La laïcité est une des ces notions banales du droit qui, avant de se définir, participent d’un sentiment : sentiment, ici, que dans une république il ne faut assigner à la règle de droit que des fins politico-sociales et considérer les croyances religieuses comme indifférentes à l’obtention des buts sociaux. Cette négation tranquille de toute considération religieuse ignore que l’homme est un animal religieux et à ce titre appelle alors correction.
Peut-on continuer à prôner les devoirs de justice et de charité envers le prochain et ignorer l’inspiration religieuse de ces préceptes moraux transformés en règles juridiques ?
1- En donnant la première place aux forces religieuses et morales dans la création du droit, je songe à leur influence ancienne, bien plus qu’à l’actuelle. « Notre époque, a dit Nietzche, se nourrit et vit de la moralité des temps passés ». C’était une critique, mais il était bien obligé de reconnaitre que dans les premières sociétés humaines les normes qui régissaient les rapports des hommes étaient de caractère religieux et il admettait un maintien de leur force. Toute religion impose une morale. Celle du christianisme a coloré le droit Romain, puis donné à l’Europe, plus tard à l’Amérique, des règles qui ont été incorporées à la législation civile. De là vient la parenté des institutions dans les pays de même religion. Mais, pour ne pas parler de Christianisme, on dit que ces peuples ont une civilisation commune, sans vouloir reconnaitre que cette civilisation n’est commune que par l’inspiration de la morale Chrétienne. La morale traditionnelle, si elle veut être conservée dans les règles, doit se laver de son péché originel, car le droit moderne ne veut rien devoir à l’idée religieuse. La laïcisation des règles est chose acquise et elle exige d’être absolue.
2- Les constituants Maliens de 1992 ont eu la singulière idée d’en faire un principe constitutionnel. La constitution du 25 février 1992 déclare dans son préambule et dispose article 25 : « Le Mali est une République indépendante, souveraine, indivisible, démocratique, laïque et sociale », cet article est la reproduction exacte de l’article 1er de la constitution française du 27 octobre 1947. Plus loin l’article 118 de la constitution du 25 février 1992 dispose : « La forme républicaine et la laïcité de l’Etat ainsi que le multipartisme ne peuvent faire l’objet de révision ».
Cette laïcité insérée entre une indivisibilité écornée et une démocratie sociale qui en a de fort indécis est donc un acquis irréversible dans notre pays. En lui rendant les honneurs constitutionnels, les uns affirment le caractère définitif d’une conquête menée ailleurs, les autres se résignent à un sacrifice déjà accompli. Le sens de cette laïcité n’est pas à la vérité facile à discerner, car en s’en tenant seulement à son influence dans la création du droit, la laïcité en a plusieurs.
3- L’accord est fait sur le premier. Le principe de laïcité signifie que les règles religieuses n’ont aucune valeur civile et que le bras séculier n’intervient pas pour assurer leur observation. ‘L’Eglise’ et la ‘Moquée’ sont des groupements d’hommes qui sont régis par des Codes. Ces règles, l’Etat ne les connait pas. Il ne peut même pas leur accorder l’empire qu’il accorde à des lois étrangères, car ce sont des règles d’une société qu’il veut ignorer.
Mais une telle analyse se révèle à l’usage peu satisfaisante. Abstraite, donc sans aucun rapport avec la réalité, elle n’englobe pas l’infinie variété des circonstances susceptibles d’influencer le législateur.
Le principe de laïcité a un autre sens et plus profond. Il signifie qu’il est nécessaire d’éliminer toute influence de la religion dans la création des règles. L’Eglise et la Mosquée représentent une force sociale puissante par le nombre des fidèles, la solidité de ces groupements, l’autorité des chefs, la fixité de la doctrine, la facilité de la propagande. Il suffit par conséquent que la règle de morale religieuse puisse revêtir la forme juridique pour que la force de la croyance religieuse tende à l’imposer à tous. Cette force parait à l’esprit laïc tellement inquiétant qu’il importe de l’annihiler, sans même en considérer la bienfaisance possible. D’où une opposition de principe qui a fini par créer une idéologie qui tend à réduire la religion à une croyance personnelle sans vertu sociale.
