Histoire politique : Pour Convaincre

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D’emblée nous tenons à vous informer que de la même manière que nous avions  publié la photo de Dramane  Coulibaly, dans le souci d’être équitable dans le traitement de ce dossier Sakoïba, on aurait souhaité  avoir la photo de Monsieur Youssouf Diarra un des rares rescapés de l’affaire de Sakoïba. Le vieux nous a déclaré : «  J’ai 85 ans, je n’ai jamais fait une photo. Je n’ai jamais fait une carte d’identité. Je suis prêt à parler, à communiquer, mais je n’accepterai jamais qu’on me prenne en photo, puisque je ne l’ai jamais fait et je ne le ferai pas. » Nous respectons les principes de notre interlocuteur.

Qu’est ce qu’on a fait  à Sakoïba ?
 
« Je ne sais plus encore  ni l’année ni le jour des faits. Mais un jour, nous étions chez mon père, Toukané Diarra. Etait aussi présent Tiaby Coulibaly  (NDLR celui qui a été exécuté). En réalité, nous rencontrons fréquemment chez nous puisque beaucoup de choses nous unissaient. Nous étions tous membres de l’association de Moussa Diarra ( NDLR le fondateur du « bamanan ton » proche du PSP.) Ce jour là, un habitant de Sakoïba filala s’est présenté à nous. Il nous a fait savoir qu’il avait été délégué par ses aînés   pour informer Tiaby Coulibaly de la présence des policiers prêts à procéder à des arrestations dans  leur village. C’est ainsi que Tiaby m’a demandé de l’accompagner chez le Procureur, un  blanc. J’ai dit à Tiaby de m’accorder juste le temps de prier puisqu’il était environ 14heures. Avant que je ne termine mes prières Tiaby est allé voir le Procureur. Ils ont allés ensemble à Sakoïba filala. A leur arrivée on pouvait voir des policiers armés de fusils, de grenades et des populations armées de bâtons et de gourdins. Le Procureur a demandé au commissaire Yéli Doucouré qui conduisait les opérations ce qu’il était venu faire dans le village. Après avoir hésité, le commissaire Yéli a dit qu’ils étaient ici avec ses hommes pour une réunion. Le Procureur lui a   dit, cependant qu’il le tient pour responsable de tout ce qui se passerait dans le village à l’issue de sa fameuse réunion. Ayant compris ce que le commissaire venait de lui dire Yéli, le commissaire a fait un repli avec ses hommes. De retour à Ségou, Tiaby Coulibaly a accompagné d’abord le Procureur chez lui avant de regagner son domicile. C’est en allant chez lui qu’il a été arrêté par les policiers. Qui l’accusaient d’incitation à la violence et à la rébellion. Dans la même logique ils ont arrêtés mon père Toukané Diarra au motif que sa maison servait de lieu pour la tenue des réunions du PSP, le parti rival du RDA. Quand on nous informé de l’arrestation de notre père à notre retour du champ, mon frère  Almamy et moi, nous nous sommes rendus à la prison civile de Ségou pour en savoir. Nous avons été tous les deux arrêtés et emprisonnés. Tiaby était isolé dans sa cellule. Ils ont procédé à l’arrestation et à l’incarcération de plus de quatre vingt personnes, au seul motif qu’ils ont milité dans un « parti dissout » le PSP. Quand on dit que les gens du RDA étaient à Sakoïba pour récompenser les meilleurs producteurs de coton, cela est vraiment loin de la vérité. Les trois affaires à savoir l’affaire  Badji Diarra, l’affaire Abdoul Wahab et l’affaire de Sakoïba sont dues uniquement au harcèlement politique du RDA contre le PSP. D’ailleurs notre domicile a été perquisitionnée pour enlever d’éventuelles cartes de membres du parti ou les procès verbaux de notre association appelée IDS  dirigée par Moussa Diarra. Ils n’ont rien trouvé. La partie de Sakoïba proche du RDA dénonçait le moindre mouvement des habitants  de Sakoïba filala proche du PSP. Des arrestations arbitraires étaient fréquemment effectuées. C’est ainsi qu’un jour Tiétémalo et son cousin N’Dontou ont reçu une nouvelle convocation. Cette fois ci, ils ont refusé d’obtempérer. Pour cela ils sont allés en exode à Bamako pendant trois ans.  A leur retour ils ont été dénoncés. C’est ainsi que Yéli est venu d’abord dès l’aube  avec des policiers. Dans le village de Sakoïba filala personne n’a voulu montrer Tiétémalo.  