Implication de Dr Faran Samaké dans la mort de Modibo Kéïta ? : Amadou Djicoroni fournit ses preuves au ministre Tiékoro Diakité

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Réponse à Monsieur Tiékoro Diakité, Ex -Contrôleur d’État, Ex-Ministre (de Moussa Traoré) -Président de l’Association des Ressortissants de Bougouni. 

C’est avec un plaisir non dissimulé que je réponds à votre lettre ouverte en mettant à votre disposition et au bénéfice des lecteurs les éléments qui suivent et qui vous permettront surtout de réfléchir sur le profond silence de Moussa Traoré à leur propos :

I- Le colonel Youssouf Traoré partenaire et ami très proche de Moussa Traoré a adressé en 1991 au Président Amadou Toumani TOURE un message libellé comme suit : «Mr le Président…Toutes mes félicitations pour tous les sacrifices consentis afin de « débarrasser définitivement notre Cher Pays d’une dictature militaire sanguinaire.

«  Que dire des 23 ans de mensonge, de pillage économique et de dictature sanguinaire du « régime militaire symbolisé par le pouvoir personnel. En vérité, le 26 Mars, dans le cœur « du peuple martyr, l’armée n’avait plus aucun crédit.»

Et Youssouf de poursuivre :

« Mr le Président, il y a vraiment de quoi avoir peur pour l’avenir de la démocratie au Mali « lorsque «le voleur crie au voleur» et que de grands criminels sont en liberté ou « s’engagent à donner à leurs victimes des leçons de bonne conduite. Il y a réellement de « quoi avoir peur lorsque, après la chute de Moussa, les anges gardiens de son régime sont « plus forts que jamais».                                      Le 02 avril 1991

 YOUSSOUF TRAORE

II- Auparavant, depuis son exil quelque part en  Afrique de l’Ouest suite à sa fuite pour échapper aux foudres de Moussa Traoré, il avait publié un document pour démentir les propos de celui-ci devant Ibrahima Baba Kaké au micro de RFI. Lisez :

« CONSTATATIONS ET OBSERVATIONS

« 1°) – le Général Moussa TRAORE n’est nullement étranger au crime « d’enrichissement illicite dont le couple Tiécoro-Kissima se furent rendus coupables et « pour lequel ils sont morts. Il fut leur principal complice.

« 2°) – Pour des raisons politiques et d’intérêts personnels, le général Moussa Traoré, Tiécoro et Kissima étaient étroitement liés. Assurés de la protection du Président, Tiécoro et Kissima, de I973 à 1978, faisaient tout ce qu’ils voulaient, commettaient n’importe quelle bavure dans l’impunité absolue.

« 3°) – L’affirmation du général Moussa TRAORE selon laquelle Tïécoro et Kissima profitèrent des dons au titre de la sécheresse pour s’enrichir (plus de treize milliards de francs maliens avec la complicité des pays donateurs) est absolument inexacte. L’administration malienne dont il est le chef suprême était-elle dépourvue de système de contrôle ?

« 4°) – Les circonstances de leur arrestation telles que relatées par le général Moussa TRAORE sont très éloignées de la vérité.

« L’AFFAIRE  MODIBO KEITA

« Du premier jour de leur arrestation jusqu’à la date de la libération totale de tous les « détenus politiques, tous leurs problèmes étaient portés à la connaissance du CMLN et traités au cours de ses sessions. Le Président du CMLN, Moussa TRAORE, le Ministre de l’Intérieur « Kissima, le Directeur général des services de sécurité et le docteur Faran Samaké  étaient « ceux qui les suivaient plus particulièrement dans la vie quotidienne. Il est exact que bien « avant le mois de Mai I977, sur décision du CMLN, Modibo de Kidal avait regagné Bamako pour des raisons de santé et les conditions de sa détention avaient été assouplies. Mais les déclarations du Général Moussa Traoré relatives à la requête de la mère du Président défunt et des décisions qu’il avait prises personnellement en faveur de Modibo quelques jours avant sa mort ne correspondent pas à la réalité. Car à l’époque, il n’était pas dans les prérogatives du Président du CMLN, fut-il chef de l’état, de faire déplacer l’ancien Président et de le  libérer sans l’accord du CMLN.

