La classe politique est totalement compartimentée et classée en patriotes, apatrides ou aigris selon que l’on soutienne ou non la majorité présidentielle. La motion de censure présentée par l’opposition démocratique a été le signe révélateur d’un tel comportement chez les tenants du pouvoir chez lesquels une vision réductrice de la nation tient lieu de discours de réconciliation.
A titre d’exemple, quel Malien ne s’est pas senti mal à l’aise, voire offensé en lisant dès les premiers mois de son accession au pouvoir et dans un journal de la place, que l’ancien Premier ministre Oumar Tatam Ly qui venait de donner sa démission n’était « Malien que sur papier » ? Un hymne à l’intolérance, une dérive du genre « ivoirité ».
Même le passé glorieux du père de ce dernier dans la lutte pour la démocratie dans notre pays connu par tous ceux qui ont participé à ce combat pour le Mali, n’a pas pu amener à la retenue les hargneux défenseurs du régime.
Or, l’une des promesses du « Mouvement démocratique » de 1991, était de garder vivante dans ce pays la mémoire de celles et de ceux qui sont morts pour la démocratie qui nous a tant donné. Parce que les vrais patriotes de ce pays savent que plus que les triomphes ce sont les deuils qui ressoudent la nation malienne…
Quel crime le Premier ministre Oumar Tatam Ly avait commis sinon que de dénoncer avant date, les errements que nous subissons aujourd’hui ? Mais la violence verbale s’est installée dans le style de la gouvernance en cours. Au-delà, elle imprime sa marque dans la vie politique ainsi que dans la société dans son ensemble.
Deuxième exemple, un ministre en charge d’un département de souveraineté précisément celui de la justice, a pu à son aise calomnier des honnêtes citoyens, exiger la mise en prison de citoyens ou leur suspension d’un mandat électif sans autres formes de procès.
Dans un monde où l’efficacité du système judiciaire est un des éléments de concorde et de paix sociale, de compétitivité d’une nation, on se demander comment les citoyens peuvent se trouver en sûreté dans un tel contexte et comment des investisseurs peuvent prendre le risque de venir dans un pays où le ministre de la justice tient à longueur de journée des meetings contre les magistrats.
La jeunesse malienne qui, au lendemain des élections présidentielles de 2013, pouvait presque toucher avec les mains l’espoir d’un Mali uni et réconcilié, démocratique, prospère et de travail, n’a plus que ses yeux pour pleurer. Toutes les nominations de jeunes ont un lien avec l’appartenance à la famille ou, du clan du Président. L’octroi des marchés publics suit les mêmes sillons sociaux.
Les germes de la corruption
La lutte contre la corruption promise dans la campagne est par moment devenue une stratégie d’intimidation des adversaires politiques avant d’être remisée dans les tiroirs. La fonction d’opération cosmétique de celle-ci vis-à-vis de l’extérieur qu’on a voulu lui imprimer ayant disparue faute de crédibilité auprès de nos partenaires après les scandales de l’avion présidentiel et les surfacturations sur les équipements militaires. Jamais la gouvernance financière du Mali n’a été aussi opaque.
Il semble que les germes de la corruption se trouvent dans le mode de fonctionnement de l’administration présidentielle actuelle.
L’utilisation abusive de l’article 8 du code des marchés publics témoignait de la volonté d’enrichissement personnel de certains acteurs-clé du régime.
Le regard de l’extérieur sur un pays conditionne les investissements et les possibilités de soutien de toutes sortes. Le Mali sous IBK pour le moment n’offre comme image à nos partenaires que les scandales financiers et les ordures domestiques. Ce qui impacte lourdement les capacités de mobilisation de fonds pour le pays.
Le résultat de cette façon de gérer notre pays conduit à une grave menace sur l’ensemble national. Notre sécurité collective n’a jamais été aussi hypothéquée.
Le sentiment d’abandon chez une partie des populations du pays va en grandissant, le Président Ibrahim Boubacar Keita a quitté Bamako le 20 janvier 2015 date symbole pour notre armée s’il en fut, pour une visite à l’étranger en fait en France pour une marche de soutien à la liberté d’expression dit-on.
Le 26 Janvier, on tire sur un Officier Général en plein Bamako, tentative d’assassinat ciblée, le 27 janvier la ville de Gao s’enflamme au cours d’une marche de protestation, le président, imperturbable continue son séjour à l’extérieur. Celui qui a publiquement dit qu’il n’a pas peur d’affronter le peuple malien confirme son optique ne jamais rendre compte, ne jamais compatir tout ceci n’est que faiblesse.
Ce qui est caractéristique de la Présidence actuelle c’est aussi, son incapacité à la compassion avec les Maliens quand ils sont victimes de la nature ou des groupes armés et terroristes. Par exemple à peine élu, il eût des inondations à Bamako. Devant ce sinistre, le président a préféré faire le tour des chefs d’Etat qui ont financé sa campagne que de rendre visite aux sinistrés des inondations. Des voix s’étaient élevées à l’époque pour attirer son attention ce fut peine perdue. Il eût les noyades de Mopti avec plus de 80 victimes ; les incendies des marchés de Bamako.
