Dans son arrêt N°2013-06/CC-EP du 20 août 2013 de proclamation des résultats définitifs du second tour de l’élection présidentielle du 11 août 2013 ayant consacré l’élection de Ibrahim Boubacar Keita comme Président de la République, face à son challenger Soumaïla Cissé, la Cour constitutionnelle du Mali a tiré les conséquences de l’article 37 de la Constitution du 25 févier 1992. Ce texte précise que «le Président de la République élu entre en fonction quinze jours après la proclamation officielle des résultats».
Cette proclamation étant intervenue le 20 août 2013, la Cour a fort justement fixé non pas la date de prestation de serment du nouveau Président de la République, ce qui n’est pas de sa compétence, mais le point de départ du mandat de «Monsieur Ibrahim Boubacar Keïta … pour compter du 4 septembre 2013 à 00 heure».
La date du 04 septembre 2013 est plus le point de départ du nouveau mandat de cinq (5) années à venir que celle de l’entrée officielle en fonction du Président de la République élu. Cette dernière étape ne sera consacrée que par la cérémonie de prestation de serment. La prestation de serment est également prévue par la Constitution précitée, plus précisément par les dispositions de l’article 37 qui précisent que l’entrée en fonction du Président de la République élu est précédée par la prestation de serment par «devant la Cour Suprême». Les termes de cette prestation sont les suivants : «Je jure devant Dieu et le peuple malien de préserver en toute fidélité le régime républicain, de respecter et de faire respecter la Constitution et la Loi, de remplir mes fonctions dans l’intérêt supérieur du peuple, de préserver les acquis démocratiques, de garantir l’unité nationale, l’indépendance de la patrie et l’intégrité du territoire national.
Je m’engage solennellement et sur l’honneur à mettre tout en œuvre pour la réalisation de l’unité africaine».
C’est en effet cette prestation de serment qui marque le point de départ de l’entrée officielle en fonction du Président de la République. Mais avant cette formalité, celui-ci ne peut pas et ne doit accomplir aucune prérogative ou exercer aucun pouvoir de sa fonction sans que les actes qu’il prend ne soient menacés d’annulation par la suite. Ce cas de figure ne s’est pas encore produit en pratique dans notre pays. Mais au Bénin, oui.
En effet, le Président Boni YAYI avait pris le risque de promulguer des lois qui avaient été votées avant qu’il ne soit élu et bien avant qu’il ne prête serment. Tous les actes qu’il a pris dans ce cadre ont été jugés anticonstitutionnels en des termes on ne peut plus précis de la haute juridiction béninoise: « …M. Boni YAYI, qui a été proclamé élu président de la République par la Cour, a prêté serment le 06 avril 2006 ; … il s’ensuit que le 05 avril 2006, M. Boni YAYI n’était pas encore entré en fonction et ne pouvait donc à cette date signer un acte de promulgation d’une loi ».
D’ailleurs, c’est après la cérémonie d’investiture et dans un délai de 48 heures que le Président de la Cour Suprême du Mali devra recevoir publiquement la déclaration écrite des biens du nouveau Président de la République. Cette déclaration devrait, par la suite, faire l’objet d’une mise à jour annuelle.
Au plan pratique et par rapport à notre pays, la mise en œuvre de cette entrée en fonction se fait en deux temps. D’abord, le 04 septembre, par la cérémonie de passation de services entre l’ancien et le nouveau président, précédé de la démission du gouvernement de transition ; Ensuite, la cérémonie d’investiture à proprement parler et la prestation de serment du nouveau Président de la République, ce qui n’est pas sans conséquences pour la poursuite des affaires publiques en termes de continuité de l’Etat. En effet, durant cette période d’attente et de vide institutionnel, aucune prérogative présidentielle du genre promulgation des lois votées par le parlement ou nomination à des hautes fonctions publiques (civiles ou militaires), pour ne citer que celles-ci, ne pourrait véritablement trouver à s’appliquer. C’est là qu’il faut attirer l’attention sur cette fâcheuse situation, née du mauvais réglage juridico-institutionnel du cadre du gouvernement de transition : la disparition du parlement actuel avec le gouvernement de transition, dans la mesure où les institutions républicaines ne s’étaient maintenues au delà de leurs termes que pour assurer la transition constitutionnelle et institutionnelle, laissera un vide au plan institutionnel.
Du coup, en l’absence de parlement et de Premier ministre en fonction, les dispositions de l’article 36 de la Constitution trouveraient quelque mal à s’appliquer.
Or, le texte précité indique qu’en cas d’empêchement du Président de la République, momentanément ou durablement, «ses pouvoirs sont provisoirement exercés par le Premier Ministre» ou «par le Président de l’Assemblée Nationale».
Mamadou Ismaïla KONATE
Avocat à la Cour
Président de Génération Engagée, tous en action