« Enfin, les quelques jours que l’ex-Président Modibo passa à Bamako et les circonstances de sa mort le 16 Mai 1977 sont entourées d’un épais brouillard même pour les membres du CMLN, à l’exception de ceux qui avaient le devoir de le suivre de près et de le soigner. Parmi ces quatre, trois sont morts. Mais le général Moussa TRAORE et sa «conscience» le  général Filifing sont à même de dire qui a rédigé le communiqué annonçant le décès, en traitant l’ancien Président de simple instituteur.

« En outre sur les circonstances de la mort du docteur Faran le général Moussa TRAORE ne veut rien savoir. Pourtant il est établi de façon irréfutable que Faran s’est suicidé juste la veille du procès politique de son neveu Tiécoro. De quoi avait-il peur ? En disparaissant ainsi, a-t-il définitivement emporté dans sa tombe tous les secrets sur la mort de l’ancien Président Modibo Kéita ? Par conséquent, les choses ne sont pas aussi claires comme on le prétend ».

(Fin de citation)

III – Dans son livre intitulé « Ma vie de soldat » le capitaine Soungalo Samaké a écrit ceci :

« Le capitaine Mamadou Coulibaly qui était pilote m’a téléphoné pour me dire que le « président Modibo Kéita était à l’aéroport dans l’avion. J’ai pris deux soldats et je suis allé « le chercher.

Tiékoro me dit de le prendre à l’ordinaire. J’ai dit non :

– Ou bien vous l’emmenez ailleurs. Si vous le laissez au Camp para c’est que vous me « faites confiance. Donc vous me donnez de l’argent et je vais le nourrir autrement qu’à « l’ordinaire. Parce que si le margouillat se coud un pantalon, il laisse un passage pour sa « queue.

On a mis de l’argent à ma disposition. J’ai dit à ma première épouse Mamou : « tu « seras la seule à préparer le repas de Modibo Kéita ; pas d’autre femme. Que personne « d’autre ne prépare ses repas ».

Il y avait un soldat chez moi, du nom de Ongoïba. Je lui ai dit : « tu es le seul qui dois « transporter le repas de Modibo Kéita ; personne d’autre ne doit transporter ses repas ».

Tiékoro a désigné Faran Samaké comme Dr traitant. J’ai appelé l’infirmier major le « sergent Bô Dabo. Je lui ai dit : « tu seras le seul à effectuer les traitements de Modibo ».

« Donc si Modibo meurt à un moment ou à un autre, je savais d’où ça venait. C’est « comme ça que Modibo est resté à la Compagnie para…..

« Un jour le soldat qui lui apportait ses repas est venu précipitamment me voir pour dire que « Modibo était tombé au pied de son lit. J’ai couru, pour aller dans sa cellule. Il bavait. Je « l’ai pris ; j’ai dit au soldat : aide moi. Nous l’avons couché dans son lit. J’ai pris une « serviette pour essuyer la bave. Je lui ai posé la question : qu’est-ce que tu as ? Qu’est-ce que tu as ? Il voulait parler mais le son ne sortait pas. J’ai fait appeler l’infirmier major et je lui ai posé la question :

Modibo a-t-il été soigné ce matin ?

Oui

A quelle heure ?

A dix heures

Qui a fait la prescription ?

C’est le Dr Faran Samaké

Qui a fait le traitement ?

C’est moi.

Je suis monté au Point G pour voir le Dr Faran. Il dormait. J’ai frappé à sa porte ; j’ai dit : « le cas de Modibo est très grave. L’infirmier major m’a dit que vous avez prescrit le traitement ce matin. »

Je lui ai posé la question : vous avez vu Modibo aujourd’hui ?

Oui.

Bon allons-y. Ça ne va pas chez lui.

Tu peux partir ; Je te suis.

Pas question. Nous allons ensemble.

Quand nous sommes arrivés au camp et qu’il a vu Modibo il a dit : je vais demander au Président Moussa Traoré l’autorisation de l’hospitaliser.

Non ! Vous l’hospitalisez et je rends compte.

Bon je vais à l’Hôpital Gabriel Touré pour préparer une salle d’hospitalisation et je vous téléphone parce qu’on ne peut pas l’emmener comme çà.

Bon il faut faire vite. Vous ne faites pas les premiers soins ?

Non, ce n’est pas la peine.

