IBK : une indifférence qui cache mal un mépris de classe

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Des discours aux entretiens, le président Ibrahim Boubacar Keita -IBK- constate et concède que “s’agissant des secteurs sociaux, particulièrement la Santé et l’Éducation, le chemin à parcourir reste encore très important.” (2015) Deux ans après, quelle distance avons-nous parcouru ? À quelle vitesse ? Et en combien de temps ? Rien de concret ! Seulement, pour IBK seules les bonnes intentions comptent, « lors de mon adresse à la Nation du 22 septembre dernier [2017], j’avais souligné que parmi les défis qu’affronte la Nation, trois retiennent tout particulièrement mon attention. Celui du rétablissement de la paix et de la sécurité, celui de la préservation de la cohésion nationale et celui de la prise en charge de la demande sociale.  » (2017)

Que les enjeux sécuritaires préoccupants préoccupent le Président, quoi de plus souhaitable ! Cependant, qu’aux enjeux sécuritaires, s’ajoutent une grogne sociale accrue, une rupture du dialogue social entre gouvernants et représentants des mondes syndicaux sans oublier la crise de confiance à l’égard des autorités, devraient plus préoccuper le Président IBK déjà préoccupé -?- au lieu d’aggraver les souffrances d’une population déjà agonisante. Malgré la priorité donnée à la demande sociale, il est aisé de constater que c’est là où IBK semble le plus échouer comme l’atteste sa gestion des crises actuelles. Autrement dit, la bonne volonté ne suffit pas et encore moins les incantations et références à Allah, “aide-toi, le Ciel t’aidera”, ne dit-on pas ?

Ce climat de tension, conséquence de l’indifférence de IBK et de son mépris de classe vis-à-vis des travailleurs, nous enseigne énormément sur son rapport au travail, et la valeur qu’il accorde au bien-être des Citoyens qui ne font pas partie d’une certaine classe.

Bienheureuse la pseudo-bourgeoisie !

Parlant de la mentalité de la bourgeoisie africaine -s’il y en a-, le Professeur Joseph Ki-Zerbo souligne que la pratique néfaste de cette classe qui consiste à “accumuler les fonds et les transférer dans les paradis fiscaux” mène l’Afrique au “vide.” Une bourgeoisie africaine qui a une tendance “non pas à être et/ou à produire mais à paraître et à distribuer en n’investissant que dans le secteur tangible et passager.” Or, “miser sur l’augmentation au maximum du pouvoir d’achat de la masse de la population est plus prometteuse” que de “miser sur la politique d’enrichissement d’une classe de possédants.” Sauf que, détenant les pouvoirs politique et économique, ils se créent eux-mêmes les conditions de leur enrichissement.

Au Mali, le vide s’installe avec la paupérisation de la classe paysanne, la baisse du pouvoir d’achat des ménages, la dégradation des conditions de vie des travailleurs, la montée des inégalités, et la précarisation dans les métiers de l’éducation et de la santé, qui traduisent justement la mentalité et la pratique de cette classe de possédants, de notables, et de professionnels de la politique. Vivant dans un monde qu’ils n’ont ni pensé ni conçu, la liberté de créer, l’esprit d’entreprendre, et l’audace d’innover leur sont étrangers. En leur donnant le pouvoir -y compris le pouvoir d’acheter le moyen de leur pouvoir-, les Malien.ne.sont décidé de vivre sans le Mali tout comme celles et ceux à qui ils donnent le pouvoir vivent hors du Mali. Le vide social s’installe quand tout espoir n’est plus ici mais ailleurs. Et le vide politique comme conséquence d’un pouvoir désincarné et absent.

IBK, “le châtelain de Sebenikoro”

Critiquer à tort ou qualifier à raison de bourgeois, un titre dont, d’après les messes basses de la cour, s’en glorifierait même “le roi du Mandé”, IBK qui, “après un début de carrière dans l’aide au développement, découvre la politique en 1992, couvé par un certain Alpha Oumar Konaré (AOK, ancien président malien). Il sera successivement son directeur de campagne, son conseiller diplomatique, son porte-parole, son ambassadeur, son ministre des Affaires étrangères (1993-1994), et enfin son Premier ministre pendant six ans (1994-2000). IBK sera ensuite président de l’Assemblée nationale sous Amadou Toumani Touré, entre 2002 et 2007 (…) Derrière ce redoutable politique se cache un homme courtois, cultivé et posé, élevé dans les meilleurs établissements parisiens et bamakois. Jamais avare d’une bonne formule, ce francophile au langage soigné entretient des relations intimes avec de nombreux responsables politiques africains et français.” (Jeune Afrique)

De 1992 à aujourd’hui, IBK ne vit que de la politique, son activité principale. Il n’a pas d’autres sources de revenus en dehors de ses fonctions politiques, disons de façon légale. Et contrairement à son pseudo statut de bourgeois auto-proclamé, IBK n’est pas économiquement indépendant de la politique. En effet, à partir de 1992, IBK et ses camarades ont largement participé à la professionnalisation de l’activité politique, développant une réelle dépendance aux bénéfices de la politique -indemnités, primes et immunités-. Moussa Mara en fera les frais lors des élections législatives de 2012 car il ne fallait pas se mettre entre IBK -soutenu par la corporation politique- et ses 5 ans d’indemnités et autres avantages liés à sa fonction. Par ailleurs, les ministres (1994- 2000) et plus tard les députés (2002- 2007) diront que l’actuel Président est d’une générosité royale tant leurs conditions de vie et de travail furent améliorées tandis qu’il réservait au même moment grèves et violences policières au Peuple déchu de sa souveraineté. Il n’est pas aisé pour des acteurs politiques comme IBK de faire passer l’intérêt de la nation avant leurs propres intérêts.

Et la question de savoir si IBK a-t-il des égards pour d’autres interlocuteurs que ceux de la classe politique qu’il choie et chérit tant, se répond d’elle-même. S’il est réputé “homme à poigne”, il serait intéressant de se demander contre quelle classe a-t-il toujours utilisé “sa main de fer”. Certes, aujourd’hui il reste indifférent aux souffrances des pauvres Maliennes qu’il méprise tant, mais en  1993- 1994, faut-il se le rappeler, il réprimait les grévistes, fermait des écoles publiques et créait des unités de police afin de faire régner sa conception de l’ordre social. Si le contexte a changé, et l’homme ? De la répression à l’indifférence, la violence n’est-elle pas la même ?

En ce moment au Mali, comme le dirait Stéphane Hessel, les Citoyens -de l’autre classe- vivent une situation indigne et insupportable et “la pire des attitudes est l’indifférence.” Toutefois, le régime actuel, à travers ses multiples turpitudes, réussit au moins en quelque chose, c’est de fédérer les femmes et les jeunes autour de l’essentiel : se mobiliser contre l’indifférence et le mépris de classe pour exiger le respect de leur dignité. Si leur bonheur est resté dans le château, il n’en sera pas de même avec leur honneur, jurent-ils.
Mahamadou Cissé 

Citoyen sans mérite

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1 commentaire

  1. Le Mali apartient autorite francaise et leur complices maliens cet pay apartient plus les maliens ses tristes

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