4-Les cultes existent et le donné réel ne disparait pas par la seule volonté du législateur. Est-il possible de ne pas reconnaitre l’existence d’un culte quand dans chaque village du pays l’église et la mosquée rassemblent tant les fidèles sous l’autorité d’un chef et où tant d’œuvres sont vivifiées par la foi. Il n’est pas facile d’être laïque dans un pays où les religions chrétienne et musulmane ont bâti leurs chapelles, où la majorité des hommes sont baptisés, mariés, ensévelis avec les prières des différentes religions. Le culte n’est peut être plus pour beaucoup d’entre eux qu’une pratique traditionnelle, mais les règles ne sauraient faire abstraction des coutumes qui dirigent encore la vie quotidienne.
5- Le principe de laïcité inspire une politique juridique qui combat la force religieuse. « La laïcité doit s’inscrire dans les limites du bon sens » écrit M. Rivero.Le bon sens est la chose qui s’obscurcit le plus vite quand la passion entre en jeu. Est-il conforme au bon sens que dans l’une des plus grandes démocratie laïque comme celle des Etats unis le président de la République prête serment sur la Bible, que devant les juridictions les justiciables font de même , mieux encore la monnaie , symbole de souveraineté nationale est estampillée de la mention : « In God We trust » que l’on peut traduire de l’anglais par « En Dieu nous croyons »[][ ]ou « En Dieu seul nous mettons notre confiance ») c’est aussi la devise nationale officielle des États-Unis depuis son adoption par une loi votée par le Congrès en 1956. « E Pluribus Unum » (en latin : « De plusieurs, un ») qui était jusqu’alors la devise de facto et qui apparait sur le Grand sceau des États-Unis d’Amérique.
Dans The Star-Spangled Banner, écrit en 1814 par Francis Scott Key, mais qui n’a été adopté comme hymne officiel qu’en 1931, le dernier vers dit : « And this be our motto: “In God is our trust” » (« Et ceci sera notre devise : “En Dieu seul nous mettons notre confiance” »).
Il semble que la montée du sentiment religieux, qui aboutit au choix d’une telle devise, prenne son origine dans le traumatisme de la Guerre de Sécession. C’est à cette époque que Salmon P. Chase, secrétaire du Trésor, a reçu un grand nombre de lettres de personnes très pieuses réclamant que le nom de Dieu figure sur les monnaies de l’Union. Il écrit à son tour en 1861 à James Pollock, directeur du United States Mint à Philadelphie (qui frappe les monnaies), pour lui demander de trouver une devise pieuse à apposer aux pièces de monnaie américaines :
« Dear Sir: No nation can be strong except in the strength of God, or safe except in His defense. The trust of our people in God should be declared on our national coins »
« Cher Monsieur : Aucune nation ne peut être forte hormis dans la force de Dieu, ni sûre sauf en Sa protection. La confiance absolue en Dieu de nos concitoyens devrait être déclarée sur nos pièces nationales. »
Les États-Unis ne sont pas le seul pays à mentionner Dieu dans un tel contexte. « God zij met ons » (« Dieu soit avec nous ») est une des devises des Pays-Bas.
Il est évident que la laïcité n’est plus entendue, au sens où elle a été à des époques de lutte politique, comme la considération de la victoire de l’Etat dans une querelle avec les chapelles pour la direction des hommes. C’est « l’opium du peuple » a dit Karl Max dans une formule restée célèbre.
6-La grande préoccupation des juristes est de savoir si la légalité dite républicaine peut s’accommoder des mesures relatives à des faits de nature religieuse.La jurisprudence relative aux processions et aux convois funèbres est fondée sur la nécessité de l’ordre public, mais, par ce détour, elle fait état de la tradition du respect dû aux morts. Je pense profondément que les chapelles ne sauraient se désintéresser de l’élaboration de la législation civile puisque des règles de droit qui seraient contraires à la morale religieuse mettraient les fidèles dans une situation impossible à tenir. D’où une résistance à toute réforme qui ferait échapper l’homme à la morale qu’elle enseigne. Ailleurs comme ici les exemples foisonnent, le refus du mariage homosexuel, la monogamie, la limitation du nombre des épouses dans le régime polygamique etc. ; toutes ces positions sont mues par des raisons morales d’essence religieuse.
7-Le Mali a mis en place un département chargé des affaires religieuses et du culte. Cette création a suscité une appréhension ; Certains de nos compatriotes s’en affligent car dans l’imaginaire populaire nourrie des éléments contextuels, il ne s’agit que d’un ministère de l’Islam destiné à satisfaire les Salafistes. Cette vision est étriquée et une autre lecture de la situation est possible.
