IBK aux enseignants, aux élèves et à leurs parents : «Il n’est pas de développement sans une école forte»

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«Entre toutes les nécessités du temps, entre tous les problèmes, j’en choisirai un auquel je consacrerai tout ce que j’ai d’âme, de cœur, de puissance physique et morale, c’est le problème de l’éducation du peuple». Ces mots sont de Jules Ferry, père de l’école moderne française. Le Mali n’est pas la France, mais aujourd’hui plus que jamais, en cette période de rentrée, j’endosse ces mots, j’en fais les miens, et j’encourage chacun d’entre nous, dirigeants politiques, cadres, enseignants, parents, simples citoyens, à faire de même pour que nous puissions transformer l’école malienne.

Cette transformation est nécessaire car il n’est pas de pays qui se développe sans un système éducatif fort, pour que chaque enfant acquière des connaissances fondamentales et une formation lui permettant, une fois adulte, d’apporter sa pierre à l’édifice de construction nationale. D’autres pays ont montré la voie avant nous. Pour avoir investi massivement, d’un point de vue quantitatif mais aussi qualitatif, dans le secteur de l’éducation, ils se retrouvent dans le haut des classements mondiaux: la Corée du Sud, Singapour, ou, plus près de nous, la Tunisie et le Ghana. Ces pays ont dépolitisé le secteur de l’école pour en faire une véritable cause nationale sur le long terme, et ont réussi à former des générations entières de cadres patriotes.

Chez nous, au Mali, nous constatons que l’école ne réussit plus cette mission depuis environ deux décennies, ce qui ne peut être masqué par l’augmentation des taux bruts de scolarisation. Les faibles taux de réussite aux examens du DEF et du Baccalauréat en 2010, respectivement 34% et 27%, le fait qu’un grand nombre de nos étudiants quitte l’université sans diplôme, et que ceux qui obtiennent leur parchemin viennent grossir les bataillons des chômeurs, faute d’une formation adéquate aux besoins du marché, sont des illustrations parmi d’autres de notre échec. Car cet échec est collectif. J’assume pleinement ma part de responsabilité, en tant que dirigeant politique et citoyen malien.

Aujourd’hui, il est temps que chacun, à son propre niveau, en fasse autant pour mettre l’école au cœur de nos préoccupations. Cela passe par la responsabilisation de chacun, car nous avons tous un rôle pédagogique à jouer pour le devenir de nos enfants. Tout d’abord, les acteurs politiques doivent cesser l’instrumentalisation de l’école à des fins électoralistes, car c’est jouer avec le feu et mettre en danger la nation. Les enseignants, victimes collatérales du mal-être de l’école, ont des revendications légitimes, mais doivent se battre pour les obtenir, sans prendre en otage toute une génération d’étudiants à travers des grèves longues et coûteuses. Quant aux parents d’élèves, c’est prendre leur part du sacrifice national que d’encourager leurs enfants à aller à l’école et à étudier, malgré les difficultés de la vie. Mais ces défis dépassent notre génération. Ils concernent avant tout la jeunesse, élèves et étudiants, que j’appelle à la responsabilité devant l’ampleur de l’enjeu dont ils sont au cœur. C’est leur devoir d’étudier avec courage, car le travail et le mérite sont les seules garanties d’une réussite valorisante dans la vie.

A travers l’école, nous, dirigeants politiques de tous bords, avons une chance historique de réhabiliter la puissance publique et de réaffirmer le rôle moteur de l’Etat. Car l’école doit enseigner les valeurs, donner aux hommes et aux femmes la capacité d’apprendre à connaître, à vivre ensemble et à être soi-même. L’école doit aussi être le lieu où on acquiert l’épanouissement individuel et collectif, pour redonner espoir à notre jeunesse qui a perdu toute confiance en elle même.

Pour réaliser cette ambition, nous devrons veiller en priorité à revaloriser le métier d’enseignant, le plus beau du monde, en leur assurant une meilleure formation, un statut de fonctionnaire pour la majorité, et des revenus plus importants. En contrepartie, la puissance publique devra sanctionner avec fermeté tout manquement à la déontologie et au droit des élèves et étudiants de la part des professeurs. Nous devrons poursuivre les efforts pour la construction de centres scolaires et leur équipement en livres et autres fournitures, en mettant l’accent sur les nouvelles technologies. Dans ce sens, la création d’une Université à Ségou est une excellente initiative, qui devra s’amplifier pour que chaque région du Mali soit dotée à terme de son pôle universitaire spécialisé. Sans oublier la formation professionnelle, qui devra être au cœur du dispositif. Egalement, un contrôle plus strict devra s’exercer sur l’octroi d’agréments pour l’enseignement privé, dans le but d’uniformiser le niveau global vers le haut et non vers le bas. Enfin, la mise en place d’une allocation scolaire, visant en encourager les familles qui envoient leurs enfants à l’école, et la systématisation de l’uniforme dans le cycle fondamental ne sont pas des tabous pour moi.

Ces pistes de réflexion, si nous les approfondissons, démontreront que la volonté politique alliée à la force de l’Etat peuvent redresser l’école, notre grande cause nationale, pour laquelle nous devons tous nous battre. Ce combat est indispensable pour donner à nos jeunes les clefs d’analyse du 21ème siècle et leur permettre de faire face à la complexité du monde. Indispensable pour former les jeunes qui bâtiront un Etat fort, impartial et capable d’apporter les services nécessaires aux bien-être de tous ses citoyens, sur l’ensemble du territoire national. Indispensable pour accompagner la révolution verte qui fera de notre pays une puissance agricole de premier plan en Afrique et assurera la sécurité alimentaire pour tous les Maliens. Et, enfin, indispensable pour assurer une compétitivité durable à notre pays, car des ressources humaines de qualité garantiront des investissements directs étrangers pourvoyeurs d’emploi.

Je souhaite une bonne rentrée 2010 à la grande famille de l’école malienne, élèves, étudiants et enseignants, et je prends l’engagement d’œuvrer pour que notre école devienne un sanctuaire intouchable au service du développement du Mali.

Ibrahim Boubacar Keïta,

 

Président du Rassemblement pour le Mali (RPM).

 

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