Hommage à Naffet Keïta et à Ambroise Dakouo : Deux amis, que même la mort n’a pu séparer !

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Dr Naffet Keita (g) et Ambroise Dakouo

Dr Naffet Kéïta et Ambroise Dakouo, deux amis inséparables, sont décédés le 22 octobre 2018 par suite d’un accident de la circulation, à environ quarante (40) kilomètres de Ségou où ils devraient s’y rendre, à l’invitation de la Fondation Konrad Adenauer (bureau du Mali), pour participer à un séminaire sur la « sécurité inclusive ».

Les deux compagnons ont été accompagnés, le mercredi 24 octobre, en leur dernière demeure par une foule nombreuse constituée de parents, amis, collègues, étudiants et bien d’autres anonymes. Pour Naffet Kéïta, la Nation Malienne lui a rendu les hommages en l’élevant, à titre posthume, au rand d’officier de l’ordre national. C’était en présence de plusieurs personnalités de la République, notamment le ministre de l’innovation et de la recherche scientifique Pr Assétou Samaké Migan, les membres du Gouvernement, les anciens Premiers ministres Modibo Sidibé, Younoussi Touré, Moussa Mara, le Médiateur de la République Baba Akhib Haïdara, le Président de la Haute Cour de justice Abdourahamane Niang, etc.
Collègues, amis et compagnons

Naff et « l’homme », comme nous les appelions affectueusement, étaient deux compagnons ici –bas et le seront, ainsi en a décidé le bon Dieu, dans l’au-delà. Nous étions loin d’y croire –  qu’à seulement 29 jours (22 et 23 septembre 2018) où nous étions ensemble à Fana, à la faveur d’une retraite sur la finalisation du rapport d’observation et d’analyse sur le processus électoral – que nous n’allons plus jamais nous revoir, le 8 novembre prochain, pour la présentation dudit rapport.  Au sujet de cette dernière activité, Ambroise écrivait dans un de ses mails en date du vendredi, 19 octobre à 12:18, ce qui suit « … la FKA propose de faire la présentation du Rapport le 8 novembre. Personnellement, je ne serais pas au Mali, donc il nous faudra organiser avec les autres collègues pour voir leur disponibilité et la faisabilité de cette activité. Je reste à l’écoute des uns et des autres cordialement » Que Dieu est grand !

Et Naffet lui, humoriste intraitable, envoyait, le 21 octobre, donc 24H avant le tragique accident, sur notre groupe Wash App « GOAPE » une histoire drôle « minute de détente » qui était relative à la condamnation à 40 ans d’emprisonnement d’un certain « Roger » et la relation bizarre qu’entretenait l’épouse de ce dernier et le juge en faveur de sa libération.

Naffet et Ambroise se sont connus d’abord à l’université où le premier était le professeur du second. Ensuite c’est sur le terrain de la recherche. Et depuis, ils ne se sont plus séparés.

Ils sont ensemble sur plusieurs projets de recherches, dont le dernier en date était ce qui nous a unis d’ailleurs, le groupe d’observation et d’analyse du processus électoral au Mali en abrégé GOAPE. Ce groupe pluridisciplinaire était constitué de l’éminent juriste et Professeur de droit, Mohamed Traoré, un autre juriste Mad siré Touré, l’expert électoral Issaga Kampo, le philosophe et l’anthropologue Dr Naffet Naffet, et son colistier chercheur Ambroise, votre humble serviteur journaliste communicant et le communicateur Sanibé Abel Koné. Il y a seulement un mois, nous avions discuté des perspectives pour le GOAPE où les deux acolytes devraient jouer un rôle capital dans son montage juridico institutionnel et son ancrage universitaire.

De nos relations

Avec Naffet, nos relations remontent, il y a dix huit (18) hivernages, alors que responsable du réseau des animateurs de l’action civique SOS Civisme Mali, nous organisions une conférence débat sur « Jeunesse et Engagement politique.» Dans un brainstorming sur le profil du conférencier, notre ami Labass Lamine Diallo nous souffle le nom d’un jeune Docteur Anthropologue et philosophe « brillant et disponible ». C’était Dr Naffet Kéïta. Approché par nos soins pour lui suggérer notre offre, ce fut avec enthousiasme qu’il a accueilli notre sollicitation. Et quand nous lui avons posé la question relative à ses honoraires pour le job. Sourire aux lèvres, accroc à son bâton de cigarette, il répond « vous ne pouvez pas me payer. Et je ne le fais pas pour l’argent. Vous avez besoin de mon expertise sur le sujet ? donc allons-y » Et c’était parti pour une longue et riche collaboration entre nous.

