Espaces publics à Bamako ; Entre appropriation abusive et abandon…

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Depuis des années, les pouvoirs publics (Etat et Collectivités), mais aussi des acteurs corporatifs et sociaux sous l’impulsion des partenaires techniques et financiers, ont entrepris de nombreuses initiatives pour réaliser de nombreux espaces publics dont la production dans le champ de l’aménagement participe au développement urbain durable et à la recomposition territoriale de la ville de Bamako. A ce titre, selon les outils de planification (SDAU et SD) du District de Bamako et Environs, à peu près 1759 espaces publics, ont été programmés. De nos jours, à peu près 261 ont été réalisés. Cependant qu’est ce que c’est qu’un Espace Public ?

 

 

 

espaceSelon Pierre Merlin et Françoise Choay du dictionnaire de l’Urbanisme et de l’Aménagement, il est :

– Un Espace partagé : l’espace public par opposition à l’espace privé clôturé et centré sur l’intimité familiale, est un espace ouvert que l’ensemble de la collectivité a en partage. Il est accessible à tous, sans aucune discrimination. Espace partagé, lieu de rencontre par excellence, il est le théâtre du libre va et vient des individus.

 

 

 

– Un Espace que s’approprient les individus par leurs activités : il est souvent considéré comme la partie du domaine public non bâti et affecté à des usages publics. Il s’agit d’un espace dédié à des activités variées de passage, de détente ou de loisir, qui ne sont pas nécessairement explicitement définies : chacun est libre d’y faire ce qu’il veut dans les limites de la loi.

 

 

 

Le Boulevard de l’indépendance de Bamako : un espace public très symbolique avec ses larges trottoirs non ombragés et sans bancs publics et dont les espaces verts à droite sont l’objet d’usages abusifs de la part des riverains.

 

 

 

L’Espace public est progressivement défini comme lieu concret où s’incarne la sphère publique, la vie démocratique, la citoyenneté. Parce que comme l’écrit Isaac Joseph, «il n’est de démocratie vivable et durable que par la rue, comme espace de rencontre avec l’étranger, comme espace de coprésence non seulement avec autrui mais avec tout un chacun, témoin et juge de la vulnérabilité du lien social» (I. Joseph, 1995, p.34).

Selon Pierre Sansot : «Je dénommerai espace public et dans cette désignation entre une part d’utopie et un constat, tout espace où je me sens à l’aise, dans lequel je perçois chez les autres le même sentiment de bien-être et où je n’ai pas à justifier ma présence, je m’y trouve parce que tel est mon bon plaisir ou parce que je m’acquitte d’une tâche qui ne regarde que moi. En conséquence dès que l’un d’entre nous se trouve en instance d’être interpellé, l’espace public manque à sa vocation».

 

 

 

Pour ce faire, quels sont les types d’espaces publics qu’on trouve à Bamako? Le plus souvent dans la capitale malienne, on rencontre les espaces publics suivants : les trottoirs peu nombreux mal aménagés, les boulevards, les avenues, le parvis, les espaces verts qui sont nombreux, un seul Parc, les rues, la plage au bord du Niger à Magnambougou, les squares, les parkings,  les abris Bus, les pistes cyclables, les pistes piétonnes, les cinémas, les musées, les théâtres, les bibliothèques, les terrasses de restaurant, les terres pleins centraux, les centres commerciaux etc.

 

 

Dans le cadre de la politique de la ville et de la rénovation urbaine de Bamako, beaucoup de ces espaces publics ont été réalisés entre 1992 et 2012, entraînant à cet effet une amélioration de l’espace urbain en termes d’actions d’aménagements et d’urbanisme.

Bamako est une grande agglomération urbaine dont le taux d’urbanisation est l’un des plus élevés d’Afrique. Dans cette dynamique la capitale a un besoin inestimable d’équipements et mobiliers urbains pour répondre à l’émergence, d’une classe moyenne de plus en plus nombreuse à Bamako et qui aspire à pratiquer de tels  espaces sous plusieurs formes : jogging, marche, pique nique, lecture, solitude.

 

 

Par ailleurs, les espaces publics sont des lieux d’interactions, de sociabilité, de mise en scène de soi même, de flânerie, de déambulation, d’oxygénation etc.

La rivière du «Woyowuyan kô », un espace public aménagé à coup de milliard, mal entretenu et abandonné à son triste sort

 

 

Deux espaces publics qui n’ont pas les mêmes fonctions : l’un sert à séparer des voies mais il est aussi piste piétonne et l’autre est un parking situé dans la commune III.

