Erdogan va continuer à éliminer le “virus” au sein des institutions de l’Etat

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L'armée turque procède à l'arrestation de civils qui circulent dans Istanbul. © AFP/ BULENT KILIC

Le président turc, Recep Tayyip Erdogan, a juré dimanche de continuer à éliminer de toutes les institutions de l’Etat le “virus” à l’origine de la tentative de putsch, allusion à son adversaire de longue date, Fethullah Gülen.

Il a demandé en outre à ses partisans de continuer à occuper les places publiques, en estimant que l’affaire du putsch manqué ne serait pas réglée en quelques heures.

La tentative de putsch ourdie par le “groupe terroriste” de Fethullah Gülen a été matée par la volonté de la nation, a ajouté le président, en indiquant que les ministères de la Justice et des Affaires étrangères de Turquie allaient écrire aux gouvernements américain et occidentaux pour exiger le transfert en Turquie des partisans de Gülen.

Pas de chèque en blanc à Erdogan après le coup d’Etat raté, prévient la France

La tentative de coup d’Etat en Turquie ne donne pas de “chèque en blanc” au président Recep Tayyip Erdogan, a prévenu dimanche Jean-Marc Ayrault à l’heure où les autorités turques procèdent à plusieurs milliers d’arrestations.

“Pour l’avenir (..), nous voulons que l’état de droit fonctionne pleinement en Turquie, ce n’est pas un chèque en blanc à M. Erdogan”, a dit le chef de la diplomatie française sur France 3.

“Les Européens sauront le rappeler lundi prochain. Encore une fois à Bruxelles nous allons parler de la Turquie et rappeler que la Turquie doit se conformer aussi aux règles démocratiques européennes”, a-t-il ajouté. “Il ne faut pas faire des purges, il faut que l’état de droit fonctionne”.

Les autorités turques ont déjà procédé à quelque 6.000 arrestations après le coup d’Etat manqué de vendredi soir, a rapporté dimanche la chaîne de télévision NTV citant le ministre de la Justice, Bekir Bozdağ.

“Le processus judiciaire va se poursuivre”, a-t-il ajouté, disant s’attendre à ce que le nombre d’arrestations dépasse le seuil des 6.000.

Turquie-L’Egypte s’est opposée à une déclaration de l’Onu

Le Conseil de sécurité des Nations unies n’a pas été en mesure samedi de condamner la tentative de putsch militaire en Turquie, l’Egypte s’opposant à une déclaration qui appelait toutes les parties à “respecter le gouvernement démocratiquement élu de Turquie”, ont déclaré des diplomates.

Les déclarations du Conseil de sécurité doivent être adoptées par consensus. Le projet de texte, rédigé par les Etats-Unis, parlait de “vive inquiétude” concernant la situation en Turquie, appelait les parties à faire preuve de retenue et à éviter toute violence, et réclamait le retour rapide à l’Etat de droit.

Des diplomates, s’exprimant sous le sceau de l’anonymat, indiquent que l’Egypte a estimé que le Conseil de sécurité n’était pas à même de déterminer si un gouvernement avait été élu démocratiquement.

Le président égyptien, Abdel Fattah al Sissi, est un ancien général qui a renversé en juillet 2013 le président Mohamed Morsi, qui avait été élu et appartenait à la mouvance des Frères musulmans. Or, la Turquie dirigée par le parti islamo-conservateur AKP avait apporté un soutien aux Frères musulmans égyptiens.

“Nous avons proposé une formulation différente, qui respecte les principes démocratiques et constitutionnels, mais les Américains ont refusé”, a déclaré à Reuters le représentant de l’Egypte aux Nations unies, Amr Aboulatta.

A la suite des objections de Washington et de Londres à l’amendement qu’elle proposait, l’Egypte a suggéré que le Conseil de sécurité de l’Onu appelle les parties prenantes, en Turquie, à “respecter les principes démocratiques et constitutionnels et l’Etat de droit”, ont déclaré des diplomates, en précisant que les négociations sur le texte avaient pris fin à ce stade.

Le ministère égyptien des Affaires étrangères s’est dit “surpris que l’amendement proposé n’ait pas été pris en compte, et que l’on affirme qu’elle (l’Egypte) fait obstacle à la diffusion de la déclaration”.

Kerry s’indigne de la mise en cause des Etats-Unis dans le putsch en Turquie

Les déclarations publiques laissant entendre que les Etats-Unis portent une responsabilité dans la tentative de coup d’Etat menée en Turquie portent atteinte aux relations bilatérales, a déclaré samedi le secrétaire d’Etat John Kerry à son homologue turc Mevlut Cavusoglu.

Le chef de la diplomatie américaine a en outre invité les autorités turques à faire preuve de retenue et à respecter l’Etat de droit dans le cadre de l’enquête sur les putschistes, rapporte John Kirby, porte-parole du département d’Etat, dans un communiqué.