Naffet Kéïta je le considérais, par son patronyme comme un oncle par alliance du côté de ma maman qui était Soucko. Ce qui me donnait des droits de lui « gronder » sur les méfaits de la cigarette. Naff était un homme agréable, plein de vie. Intellectuellement prolixe et était ouvert aux débats. Comme il le disait lui même, « kèlèkôtè, c’est idée contre idée, argument contre argument » et il ajoutait que celui qui s’énerve dans un débat d’idées, c’est que ses arguments sont assez faibles ou que ce dernier est en cours simplement d’arguments. Bref Naff était simplement une éminence grise.

Ambroise que j’ai surnommé affectueusement « l’homme », nos contacts remontent véritablement à la préparation de la Conférence d’entente nationale (CEN). Il a été l’un des premiers à apprécier le plan stratégique de communication sur la CEN. Je le cite, « votre travail est d’une très belle facture. Cela prouve que votre groupe est le mieux doté d’experts vraiment professionnels dans votre domaine. Ceci étant, j’ai deux suggestions que je voudrais partager avec vous. Qu’il vous plaise de les apprécier. »

Impressionné, je l’appelle et lui dis ceci « je ne savais pas qu’un bwa était aussi intelligent comme un homme. » Nous avons tous éclaté de rires. Et il me répond « le bwa est l’homme ». Depuis je l’appelle « l’homme ». Peul, les bwa sont nos cousins à plaisanterie. « Nous les Peuls, Dieu nous a crées. Et à notre tour nous avons créé les bwa. C’est pourquoi ils ont intelligents »

C’est surtout au sein du Groupe d’observation et d’analyse du processus électoral (GOAPE) que nous nous sommes bien côtoyés, puis que j’étais son adjoint, en sa qualité de rapporteur général du Groupe. Ce fut une belle et enrichissante collaboration. C’était un laboratoire d’idées, avec une maîtrise de soi extraordinaire. «L’homme »  avait une très belle plume et parlait un mélange de français « ivoirien » et universitaire châtié. Comme Naff, Ambroise était toujours de bonne humeur que lui seul avait le secret. Et il me l’a dit, à Fana, le 22 septembre dernier, autour du déjeuner, « mon cher, la vie est trop bonne à vivre que de la vivre crisper voire malheureux… »

Comme nous l’avons signalé plus haut, nous avons eu l’immense plaisir de collaborer avec ces deux éminents chercheurs dans les commissions préparatoires de la Conférence d’Entente Nationale présidée par le Sage et Médiateur de la République Pr. Baba Ahkib Haïdara. Naffet et Ambroise et d’autres éminences étaient dans la commission scientifique chargée de produire les documents de travail de la Conférence pour les concertations, et enfin la rédaction de la Charte pour la paix et la réconciliation. Cette commission était présidée par Naffet Kéïta. Et nous, s’occupions de la Commission communication et des relations publiques, avec aussi des références comme Gaoussou Drabo, Cheickna Hamalla Diarra, Ramata Diaouré ou encore Abdoulaye dit Séga Diabaté ou madame Diallo Dédia Kattra,etc. Ce fut des moments de grandes discussions, de grands débats intellectuels souvent très houleux mais toujours emprunts de courtoisie.

Ambroise et Naffet étaient d’une simplicité et d’une humilité exemplaire. Mais ils avaient aussi un style direct et étaient courageux dans leur prise de position. Au GOAPE, Naffet travaillait sur “Les dynamiques communautaires, spatiales, les revendications extrapolitiques dans le cadre du processus électoral » et Ambroise sur « Les dynamiques des acteurs extérieurs et des partenaires »

Ils n’étaient jamais satisfaits de leurs productions tant que vous n’y apportez pas critiques, observations et suggestions. Personnellement nous avons beaucoup appris de leur expérience.

L’Alliance pour Refonder la Gouvernance en Afrique (ARGA-Mali) dont Ambroise y était le coordonnateur et la Faculté des Sciences Humaines et des Sciences de l’Éducation où Naffet était le vice doyen vont souffrir longtemps de l’absence de ces deux responsables. Pour notre part, nous constatons avec impuissance le décapitement de notre jeune groupe d’observation et d’analyse du processus électoral (GOAPE) qui avait pour ambition d’en faire une référence dans le domaine et un laboratoire d’idées et de productions intellectuelles sur les réformes politiques, électorales et institutionnelles. La disparition inattendue et prématurée de Naffet et de Ambroise sera durement ressentie dans le fonctionnement du GOAPE, puis qu’ils en étaient les pivots et les moteurs. Somme toute, en leur mémoire, avec les collègues et les partenaires nous devons redoubler de courage et d’initiatives pour faire revivre le groupe.

En cette douloureuse circonstance, nous présentons aux familles Kéïta et Dakouo et alliés nos condoléances les plus attristées et prions le Tout Puissant et le Très Miséricordieux Allah d’accueillir Naffet Kéïta et Ambroise Dakouo dans son Paradis éternel. Amin

Alfousseiny Sidibé

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