Hommage à IBK

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Je maudis cette maladie de Covid qui ne m’a pas permis d’être auprès de vous, pour partager notre douleur et vous accompagner pour porter en terre mon illustre ami et grand frère. Mes condoléances les plus attristées au peuple malien et à toute la famille.

 

Ina lillahi wa ina ileyhi rajioune

 

Ibrahim Boubacar Keita nous a quitté ce dimanche 16 janvier 2022. Il nous a précocement abandonné. Nous ressentons tous la gravité du moment avec l’immense perte que nous subissons.

 

Nous sommes dans une scène où une grande partie du soleil a disparu. Notre univers à nous, sa famille et ses amis, manquera d’âme dès que Dieu lui a retiré son dernier souffle. La perte d’une douce et fidèle amitié.

 

Nous continuerons à le pleurer. Par l’exemple qu’il nous laisse, nous continuerons à honorer sa mémoire. Et nous aurons toujours la satisfaction qu’il a bien vécu. Qu’il a réalisé pleinement ses propres objectifs. Et qu’il a eu la considération de son peuple et la consécration internationale de ses actions.

 

Même si nous savons que IBK s’est retiré du monde, il y a quelques temps déjà. Du monde des apparences. Il l’a fait volontairement. Scrutant de loin les événements, vivant et souffrant de la situation du Mali.

 

On oublie souvent que IBK a hérité d’un Mali en crise. Une crise profonde, complexe et multiforme, en proie à des fortes divisions. Un Pays abimé par des années de turbulences. Un Pays éclaté et un Etat défait.

 

L’histoire retiendra les grandes qualités de l’homme d’Etat. L’homme d’Esprit et de Cœur. Seront passagères, l’hystérisation du climat politique et les nombreuses polémiques nourries par des intérêts égoïstes qui ont entraînées le délitement général qui a été vécu les derniers mois de sa présidence.

 

« Les triomphes des démagogues sont passagers. Mais les ruines sont éternelles ». Peguy

 

Le Mali a perdu le plus fervent Patriote. « Le Mali chevillé au corps ». Très chatouilleux dès que l’honneur et la dignité du Mali est en cause. On se souvient de sa cinglante réponse à Hervé Ladsous. Et d’autres discours dans tous les forums et conférences.

 

Un homme de Paix et de consensus : Les accords de Paix, la main tendue à l’opposition, le gouvernement de large ouverture, les résolutions du DNI … un Président qui a toujours voulu faire appel à l’intelligence des hommes et regarder au-delà des imperfections de ceux-ci.

 

Un Président soucieux de l’image qu’il laissera particulièrement en matière de bonne Gouvernance. Il a veillé au libre exercice de toutes les libertés. Et respecter la démocratie, la vraie démocratie, qui est un nuancier de couleurs. Le Mali avec ses multiples partis politiques et organisations civiles en est la parfaite illustration.

 

« Ceux qui croient que le pouvoir est amusant, confondent pouvoir et abus de pouvoir ». Malraux

 

Convaincu qu’il ne peut réussir sa mission tout seul, il a toujours voulu une équipe, rajeunie, compétente et engagée. Les choix n’ont pas été, souvent, faciles, mais il les a toujours assumés .

 

De même il n’a jamais cru détenir tout seul la vérité. Il a toujours accepté ses erreurs et a su ou essayé, chaque fois, de se remettre en cause . C’est pourquoi, Il a eu de la compréhension et de l’indulgence pour ceux qui se trompent ou qui l’ont trompé. Parce ce qu’il savait que « c’est de la confiance que naît la trahison » et « Il y a des services si grands, qu’on ne peut les payer que par l’ingratitude ». A. Dumas

 

Les dérives et mêmes crimes de nombre de ces collaborateurs ou ministres ont défrayé la chronique. Mais qui a été poursuivi ? Qui a été embastillé ? Cela relève de sa bonté naturelle, qui n’est peut-être pas la meilleure qualité pour un Chef !

 

Tu nous a quitté. Et c’est le grand vide. Parce que tu as été notre vie.

 

Je n’aurai plus ces entretiens intimes au cours desquels nous avions longuement disserté ensemble sur nombre de sujets, littéraires surtout, politiques quelques fois. Je ne verrai plus ces yeux qui brillaient du feu de son esprit et de sa culture.