Le commissaire a commencé a jeté des   grenades lacrymogènes dans la cour de Tiétémalo. Femmes et enfants avaient pratiquement perdu connaissance. C’est pourquoi Tiétémalo a décidé de finir définitivement avec ce problème. Armé Tiétémalo a tiré sur les policiers et le commissaire est mort sur le coup.  Dans vos colonnes du journal il a été relaté que Tiétémalo a été  battu au marché de Ségou « Ségou N’tènin »  par des femmes du marché. Cela est ridicule. D’ailleurs les gens du marché avaient de la compassion pour lui.  Ce sont les militants mécontents du RDA qui se sont rendus justice. Parmi les instigateurs figuraient des hauts responsables du RDA comme son secrétaire général Dramane Coulibaly, Bassalif Tall, Dramane Doumbia, Badié Keïta, Zanké Coulibaly  et bien d’autres. Les accusations formulées  contre nous n’avaient aucun fondement. D’ailleurs l’avocat français qui nous défendait a dit de manière forte : « Ils ne veulent pas la vérité, ils veulent vos têtes. Dire la vérité compliquera votre  position ». Dans le  dossier qui avait constitué pour notre accusation, il y ‘  avait beaucoup de vices  de formes. Entre la date du mandat de dépôt et celui du jugement six long mois se sont écoulés. Nous avons signifié  ses insuffisances du dossier au commandant Magna Diarra qui était l’administrateur du cercle, un ressortissant de Tiby près de Dioro. Pendant tout ce temps on n’admettait pas les repas offerts par nos familles et on devait  se nourrir de ce qu’ils nous proposaient dont la qualité est indescriptible. Après notre jugement, J’ai été condamné à dix huit mois d’emprisonnement. Certains ont écopé la même peine et d’autres ont été acquittés. Quant à Tiaby, il a été condamné à la peine capitale. Ce qu’il faut retenir, c’est que ;  quand on rasait le village de Sakoïba filala le chef de village Binasséré, le père de Tiétémalo était déjà en détention au nord. A sa libération par le CMLN, il a vu le tombeau de Yéli, le commissaire. Il n’a pu s’empêcher de pleurer et quand on lui demandé ce qu’il voulait il a dit : «  Il dit je ne veux ni  or, ni argent mais qu’on rase le tombeau même s’il ne renferme plus de corps. C’est ma récompense. Ces gens nous ont trop fatigués ». Maintenant pour vous parler le jour de l’exécution de Tiaby, tôt le matin entre 4 heures et 5 heures du matin le bruit des portes réveilla, nous tous,  prisonniers.  Et ce bruit ne présageait rien de bon. Tiaby  Coulibaly amaigri par de longs mois de détention, était en haillon et on l’a amené au peloton d’exécution. Il avait les yeux bandés et l’on amené vers Sécoura. Pour sa dernière volonté, voilà exactement ce qu’il a dit « Détachez moi, je ne vais jamais fuir. C’est lâche de fuir. Permettez-moi d’adresser deux rakats à Allah ». Ils ont accepté cela et après ils l’ont fusillé. C’est à travers les  colonnes  de SANIYA infos que nous avons appris que Tiaby a confié son fils et sa famille à Zanké Coulibaly sur le lieu de son exécution. Nous apportons un démenti à cette déclaration aussi. Certes ! Tiaby a confié son enfant et sa famille à Zanké Coulibaly mais c’était lors d’une des visites de ce dernier à la maison d’arrêt. Ce jour il a dit : «  Zanké mon frère, toi-même tu sais la position dans laquelle je me trouve. Je suis innocent, tu le sais très bien.  Je ne suis pas un politicien. Je n’ai poussé personne, je n’ai fait révolter personne. Ce qui m’arrive, je m’en remets à Dieu.  Je te prie donc de veiller sur mon fils et sur ma famille ». Ce jour là, prisonniers chacun de nous était mal à l’aise même Zanké  a ressenti un choc. 

Mes impressions par rapport à cette situation sont claires. Nous avons été accusés et harcelés sans fondement. Ils nous ont dépouillés. Ce fut un comportement sanguinaire. Il ya des révélations que nous n’allons pas nous permettre de faire mais Dieu a tout vu. Grâce à Dieu nous vivons mieux que ceux qui nous ont fait du mal».
Propos recueillis par KMBB.

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