Dans les journaux, les causeries, les sermons, la classe politique est dénoncée avec une violence verbale étonnante. L’échec des politiques dans la mise en œuvre de l`impartialité de l`état, de l`égalité des chances, de la protection des plus faibles de la justice sociale, expliquent en partie l’occupation spectaculaire de la place publique par la religion ; cela ne nous permet pas d’écarter une certaine appréhension, on se plait à rappeler les excès de son intransigeance qui sont réels , sur certains points d’ailleurs il n’ y a pas d’accord entre les différentes confessions et le pouvoir civil joue habilement de ce désaccord.Cependant, le nouveau département peut être un formidable outil de régulation pour ne pas par peur de l’intégrisme religieux glisser dans l’intégrisme de la laïcité. J’étends par intégrisme de la laïcité, celle qui tire la laïcité vers sa racine exclusive du fait religieux. L’intégrisme quelle que soit sa forme est par essence totalitaire et liberticide.
8-Il est possible de tomber d’accord sur l’utilité de certaines créations , mais on ne fera pas disparaitre l’opposition irrémédiable entre la religion qui considère l’homme comme une créature de Dieu, sauvant son âme par la pratique de la vertu , et une conception matérialiste du monde , appelant chaque homme au bonheur par l’amélioration immédiate de sa condition et n’hésitant pas à sacrifier les individualités à l’intérêt social.
Nous vivons dans une société qui a entendu la voix de Nietzche, celle de Karl Max et celle de Lénine, qui entend celle de Sartre et reçoit l’enseignement d’un humanisme athée. Ne sommes nous pas à la fin d’une civilisation marquée par la fin de la morale religieuse ? C’est cette négation du religieux et plus profondément celle du divin qui motive les résistances religieuses. Si une force idéologique prétend combattre toute force religieuse pour créer une morale nouvelle, aucune Chapelle ne saurait admettre cette déformation du principe de laïcité ; aucun juriste ne devrait concevoir l’exclusion totale de la force religieuse dans la création du droit.
9-Le droit a tout à gagner à l’appui d’une morale religieuse qui est à la base de beaucoup de règles juridiques. Les préceptes de cette morale sont si généralement suivis qu’on a pu les considérer comme étant de droit naturel et les imposer à ce titre sans avoir à parler de leur origine religieuse. A tout le moins, ils doublent l’application des lois civiles pour le maintien de l’ordre dans la société moderne.
Ainsi, le juriste trouve dans le maintien de la morale traditionnelle les règles qui constituent l’ossature même du droit. Il suffit pour ne pas faire naitre la dispute, de les dépouiller de tout caractère transcendant et de les appliquer seulement à raison de leur utilité, sans souci de la raillerie des sceptiques.
A ceux qui pensent que le nouveau département des affaires religieuses et du culte n’est qu’un ‘cheval de Troie’ qui nous fera passer subtilement de l‘indicatif à l’impératif, je dis que la réversible constitution du 25 février 1992 est un « garde fous », du moins théoriquement ; l’article 118 dispose : « La forme républicaine et la laïcité de l’Etat ainsi que le multipartisme ne peuvent faire l’objet de révision ».
Bien malin celui qui pourra prédire l’effectivité de cette disposition.
Une contribution de Mr TOURE Abdourahamane
L’article de MR Toure, A doit etre une lecon pour tous les internotes de Maliweb. Arrentons de faire des commentaire NON- intellectuel sur le web. Ca ne nous amene a nul part.Vous voyez le Net est un phenomene de pour pouvoir civic et populaire. Nous sommes tous des personnes politiques et a travers le Net , nous pouvons faire entendre noutre voix memen si on se trouve au bout du monde. Je vois les drapeaux de presque tous les continants. Cela montre le Malien ou qu’il se trouve pourrai aide le Mali.
J’ai un conseil a tous les intelo Malien, ouvrons tous des compte facebook et communiquons tous les jours et empechons desormais des choses honteuse comme attaquer notre propre president. Ne laissons pas les <> prendre le control de notre Maliba.
Merci
Merci Toure,Abdourahamane as one of my classmate 1er, 2em 3em and 4em annee Science Juridique de L’ENA I can’t tell how proud i am . You are what we call<>.