 

Mais on ne t’oubliera jamais. La paréidolie est là qui fait apparaître ton doux visage dans chaque nuage.

 

Tu as été un fervent croyant, qui a foi en Allah Soubhana wa Taalla. Tu t’es toujours remis, en tout, à Dieu et à sa Volonté. Sont bien connues ta piété, ton honnêteté, ta fidélité et ta loyauté et surtout ta générosité, malgré tous les soins que tu as mis à entourer celle-ci de discrétion.

 

Nous continuerons à prier pour que tu reposes en Paix et que Allah Soubhana wa taalla t’accueille en son Saint Paradis parmi les bienheureux. Amen

 

 

Tidiani Ben Al Houssein

 

Le 21 janvier 2021

 

 

« La vie de la plupart des hommes est un chemin mort et ne mène à rien. Mais d’autres savent dès l’enfance, qu’ils vont vers une mer inconnue. Déjà l’amertume du vent les étonne, déjà le goût du sel est sur leurs lèvres – jusqu’à ce que, la dernière dune franchie cette passion infinie les soufflète de sable  et d’écume. Il leur reste de s’y abîmer ou de revenir sur leurs pas ».

 

Ces mots sublimes en exergue au roman de la prédestination de François Mauriac «Les Chemins de la mer », que le Général DEGAULLE aimait souvent réciter et, je m’en souviens, qui t’ont ému jusqu’aux larmes lors de l’éloge funèbre prononcé ès qualité de Bâtonnier de l’Ordre des Avocats en ta présence constante ès qualité de Premier Ministre, à quelques encablures de ton domicile à Sébénicoro en hommage à ton ami et voisin l’illustre Bâtonnier Hamaciré DOURÉ, qui eût prédit que 25 ans après, je les aurais prononcés de nouveau, avec la même émotion, devant ton corps inerte, couché, là, au pied de ton peuple réuni, face à l’éternel !

 

Au moment où tu arrives au bout du chemin, car tu n’es pas de ceux qui reviennent sur leurs pas, je prends la parole pour dire tout simplement ce que tu fus pour tes amis toi qui aimais dire avec tant de fierté « nous fûmes » quand d’autres n’étaient pas encore !

Comment retracer un si long chemin et si complexe d’un destin exceptionnel ; ce n’est pas mon propos, l’éloge officiel s’en charge.

 

Je prends la parole aux noms de tes amis au premier rang desquels, ton fidèle ami d’enfance, Sékou FOFANA que le Seigneur, oh ! Signe du destin, fidélité jusque dans la mort, a rappelé à Lui 24 heures seulement après toi ! Allahou Akbar ! Allahou Akbar. KulluNafsindha’iqatu l’Mawt = Toute âme goûtera la mort – Ton ami Sékou goûtera la morten même temps que toi comme vous avez partagé vos repas ensemble pendant toute une vie jusqu’au dernier repas avant la mort, ainsi l’aura voulu le Tout Puissant comme pour signifier qu’il ne te laissera pas vivre la mort dans la solitude.

Je prends la parole au nom de tes amis, ceux qui sont déjà partis, Dr Ousmane DIARRA, Macky DIALLO, Boubacar Sada SY, Abdoulaye TRAORE n°2, Abdramane TOURE, Kadary BAMBA et qui demeurent à jamais, comme toi-même, dans nos pensées ; au nom de ceux qui sont encore vivants, le Professeur Aly Nouhoum DIALLO, Boubacar BÂ dit Bill, Toumani Djimé DIALLO et certains d’autres que j’oublie qui témoigneront de la constance de ton engagement militant plus d’un demi-siècle durant, de ton combat politique jamais interrompu dans la clandestinité d’abord, au sein du PMT, Parti Malien du Travail, ensuite à l’AESMF (Association des Étudiants et Stagiaires Malien en France) et à la FEANF(Fédération des Étudiants d’Afrique Noire en France) et au Comité de Défense des Libertés Démocratiques au Mali (CDLM).