La douleur et la détresse de ses compatriotes
Le mouvement informel « Je suis Nampala » lui reproche les mêmes faits, depuis les attaques de Nampala, Djouara et Tenenkou, Douékéré, Goundam etc., le président n’a pas pu compatir à la douleur et à la détresse de ses compatriotes.
Qu’est ce qui explique ce manque de compassion d’un président devant la détresse de son peuple ? Nul ne sait, mais le constat est que, de toute l’histoire politique du Mali indépendant aucun président n’a été aussi distant en si peu de temps de son peuple.
Faut-il le rappeler, plus que les triomphes personnels ou collectifs, ce sont les deuils qui ont ressoudé cette nation.
Il nous souvient l’événement tragique de la mort, le 23 septembre 2006, des jeunes du « Mouvement citoyen », lorsque tous réunis au stade Mamadou Konaté des membres du RPM et nous même, nous tenant par les mains, avions toutes les difficultés du monde à cacher les larmes qui coulaient sur nos joues.
Il en fut de même pour la mort accidentelle le 30 septembre 2006, des lycéens de retour de vacances de Gao. Dans ces deux cas, l’Etat avait su organiser l’émotion du peuple au bénéfice de l’unité nationale.
L’organisation d’un deuil national pour des circonstances comme Nampala, jusqu’à Gao, nous aurait permis de faire partager la douleur à l’ensemble du pays ; en même temps qu’elle nous aurait permis de tirer des épreuves un renforcement de l’unité nationale qui se délite de jour en jour depuis la crise institutionnelle et sécuritaire.
Si le Président IBK a pu aller aider la France à le faire chez elle qu’est ce que l’empêcher de le faire au Mali ? Mystère et boule de gomme !
La sécurité du Mali, sous traitée
Aujourd’hui les calculs politiciens, nous mènent à la dérive. Ils ont permis de renforcer la rébellion touareg et crée les conditions favorable à une partition de fait du pays.
La visite inopportune et mal avisée de Moussa Mara à Kidal ressemblant à tout point de vue à une campagne militaire n’a semé que la mort et la désolation dans les familles.
Elle a livré à la mort des soldats mal préparés et autres agents de l’Etat sans défense semant la douleur sur toute l’étendue du territoire national. Il en est résulté une absence totale de l’Etat à Kidal et reflux de l’Administration malienne dans toutes les régions du nord.
Le Mali a perdu tous ses acquis administratif, politiques et militaires dans les régions du Nord à la phase des négociations que tout le monde prévoyait cruciales et déterminantes pour notre avenir commun.
Aucun hommage national n’a été rendu aux victimes, pire elle a condamnée à l’errance ou, au cantonnement sur son propre territoire notre armée.
L’armée malienne est abandonnée par le pouvoir politique, laissée à l’errance sur le territoire national, démoralisée et contrainte au cantonnement sur son propre territoire.
La sécurité du Mali est sous-traitée à des échelons divers dont le plus visible semble être celui tenu par des groupes armés d’autodéfense.
Pire enfin les ressources de l’Armée ont servi à enrichir des cercles mafieux sans qu’aucune sanction crédible ne soit en vue.
Pendant ce temps le Président et son gouvernement ont de l’aversion pour toute idée de débat national en vue de renforcer la cohésion nationale avant que d’aller négocier avec les groupes qu’ils ont contribué à consolider par leurs maladresses ou leurs calculs politiques. Et pourtant un débat national aurait eu la vertu de donner aux négociateurs du Gouvernement plus de poids, de légitimité et même de certitudes d’avoir un consensus national minimal, pour la défense de certains points qui feront l’objet des discussions.
Revanche sur les adversaires
C’est un gouvernement affaibli, acculé à l’intérieur comme à l’extérieur qui quitte Bamako pour les négociations qui engagent l’unité de la nation.
Devant ce tableau angoissant pour plus d’un Malien, plutôt que de poser les véritables jalons d’une réconciliation nationale, le président Ibrahim Boubacar Keita s’enferme dans une quête effrénée de revanche sur ses adversaires politiques.
Faute d’autres capacités, le pouvoir s’épuise dans des arguments périphériques dans lesquels aucune question sérieuse et de fond n’est évidemment abordée. Plutôt que de répondre à des arguments politiques avancés par des partis politiques de l’opposition, le pouvoir a toujours préféré de s’engluer dans les invectives, les attaques personnelles et autres menaces.
Notre pays est dans une situation de déprime pendant le Président IKB et son pouvoir tournent à vide.
C’est dans le tableau que voici, va évoluer le nouveau Premier ministre Modibo Keita.
Au duo Keita, On pourrait utilement rappeler ce conseil de l’auteur : « L’histoire flétrit la mémoire des princes qui ont fait le malheur de leur sujet et la ruine de leur Etat ».
Souleymane Tièfolo KONE
Ancien Ambassadeur