Bamako a connu une très grande métamorphose de son tissu urbain durant ces 20 dernières années qui a entraîné une évolution nette des formes urbaines. Bamako à l’instar de beaucoup de capitales des pays du sahel, dans le dessein d’atteindre les objectifs du millénaire a été l’objet de plusieurs actions d’aménagements dont la finalité est l’amélioration du cadre de vie des citoyens. Cette ambition affichée et exacerbée des pouvoirs publics, des acteurs corporatifs et sociaux a permis à la capitale de rattraper ses retards d’inégalités spatiales par rapport à Abidjan, Dakar et même Ouaga dans l’optique d’accueillir des grands sommets internationaux d’une part et d’autre part pour confirmer sa stature de grande métropole de l’Afrique de l’ouest.

 

 

 

Dans cette posture, l’accent a été mis sur l’aménagement des espaces publics.  En effet, les espaces publics constituent des lieux de vie, de visibilité. Ils permettent la requalification du tissu urbain et lui procure du coup une urbanité particulière. En Occident, la reconquête des espaces publics est à la mode depuis 25 ans et dans cette dynamique, on n’hésite pas à démolir des immeubles entiers pour faire émerger un espace public tel que les places publiques avec de nombreuses assises (les bancs).

 

 

 

A Bamako, l’aménagement de l’espace public qui a profondément marqué l’esprit des professionnels tels que les urbanistes, architectes et les citoyens a été celui du Parc National de Bamako financé par le Trust Aga Khan pour la culture. Son aménagement fut un tournant important dans le paysage urbanistique de la capitale.

 

 

 

L’entrée principale du Parc national de Bamako : elle nous plonge dans une autre ambiance particulière, celle de la nature en ville.

 

 

 

Deux équipements distincts du Parc : le lac artificiel et un espace de promenade, tous jouent un rôle très important dans ce substrat minéralier et végétal, celui de rendre pittoresque ce cadre paradisiaque.

 

 

 

Cet espace vert au bord du Niger, est un belvédère, il donne une vue panoramique sur le fleuve. Il est aussi havre de paix, de lecture et d’amour.

 

 

L’espace vert à la sortie du 3ème pont à Sotuba et celui du flanc de la colline du Point G : Deux belles œuvres urbanistiques et architecturales. Aussi ces deux espaces font l’objet de beaucoup d’usages (prise de photo pour les mariés et lieux de promenade) mais aussi de fonctions (lieu de contemplation, de sociabilité nouvelle, de rencontre, mais aussi de recueillement).

 

 

 

Les espaces publics constituent des lieux de mixité sociale et favorise le multiculturalisme dont  beaucoup de dynamiques sociales y sont associées. C’est pour cela qu’ils sont l’objet de nombreuses appropriations qui créent parfois des conflits d’usages et qui sont réglés avec civilité.

 

 

 

La question de l’espace public interroge la société africaine dans ses multiples dimensions sociales économiques, culturelles, politiques, spatiales…

 

 

Dans un contexte de globalisation, les espaces publics se sont renforcés comme lieu d’expérimentation et de constructions collectives d’alternatives économiques et sociales, devenant pour les populations précarisées, un rempart contre l’anéantissement social (le cas de l’occupation illicite par les commerçants détaillants des anneaux de Sotrama dans le marché Dabanani et les abords immédiats du centre commercial les Hall Félix Houphouët BOIGNY de Niamakoro etc.).

 

 

 

Gérer les espaces publics urbains n’est donc pas une simple question technique, et en nous interrogeant sur les pratiques sociales qui s’y inscrivent, nous questionnons également les modes habituelles de gestion urbaine. Souvent prétendues durable, la plupart d’entre elles n’intègrent pas la durabilité sociale dans sa vision du développement. Or, on le sait, aucun développement durable ne peut être véritable sans qu’il ne vise aussi une amélioration des conditions de vie des habitants y compris les plus pauvres.

 

 

Pour terminer, je dirai que c’est dans les espaces publics que la Démocratie trouve son expression face à la puissance publique (la place Tahrir en Egypte, la place Taksin en Turquie, et la place Maïden à Kiev). Sous cet angle, les espaces publics doivent être au cœur de l’action publique.

Abdramane Sadio SOUMARE

 

 

Enseignant assistant à l’IUDT de l’USSGB, Urbaniste de formation

Email : abdramanesoumare@yahoo.fr

 

 

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