Je parle au nom des Maliens au nombre incalculable qui ont accompagné et soutenu ton action politique, ton combat pour les libertés, pour l’avènement de la Démocratie, je parle au nom de tes camarades de l’Adema Association, Mme SY Kadiatou SOW, de tes camarades de l’ADEMA PASJ, hommage au Pr Dioncounda TRAORE, Ancien Président de la Transition, hommage au Président Alpha Oumar KONARE dont tu fus l’Ambassadeur ensuite le Conseiller Spécial, le Ministre des Affaires Étrangères et le Premier Ministre pendant 6 ans, au nom des nombreux camarades militants et amis que tu as réunis au sein du RPM (Rassemblement pour le Mali), ton ami l’Ambassadeur feu mon estimé grand frère Samba DAGA, le Ministre Bakary Konimba TRAORE dit Bakary Pionnier, Abdramane NIANG, Ancien Président de la Haute Cour de Justice, tous saluent et reconnaissent le combat de l’Homme, Patriote, démocrate et républicain jusque dans l’âme, un Homme d’Etat au parcours inégalé dans le service de l’Etat.

Tous saluent ton amour pour le Mali, cette terre que tu as labourée de tes semelles de Djidjéni à Tenzawaten au seul bénéfice de l’Homme malien alors que tu dirigeais l’ONG Terre des Hommes France.

Je prends la parole pour la dernière fois devant vous Monsieur le Président au nom de tous ces jeunes dont vous avez fait la promotion uniquement en raison de leur talent, de leur mérite personnel, ceux que vous avez portés aux plus hautes responsabilités de l’Etat uniquement en raison de leur compétence, les ministres Me Mamadou Gaoussou DIARRA, Me Baber GANO, Mr Amadou KOÏTA, le Premier Ministre Dr Boubou CISSE ; et combien d’autres encore parce que tu aimais sincèrement la Jeunesse intelligente, tu célébrais l’excellence autant que tu abhorrais la médiocrité et détestais la vulgarité.

Je parle au nom de l’Armée, notre Armée, Officiers, Sous-Officiers, Hommes de rangs dont tu fus un temps, le Chef Suprême et que tu mettais au-dessus de tout. En rendant au Peuple par leur intermédiaire ce 18 Août 2020le Pouvoir que celui-ci t’avait confié,  tu as demandé pardon au Peuple et je veux témoigner ici, de ce que j’ai retenu de notre dernier dialogue crépusculaire il y a tout juste quelques semaines, que tu as pardonné tout et à tous.

Je transcrirais peut-être un jour, comme l’a fait André Malraux dans « les Chênes qui on abat » de ses derniers entretiens avec le Général DEGAULLE, ce dialogue crépusculaire qui dura de 17 heures à 22 heures malgré la fatigue de la maladie, à l’issue duquel tu m’as offert le magnifique ouvrage de Jean Bernard de l’Académie Française « Le sang des Poètes ».

Je saisis aujourd’hui le symbole, car pour l’homme de culture, pour le grand humaniste, tout est symbole. Le Baobab qui se couche, comme les chênes qu’ont bat, fait un farouche bruit dans le crépuscule.

Prenant la parole pour la dernière fois devant toi mon très cher grand frère, toi qui préférais que je t’appelle Koro plutôt que Monsieur le Président, et qui préférais également Dogo à Monsieur le Ministre, en ce moment de vérité absolue, où nulle malice ne vaut, où nul ne peut intercéder pour l’autre, je témoigne devant le Peuple malien et devant Dieu, que tu étais un homme bon, un homme juste, un homme honnête fidèle et loyal en amitié ; que tu aimais l’Homme non pas pour sa position, non pas pour son rang, mais pour l’universalité du sang qui nous lie, riches ou pauvres. Koro, tu aimais les Gens, tu aimais rendre service aux plus humbles, au plus démunis dans la discrétion et l’anonymat qui caractérisent les Grands Seigneurs.

Prince du Mandé, tu aimais le Mali et les maliens que tu as toujours voulu unis et rassemblés. Je sais que, comme le Président Mitterrand, tu crois aux forces de l’Esprit et que tu ne nous quittes pas. De là où tu es, où tu seras pour l’Éternité, puisse ton esprit inspirer aux maliens un nouveau souffle de vie meilleure, de réconciliation des cœurs et de renaissance des esprits.

Paix sur toi et Paix sur le Mali car je sais que tu ne seras jamais en Paix tant que le Mali ne sera pas en Paix !

 

Adieu Koro

 

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