter du début jusqu’à la fin sans pour autant citer [louer] le nom d’une personne. Ceci est une immense tâche !”.

Parlant d’Ami Koïta, sur qui, il a porté son premier choix, il dira que c’est une grande vedette, une étoile montante connue aux plans national et international et qui a contribué à la promotion de notre patrimoine musical dans le pays et à l’étranger. Ainsi, poursuivra-t-il, j’ai choisi 3 chansons de notre répertoire musical afin qu’elle nous les chante telles, depuis des siècles. Il s’agit, précise-t-il de : “Djéliya”, “Kayira” et “Douga”. Enfin elle a tenu parole pour venir nous les chanter, a-t-il ajouté.

Fort de son succès personnel et celui des artistes qui passaient dans ses émissions, il sera invité avec des artistes dont Sadio Kouyaté (qui partait tourner également son clip en France) par le Haut conseil des Maliens de France en 2002 pour animer une festivité organisée dans le cadre du 22 septembre, date anniversaire de l’indépendance du Mali.

A la suite de cet événement, Zoumana Yoro Traoré a pris, ce l’on peut appeler sa retraite anticipée de fait, il avait 55 ans. Depuis, il est resté en France où il partage souvent le rôle de maître de cérémonie avec un de ses poulains, Thiambel Guimbayara pendant des grands concerts organisés à Paris par des Maliens de France. A l’instar de tout Malien de l’extérieur, le retour définitif au bercail, est un cas de conscience souvent à la fois individuel, familial voire professionnel.

Il y a lieu de souligner que Zoumana Yoro Traoré, avant ses derniers instants, le retour au bercail le tenait à cœur. Mais malheureusement c’est au même moment où il a commencé à sentir le poids de l’âge (plus de 70 ans) à avoir des ennuis de santé nécessitant des traitements à vie. Selon un adage bambara, l’individu connait son lieu de naissance, mais ignore son lieu d’enterrement….

Disqualifié par les humains, mais qualifié par l’histoire

Malgré son riche parcours de soldat dévoué dans l’armée, d’animateur de classe exceptionnelle, Zoumana Yoro Traoré, pendant les grands rendez-vous de reconnaissance du mérite des dignes fils du Mali a été disqualifié puis rangé dans les oubliettes par nous, les humains, du fait de nos imperfections. Cependant, l’histoire et la géographie, de par son parcours d’animateur talentueux et rompu à la tâche à Radio-Mali, puis, la RTM et enfin l’ORTM au service de l’art et la culture maliennes l’ont qualifié et le hissé sur le piédestal parmi les femmes et les hommes qui ont contribué à promouvoir et sauvegarder le patrimoine artistique et culturel du Mali des décennies 70, 80 et 90. A cet effet, l’honnêteté intellectuelle impose de parler ou de citer Zoumana Yoro Traoré parmi ces femmes et hommes dignes fils du Mali. Ceci n’est pas simplement un hommage à son égard, mais un fait historique.

Pendant son séjour en France, Zoumana Yoro Traoré était également membre fondateur et un président d’honneur de l’Union presse et communication des Maliens de France (Upcom-F). Il a en outre accompagné beaucoup d’artistes en France pour leur promotion sur scènes ou travers des conseils. Pétri de talents d’animation, très imbu de la culture malienne Zoumana Yoro Traoré sera décoré le 4 août 2015 avec médaille, Etalon or de l’Etoile européenne du dévouement civil et militaire avec l’accompagnement de l’association Mali Sini en France.

Descendant de grands chefs guerriers !

Zoumana Yoro Traoré est né le 12 avril 1947 à Bamako de feu Sékou dit Dégou Traoré et de feu Woua Diarra (Batogoma) au sein d’une famille d’intellectuels. Il est issu de la grande famille Traoré du village de Somo (Commune de San). Selon le traditionaliste et chef des grands griots de San, Djéli Balla Koné, Zoumana Yoro Traoré est un descendant de grands chefs guerriers de la “révolte Bobo” dont une des figures emblématiques est Batio Traoré.  Zoumana est d’une descendance les Bobos où la notion “d’esclave” n’existe point. L’éducation donnée par l’arrière-grand-père du nom de Pélou Traoré est bâtie sur des valeurs d’éthique, de travail, de cohésion sociale, de solidarité où l’entraide communautaire est de rigueur.

Tous traits qui caractérisaient Zoumana dans ses rapports avec la famille, les amis et durant son travail de communicateur. Son amour du monde rural se manifestait à souhait à travers l’émission “Poyi Kan Poye”.

Zoumana avait un sens élevé de la culture, des valeurs traditionnelles. Il partage avec ses nombreux frères, sœurs, cousins ce sens de l’honnêteté, de l’amour de l’autre. Ainsi toutes ses attaches familiales saluent son sens élevé de la famille. Zoumana Yoro Traoré, selon son ami, Abdoulaye Traoré était proche de grands érudits du pays tels que Dougabougou Karamoko, Sékou Siramakan Diarra, Woloni Karamoko, El hadj Youssouf Konaté, Namakri, etc. Il était passionné de football. Ainsi, pendant son service à Kayes, il a joué au championnat de première division de Kayes.

En France, il ne ratait pas les grandes occasions de matches de football en Afrique ou en Europe devant le petit écran avec des copains. Il laisse derrière lui au Mali des enfants et de nombreux petits-enfants, ainsi que ses sœurs Mme Aminata Dramane Traoré, ancienne ministre de la culture, Mme Sanogo Sitan Traoré, Mme Kanakomo Mariam Traoré et la famille Sénou Koné.

Né au Mali à Bamako, Zoumana Yoro repose désormais en France après avoir apporté sa pierre à l’œuvre de construction nationale. Autant il a pu et selon ses talents et capacités. Déjà plusieurs projets profilent à l’horizon, des idées en gestation pour lui rendre un grand hommage au Mali à l’issue des confinements de la Covid-19. Selon un proverbe populaire “la musique adoucit les mœurs”. Enfin la profonde douleur de la disparition de Zoumana Yoro Traoré trouve un bémol qui sèche des larmes dans le chant d’hommage que la grande cantatrice Koly Koné lui a décerné et intitulé “Kirina Kônô, hommage à Zoumana Yoro Traoré”. Les rideaux tombent sur des notes suaves de Cora et paroles élogieuses Koly Koné : “… En période de crue, certains appellent le fleuve, “bâ” (fleuve), une mère génitrice de “Mansas” (empereurs). En période de décrue, le fleuve, certains l’appellent la rive d’où sont partis les “Touramagan” (nom épique des Traoré).

Zoumana Yoro, I Traoré !

 I Touramagan !

Qu’Allah, le Tout-Clément et Miséricordieux que tu as imploré un jour sur ton lit de malade en ces termes : “Ya Latif ! Ya Latif ! Ya Latif ! Lâ illaha illalâ !” en notre présence avec ta petite sœur Awa, te pardonne dans sa bonté infinie et t’accorde une place au paradis. Amine !

                             Bakary Traoré

Journaliste, président d’honneur de l’Union presse et communication des Maliens de France (Upcom-F)

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