Bien encore une fois je suis tres fier de toi en tant que promotionaire de l’ENA sciences juridiques je te dis de continuer a ecrire des articles instructifs comme ca beaucoup de gens qui ecrivent des salads comme commentaire vont apprendre a etre intellectuel. J’avais arreter de lire Maliweb a cause des comments peu recommendables qui sont toujours sur le web. Mais c’est la seule source d’information disponible pour nous a San-Francisco/USA on a pas le choix.Je suis entirement d’accord avec toi sur le sujet de la question de la Laicite du Mali dans la Constitution du 25 Fevier 1992.( je me rappel de Karime Traore, mon prof de Droit Constitionel a L’ENA qui nous rapellait( paix a son ame )que:L’Etat disons est honete homme, il paye ses dettes et se conforme a la loi.Nous devons toujours nous conformer a L’Etat a la CONSTITUTION qui le garant de ces memes liberte civil comme le liberte religieuse.La religion ne devrait en aucune doute faire partis du debat politic.
Le Mali a besoin d’un Etat fort , constitutionel. L’Etat est la seule chose qu’on a en commun et intouchable sinon si l’Etat s’eclate c’est fini une foi pour toute.
Thank you brother.
j’apprécie la pertinence de la réflexion et l’audace de l’auteur qui a osé ouvrir une bréche dans ce carcan juridique et institutionnel dont aucun africain ne s’y retrouve.la laicité n’est pas conforme ni adaptée a nos convictions religieuses et sociales.quant au ministere du culte ,on en a eu ici au senegal mais c’est une coquille vide et tjrs occupé par un sois disant religieux qui se range derriere les politiques comme un chien et son maitre.merci a tous et paix au mali libre et uni
Bassikodo
Le “josonnisme” (culte du jo) a rythmé et régulé le fonctionnement de nos sociétés traditionnelles africaines bien avant l’arrivée et l’implantation de l’Islam et du Christianisme. Il a été traité sous de nombreuses thématiques dans plusieurs thèses universitaires. Les analyses qui découlent de ces études méritent une lecture approfondie, non passionnée, en cette période tragique de notre pays. Qu’en est-il aujourd’hui de ces pratiques, encore vivaces dans nos cultures, et quelles places doivent-elles revêtir dans la construction et le développement harmonieux de nos sociétés? Il ne s’agit pas seulement de créer un ministère des « affaires religieuses et du culte » en vue de calmer des revendications monothéistes ou de juguler celles-ci dans une perspective exclusivement politique. Notre pays doit impérativement élaborer une nouvelle stratégie de gouvernance dans tous les secteurs, notamment dans le domaine de l’éducation, qui est la clef de voûte de toute politique de développement.
Bassikodo
Le “josonnisme” (culte du jo) a rythmé et régulé le fonctionnement de nos sociétés traditionnelles africaines bien avant l’arrivée et l’implantation de l’Islam et du Christianisme. Il a été traité sous de nombreuses thématiques dans plusieurs thèses universitaires. Les analyses qui découlent de ces études méritent une lecture approfondie, non passionnée, en cette période tragique de notre pays. Quand est-il aujourd’hui de ces pratiques, encore vivaces dans nos cultures, et quelles places doivent-elles revêtir dans la construction et le développement harmonieux de nos sociétés? Il ne s’agit pas seulement de créer un ministère des « affaires religieuses et du culte » en vue de calmer des revendications monothéistes ou de juguler celles-ci dans une perspective exclusivement politique. Notre pays doit impérativement élaborer une nouvelle stratégie de gouvernance dans tous les secteurs, notamment dans le domaine de l’éducation, qui est la clef de voûte de toute politique de développement.
je suis parfaitement d’accord avec Mr Abdourahamane Touré,le Mali a besoin des intellectuels de votre dimension,encore une foi merci de la pertinence de votre analyse Mr Touré
En claire, n’ayons pas peur de la nouvelle création (ministère du culte), même si personne ne voit clairement que peut être sa préoccupation. De quoi se chargera-t-il qui ne soit pas couvert par les 34 autres départements. Je vois: la formation des imams, leur nomination, leur salaire pour ceux ayant suivis le cursus, la définition de thèmes de prêches, l’agrandissement des airs de prières du centre ville, la propriétés des lieux de culte, le cantonnement des mendiants, qu’il y est désormais dans le calendrier un mois de Ramadan de 30 jours …
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