Je me suis assis sur le lit. J’ai posé la tête de Modibo sur mes jambes. J’ai pris une serviette et je me suis mis à essuyer la bave. J’ai continué à lui poser la question : qu’est-ce que tu as ? Qu’est-ce que tu as ? Le son ne sortait toujours pas. Au bout d’un moment, la tête a fléchi en arrière. J’ai compris qu’il était mort. J’ai rejoint Faran à Gabriel Touré et je lui ai demandé : la salle est prête ?

– Non ! Pas encore

– Ce n’est pas la peine, il est mort.

De là nous sommes revenus ensemble à la compagnie para. J’ai téléphoné à Tiékoro Bagayogo, le Directeur des services de Sécurité qui nous a rejoints. J’ai aussi rendu compte à Kissima Doukara qui est également venu. Kissima nous a quittés en disant qu’il va rendre compte au Président Moussa Traoré.

 J’ai dit à Kissima : « toi et moi, dans cette affaire, nous nous en sortirons difficilement. Il faut tout faire pour qu’on procède à l’autopsie. Il faut qu’on sache de quoi il est mort ». Kissima a échangé avec Tiékoro qui me dit : tu dis de faire l’autopsie ? Est-ce que c’est une bonne chose ?

C’est une bonne chose oui, c’est pourquoi je le dis. Si on fait l’autopsie, on saura de quoi il est mort et c’est bon. Si on ne le fait pas, toutes les spéculations seront possibles.

On va appeler ses parents ; s’ils demandent l’autopsie on la fera ; dans le cas contraire on leur donnera simplement le corps. On l’a transporté au Point G.

On a fait venir son frère médecin Mallé Kéita à qui Tiékoro a dit : « votre frère est mort. Il faut faire l’autopsie pour savoir de quoi il est mort. Si vous ne pouvez pas le faire vous-même, vous pourrez faire appel à n’importe quel spécialiste même si c’est un étranger. Ce sont des instructions données par le Président. Il a répondu :

Je  ne ferai pas ça sur le corps de mon frère !

Il a tourné le dos et il est sorti.

Au retour au camp para, j’ai pris le cahier qui était au chevet de Modibo et qui me compromettait car, tous les cadeaux qu’on lui faisait et tous les visiteurs qu’il recevait y étaient mentionnés. Il y était écrit qu’il me considérait comme son propre fils et il avait noté tout ce que j’avais fait pour lui. A la dernière page il avait écrit : si je meurs, mon testament se trouve dans la housse de mon transistor. Automatiquement, j’ai déposé le cahier ; j’ai pris le transistor. J’ai vu le testament ; je l’ai lu. C’était intelligemment écrit. Je l’ai remis à Tiékoro qui l’a donné à Moussa Traoré. On m’a dit de remettre le corps à ses parents. J’ai dit qu’il faut faire attention car Modibo est très populaire. Ils m’ont dit que non, il suffit de remettre le corps et de diffuser un communiqué annonçant sa mort. C’est tout.

Ils ont vu ; il y avait tellement de monde que le cimetière était rempli alors que certains n’avaient pas encore démarré pour rejoindre le cortège qui s’étirait jusqu’au domicile de ses parents. Le corps était arrivé au cimetière alors que certains étaient encore assis à Ouolofobougou et ne le savaient pas ! La police a été débordée ! Les élèves ont dit qu’il fallait aller donner le corps à ceux qui l’ont tué. Il a fallu encore faire recours à Soungalo Samaké et aux parachutistes pour empêcher la foule d’aller au siège du comité et diriger le cortège funèbre sur le cimetière.

Après les funérailles on a pris certains de ceux qui ont participé à  l’enterrement ; on les a amenés au camp para et on m’a dit de les corriger.

Aussi, quand après mon arrestation on m’a demandé de quoi Modibo est mort, j’ai dit que je n’en savais rien puisqu’on n’a pas fait l’autopsie.

Auparavant, le Dr Faran Samaké est venu me voir pour me dire : je suis le médecin de la commission d’enquête. L’accident que tu as fait t’a fait perdre la moitié de la cervelle. Les clichés sont là. Donc tu diras simplement que tu n’étais pas conscient de ce que tu as fait. On t’hospitalisera au Point G et au bout de deux mois, on te relaxera.

Faran, regarde-moi bien. Je suis un officier ; j’ai assumé de hautes responsabilités. « Devant la mort, tu veux que je me fasse passer pour fou ? A ma sortie, comment je vais « pouvoir regarder les gens ? Je refuse ! Je vais au poteau.

