Gouvernement Cheick Modibo Diarra, bonjour, bonne arrivée ! Il était attendu, il est là, mais tout le monde n’est pas content. La CEDEAO et le reste de la communauté internationale l’attendaient, il est là, on s’en félicite, la junte militaire a laissé la place au président intérimaire qui a signé les décrets de nomination du Premier Ministre et des autres membres du gouvernement.
La société civile l’attendait, il est là, on s’en réjouit, l’espoir renaît. La classe politique l’attendait, il est là, on entend des grincements de dents de toutes parts. Pourquoi ? Parce que certains hommes politiques, après s’être convaincus eux-mêmes, cherchent maintenant à convaincre les autres que rien n’est possible sans eux. Rappelons tout simplement qu’il y a eu des martyrs en mars 1991 pour que vive la démocratie au Mali, non selon la volonté du Prince mais selon celle du peuple souverain ! La volonté du peuple s’exprime par la bouche de ses représentants à l’Assemblée Nationale. Qui les a entendus ces derniers mois malgré les graves périls qui guettaient la nation ? La nature a horreur du vide, dit-on. Pour le combler, l’armée a fait irruption sur la scène politique, au grand désarroi de tous. Comment ne pas condamner le putsch? Comment le condamner en oubliant sa propre responsabilité ?
L’absence de coloration politique du gouvernement est certainement dictée par le contexte du moment et elle présente des avantages certains : d’abord celui de ne pas avoir à arbitrer entre les partis qui doivent y participer car tous voudront y entrer ; ensuite celui de ne pas plomber la marche du gouvernement avec des « pro » et « anti » aux motivations confuses à souhait. Le Premier Ministre qui est un grand intellectuel de renommée mondiale est neutre sur la scène politique malienne. A ce titre, autant il inspire confiance à la société civile et à l’Armée, autant il inspire de la crainte à la classe politique par son esprit d’indépendance dans un environnement où le chantage et les trafics d’influence sont devenus la règle depuis longtemps. Les allusions à ses liens familiaux avec l’ancien chef d’état Moussa Traoré visent à réveiller de vieux réflexes mais les Maliens ont, pour la plupart, pardonné à Moussa Traoré qui a payé sa dette avec dignité, et qui s’est, du reste toujours comporté avec beaucoup de dignité. Le Premier Ministre d’exception (il dispose des pleins pouvoirs pour qu’on ne puisse pas lui reprocher d’en abuser justement) a également la chance d’avoir pour compagnon de route un président intérimaire qui est un homme aux qualités humaines reconnues, aux propos mesurés, qui est comme lui un grand intellectuel parfaitement au fait de sa mission, un homme du sérail connaissant le microcosme politique malien. Il en connaît les différents acteurs, leurs pratiques, leurs capacités, leur limites. Il sait par ailleurs qu’il a une chance inouïe d’entrer dans l’histoire du Mali en faisant œuvre utile : Il lui suffit pour cela de réussir sa mission, ce qui lui garantira une sortie plus qu’honorable de la scène politique. Beaucoup aimeraient être à sa place aujourd’hui.
Les candidats à la présidence de la république, les partis politiques et autres associations de soutien ont là une occasion unique de prouver leur capacité de mobilisation sur le terrain. Ils ont un an pour s’organiser en vue de la reconquête du pouvoir avec l’assurance quasi certaine que l’élection présidentielle sera transparente et crédible. En vingt ans de pratique démocratique, quelle est la seule élection qui a été jugée bonne par les différents acteurs ? N’eussent été la grande sagesse de notre peuple et celle de certains acteurs politiques, il y a longtemps qu’on aurait vécu une grave crise post- électorale au Mali. Alors, soyons tous exigeants mais loyaux avec le nouveau gouvernement. Il faut être exigeant pour que soient réussis l’unification du pays, la mise sur pied d’une armée véritablement républicaine, l’élaboration d’un fichier électoral fiable, l’organisation d’élections crédibles, l’ébauche d’une bonne gouvernance économique et politique à travers la libération et la professionnalisation des media publics. Pour une telle mission, un gouvernement de technocrates convient mieux. Toutefois, le Premier Ministre doit veiller à créer un cadre de concertation avec les responsables politiques. Hommes politiques, vous êtes au pied du mur. Le peuple vous attend avec vos projets, c’est une aubaine à saisir. Réconciliez-nous avec la vraie politique plutôt que de vous perdre en jérémiades. Faites-nous plaisir pour une fois !
Mahamadou Camara
BPE 3312 Bamako