1970 -2016, la Francophonie institutionnelle a quarante-six ans, un âge rapproché de la sagesse au sens d’une certaine culture africaine : sept fois sept égale quarante-neuf. Que de chemin parcouru. Chargé d’histoire et d’histoires, polysémique, le terme francophonie se prête à des interpellations multiples et souvent contradictoires.
Il est courant de constater que certains confondent la Francophonie en tant qu’organisation internationale et un seul de ses membres, en l’occurrence la France , fut-elle la plus influente et la matrice sans laquelle, il n’y a tout simplement pas de francophonie. Ceux-là et celles-là, déversent sur la Francophonie, toute la rancœur et toutes les rancunes, ils/elles nourrissent, à tort ou à raison, à l’endroit de la France, sur une institution, à la construction de laquelle, leur pays aura contribué dès les premières lueurs de son existence.
Si cette confusion advient par ignorance de la Francophonie, cela peut se comprendre. Mais si c’est d’une posture politique ou diplomatique qu’il s’agit, cela requiert une réponse politique et diplomatique. Mais avant, comprenons-nous bien. La Francophonie n’est réductible ni à la francophilie, ni à la francophobie.
La Francophilie est l’amour de la France. Qu’ils ont raison ceux et celles qui aiment la France comme ceux et celles qui aime Kiribati et les Iles Salmon. Avant tout, la France est belle, agréable même. Paris attire même celles et ceux qui haïssent la France. Qui n’a pas un jour aimé ou rêvé à Paris avec ses Avenues, ses Cafés, ses Librairies, ses Bibliothèques, ses Discothèques, ses Hôtels de luxe sans luxure, ses grands magasins, ses Galeries d’Art, ses Palais et ses Monuments historiques. Donc ceux qui aiment la France et Paris ont sans doute quelques raisons de la faire.
Mais quelle que belle que soit la France, elle ne saurait épuiser le sens de la Francophonie en tant organisation internationale. Donc la Francophonie n‘est pas réductible à la France, bien au contraire, la Francophonie ressemble à un enfant putatif de la France, disons d’une certaine France.
On peut donc aimer la France sans aimer nécessairement la Francophonie. De même, on doit pouvoir haïr la France sans haïr la Francophonie. Ceux et qui haïssent la France en raison de son arrogance, de sa posture d’ancienne puissance coloniale comme si le temps s’arrêtait à cette période, de son attitude envers celles et ceux qui usent et abusent de sa langue, ceux-là et celles-là, doivent faire l’effort de ne pas confondre une organisation internationale issue d’un Traité en bonne et due forme et un pays, même si ce pays est l’un des plus puissants membres.
Mais si quarante-six ans après sa création, l’Organisation internationale de la Francophonie se confond, soit avec la francophilie, soit avec la Francophobie, elle doit se poser des questions et se repositionner en conséquence.
En effet, au cours d’une conférence donnée à l’occasion de la célébration de la Journée internationale Francophonie à Bamako et rapportée par la presse, certains participants ont souligné que « l’atteinte des objectifs de l’Organisation internationale de laFrancophonie signifierait la fin des langues nationales ». Cette déclaration est contraire à la vérité si l’on sait que la Francophonie sous l’impulsion d’un grand professeur Malien, Ahmadou Touré avait mis en route, entre autre projets, « la Dynamique des Langues » qui aida le Mali, sans doute avec d’autres partenaires, à mettre en place les alphabets de plusieurs langues nationales du Mali. Rappelons-nous les projets « MAPE » (manding-peul), « Kel Tamasheq », « Soninké ».
Non mesdames et messieurs les participants à la conférence de Bamako, la francophonie n’est pas antithétique des langues nationales, bien au contraire. Rassurez-vous chers concitoyens des grands soldats des langues nationales du Mali, ont compris cela et sont des personnes ressources et des dirigeants de la Francophonie : Professeur Ahmadou Touré, Monsieur Adama Samassékou, Amidou Maiga, Bréhima Doumbia et Monsieur Adama Ouane, aujourd’hui, Administrateur de l’Organisation Internationale de la Francophonie.
Il est vrai cependant, qu’au-delà de l’expression de ce nationalisme linguistique dont cette déclaration est la plus emblématique, la Francophonie doit se poser des questions sur son option politique et son ancrage en France.
Doit- elle et peut-elle continuer à d’élargir sans s’approfondir ? Comment s’élargir sans s’évanouir et émasculer son identité ? Pour être politique et économique, la Francophonie ne doit- elle pas existée d’abord ? Mais comment exister si en France, un bachelier ne peut pas citer trois auteurs francophones qu’ils soient d’Afrique ou d’ailleurs ? On ne saurait faire économie d’un tel débat.
Moussa Makan Camara, Ancien fonctionnaire de l’Organisation internationale de la Francophonie