Après cela, ma femme Saly est venue me voir pour me dire que Faran a pris contact « avec elle pour lui dire que j’ai refusé d’être libéré. Je lui ai dit : ce n’est pas la peine. Allez « vous marier ; je refuse, je vais au poteau.

Faran a cru que j’allais parler. J’ai appris plus tard sa mort. Je ne sais pas comment cela « s’est passé mais voilà ce que je sais de la mort de Modibo ».

NB : Moi Amadou Seydou Traoré, j’ai été emprisonné et déporté sans jugement à Kidal de novembre 1968 à janvier 1978 (dix ans). Tiécoro, Soungalo et autres ont été arrêtés en février 1978. Faran s’est suicidé en mars 1978. Le pouvoir était en plein délire. Vous comprenez pourquoi je ne pouvais en aucune manière interpeller Faran. Ses responsabilités n’ont rien à voir avec le fait qu’il soit mort ou vivant. Je vous rappelle que j’ai de la répugnance à parler des morts. Je l’ai écrit dans mon livre intitulé «Devoir de mémoire, devoir de vérité». Mais dans des cas d’exception devoir oblige.

Monsieur Tiécoro Diakité, tous les textes cités ci-dessus ont été publiés depuis des années au Mali dans des ouvrages dont les lancements ont été couverts par la presse nationale, publique et privée, notamment l’ORTM.

Moussa Traoré n’y a jamais réagi. Silence radio !comme on le dit en termes militaires. Ce silence tonitruant est pourtant la plus grande preuve de toutes les affirmations qui précèdent. Vous avez été un de ses Ministres ; vous faites l’étonné. Quant à moi, c’est vous qui m’étonnez car longtemps, très longtemps vous avez réussi à me cacher votre vraie position. Mais aujourd’hui c’est vous qui me révélez vos liens avec le pouvoir CMLN. Curieuse métamorphose d’un ancien du PAI des années 1958-1959 ! A l’époque nous étions, – vous et moi – dans l’opposition ensemble, jeunes révolutionnaires luttant pour l’indépendance et le socialisme. Il m’avait semblé que vous aviez d’autres convictions que celles que vous affichez maintenant. Vos commentaires sur les qualités de Faran sont hors sujet, même si vous les appuyez sur votre commune origine : en effet Tiécoro, Faran et vous, êtes tous de Bougouni. Mais que savez-vous de son comportement à notre égard à nous détenus politiques dans les prisons à Kidal et Intadéinit ? C’était  aux antipodes de celui de feu le Dr Nianankoro Fomba, du Dr Ali Nouhoum Diallo ou du Dr Sidi Konaré. J’espère que vous avez eu la patience de lire toutes les lignes et entre les lignes ! Je vous préviens Monsieur Diakité, les Maliens savent la vérité. Bien à vous.

Amadou Seydou Traoré Bamako ce 20 juillet 2010

 

Mort de Modibo Kéïta

Yacouba Aliou répond àu Ministre Tiécoro Diakité

Bonjour M. Le Directeur

Il faut informer M. le Ministre Tiécoro Diakité que Dr. Faran Samaké n’était pas mort en mars 1978 comme il l’affirmait dans sa correspondance au journal «Le Challenger» mais bien à la veille du procès Kissima Doukara dit Bamba, Tiécoro Bakayoko, Karim Dembélé et complices en octobre 1978 au tribunal de Bamako. J’étais dans la foule qui avait assisté à ce procès aux alentoirs du palais de justice grâce aux hauts parleurs installés.

J’ai même des numéros du journal «L’Essor» qui relatent le procès avec photos à l’appui. Le procès avait eu lieu le 18 octobre 1978. La mort du Dr. Faran a été même un peu commentée par le colonel Joseph Mara dans une interview au journal «Le Républicain» en février 1993 si j’ai bonne mémoire. Avec aussi la mort du Président Modibo. Et pourtant vous étiez (vous, HAIDARA) à l’époque journaliste dans ce journal. Amadou Seydou s’est référé au livre du capitaine Soungalo Samaké pour affirmer cela. C’est lui Traoré qui a même préfacé ce livre. Amadou S. Traoré est un homme honnête. Il a ses preuves. Ensuite, vous pouvez lire «Transferts définitifs» du colonel à la retraite Hassimi S.DEMBELE. La responsabilité de Faran n’est même pas cachée du tout et même dans le livre du capitaine Soungalo, c’est direct.

Merci et bonne journée !

 

Yacouba Aliou.

 

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