Roule ! Malheureusement pas sur les routes de campagne mais sur les routes de la campagne. Il n’est pas question d’amener de la route, de la bitume dans nos campagnes qui, sur ce plan, n’ont rien à envier à nos villes, mais de faire des routes pour pouvoir s’y rendre afin de battre campagne. Le président IBK ne déroge pas à la règle, marcher pendant quatre ans et faire semblant de courir la cinquième. Il s’inscrit bien dans cette tradition, celle d’offrir peu et vite aux Malien.ne.s qui s’en accommodent bon gré mal gré. Est-ce parce qu’on se souvient plus de la fin -heureuse- plutôt que du début -désastreux- ? Ou parce qu’on nous a tellement habitués à rien qu’on se contenterait de si peu ?
On nous roule depuis le début
C’est un euphémisme que de dire que IBK a royalement raté le début de son mandat. Peut-il sauver ce qui en reste ? Après son élection, IBK a lui-même réuni les conditions de son propre échec. Des renoncements aux trimballements, il ne reste plus rien du package politique qui lui a servi de produit électoral. Le marketing a bien pris et les clients ne se sont pas faits prier. Sauf qu’en réalité, IBK, bien ancré dans cette tradition politique malienne consistant à charmer les humeurs, à conquérir les cœurs des électeurs pour ne pas solliciter leurs consciences et leurs raisons, ne pouvait que reproduire les usages. C’est ainsi qu’il renonça aux compétences de Oumar T. Ly et de Moussa Mara. Qu’il abdiqua face aux réactionnaires. Et que toutes les marchandises électorales -ces belles promesses- tombèrent aux oubliettes.
Au début, ce n’est pas parce que IBK ne voulait pas faire comme ATT, seulement, au regard du contexte IBK ne pouvait pas faire comme ATT. Car il fallait reconstruire et restructurer toute une armée, redonner foi dans le Mali, et créer les conditions pour assurer le bonheur des Malien.ne.s. Toutefois, il donne l’air de vouloir moins bien faire que ATT. Des électeurs qui crient au “Yabé” -à l’auto-goal-. Ou encore le sentiment du “c’était mieux avant”, IBK arrive même à faire de ATT ce que celui-ci n’a pas été. Devant ce vide sidéral, conséquence de la gestion de IBK, il est devenu périlleux non pas de justifier mais de prétendre expliquer ses choix politiques. Non pas parce que IBK ne fait rien mais même ce qu’il fait, il donne l’impression soit de le faire en moins bien ou de le faire mal. Sommes-nous devenus plus exigeants ou seulement nous nous attendions à tellement mieux que nous aurions du mal à accepter ce qu’il essaie de faire bien ? IBK ne semble plus rien contrôler en dehors du pouvoir de changer de Premier ministre et d’augmenter le nombre de ministres à chaque remaniement. Toujours plus de dépenses et toujours moins de recettes.
Après sa grande défensive sur les demandes sociales et leurs conséquences irrémédiables, IBK lance sa grande offensive sur les infrastructures. IBK entend redorer son blason à travers ses projets de construction et de bitumage des routes après les échecs de ses projets sociaux et sécuritaires. L’armée encaisse dans l’indifférence. Les écoles et hôpitaux publics s’écroulent sous nos yeux. Mais pourquoi IBK pense trouver son salut dans les routes ? En effet, malgré ses échecs lui aussi, ATT s’est construit l’image du président bâtisseur en misant sur les constructions en tout genre. Mais un Président qui construisait et maquillait quand toutes les structures fondamentales s’écroulaient. D’où cette fin mal-heureuse du régime ATT.
Dans un pays enclavé comme le Mali, les routes sont d’une importance capitale pour désenclaver. Et tous l’ont compris. Citoyens et acteurs publics. Et IBK est sûr de sauver son mandat avec les routes. Car il suffit de peu à la fin pour que les Malien.ne.s vous redonnent tout à nouveau. La politisation de la route fait de la route l’équivalent de l’eau, de l’école ou encore de l’hôpital. Donc, “offrir” la route comme il est de coutume dans nos pays où le Président “offre généreusement”, reviendrait à créer les conditions d’un développement imaginaire. Par ailleurs, pour IBK, ses routes l’amèneront à bon port (2023).
Tout roule pour IBK. En 2013, le désir de changement est resté un vœu pieux. Y aura-t-il une alternance en 2018 ? Avant de vouloir le changement ou crier l’alternance, il serait judicieux de créer les conditions et de se donner les moyens pour réaliser ce dessein. Nous voulons changer une donnée politique en restant en marge de la politique. Car nous voulons, sans faire de la politique, changer les acteurs politiques. En 2018, allons-nous nous faire rouler une énième fois ?
Mahamadou Cissé
Citoyen sans mérite