“Il a dit clairement que les Etats-Unis étaient prêts à apporter leur aide aux autorités turques dans la conduite de cette enquête, mais que les insinuations ou les affirmations publiques au sujet d’une éventuelle implication des Etats-Unis dans le coup d’Etat manqué sont éminemment fausses et nuisent aux relations bilatérales”, ajoute-t-il.

Le président Recep Tayyip Erdogan a imputé la tentative de coup d’Etat à l’opposant Fethullah Gülen, réfugié aux Etats-Unis, qu’il accuse de longue date de noyauter les instances judiciaires et militaires pour le renverser, et a réclamé son extradition.

La Turquie considérera qu’elle est en guerre avec tous les Etats qui soutiennent Gülen, a quant à lui averti le Premier ministre Binali Yildirim.

“Nous sommes parfaitement conscients que des questions vont se poser au sujet de M. Gülen et nous invitons évidemment le gouvernement turc (…) à nous présenter les éléments à même de justifier un examen, que les Etats-Unis étudieront et jugeront de manière appropriée”, a promis John Kerry.

A Washington, Barack Obama a de nouveau exprimé son soutien au gouvernement turc “démocratiquement élu” après avoir réuni samedi matin ses conseillers à la sécurité et aux affaires étrangères.

LES AVIONS AMÉRICAINS CLOUÉS AU SOL À INCIRLIK

“Bien que nous n’ayons pas confirmation de la présence d’Américains parmi les victimes des violences, le président et son équipe déplorent la perte de vies humaines et soulignent la nécessité vitale pour toutes les parties d’agir dans le cadre de la loi et d’éviter les actes susceptibles d’entraîner de nouvelles violences ou une instabilité”, ajoute la Maison blanche.

Les relations bilatérales traditionnellement étroites se sont dégradées ces dernières années en raison des dérives autoritaires et des atteintes à la liberté d’expression que l’administration Obama reproche à Erdogan.

La Turquie reste toutefois un allié essentiel des Etats-Unis, qui utilisent la base turque d’Incirlik dans le cadre de la lutte contre les djihadistes de Daech, mais son soutien à certains mouvements islamistes qui combattent Bachar al Assad est vu d’un mauvais oeil à Washington, tout comme sa réticence à fermer la frontière aux volontaires décidés à aller combattre en Syrie.

Erdogan s’est quant à lui indigné du soutien des Etats-Unis aux rebelles kurdes syriens proches des terroristes du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK).

La fermeture de l’espace aérien turc après le coup d’Etat manqué a entraîné l’interruption des opérations américaines à Incirlik. Les Etats-Unis oeuvrent avec les autorités turques à la leur reprise “dès que possible”, a annoncé samedi le Pentagone.

“Dans le même temps, le Commandement central américain réorganise ses opérations aériennes contre le groupe Etat islamique afin de minimiser les conséquences sur les frappes”, a expliqué un porte-parole.

Vastes purges dans l’armée et la justice turque

Les autorités turques ont repris samedi le contrôle du pays, quelques heures après l’échec du coup d’Etat dans lequel 265 personnes, dont 104 partisans des putschistes, ont perdu la vie.

Le président turc, Recep Tayyip Erdogan, a accusé dans la journée les instigateurs du coup de force d’avoir essayé de le tuer et dit que l’armée serait purgée des éléments séditieux.

“Ils paieront le prix fort”, a promis le chef d’Etat, en ajoutant: “Ce soulèvement est un don de Dieu parce qu’il nous offre l’opportunité de nettoyer l’armée.”

Samedi soir, le chef de l’Etat s’est adressé à ses partisans à Istanbul, assurant que la tentative de putsch avait été le fait d’une minorité au sein de l’armée. Répondant à ceux qui, dans la foule, scandaient “peine de mort!”, il a dit que cette question pourrait fait l’objet d’un débat au parlement.

Selon le gouvernement, qui assure que la situation est maîtrisée, près de 3.000 militaires ont été arrêtés, du simple soldat à l’officier, notamment ceux qui formaient la “colonne vertébrale” du coup d’Etat. Parmi les officiers supérieurs arrêtés figurent le commandant en chef de la deuxième armée turque, Adem Huduti, l’un des plus hauts gradés du pays, mais aussi le commandant du troisième corps d’armée (basé à Istanbul), le général Erdal Öztürk, qui sera jugé pour “trahison”.

La justice n’a pas été épargnée puisque le pouvoir a ordonné l’arrestation de 2.745 juges et procureurs pour leur rôle présumé dans la tentative de putsch, selon la chaîne turque NTV. La police a appréhendé en outre l’un des membres de la Cour constitutionnelle, Alparslan Altan.

Au Parlement, le Premier ministre Binali Yildirim a jugé que les putschistes n’étaient “pas des soldats mais des terroristes” et a appelé toutes les formations politiques qui n’étaient pas impliquées dans le coup de force à la coopérer pour donner le coup d’envoi d’un “nouveau départ”.

Affermissement de la démocratie ?

Dans un communiqué commun lu au Parlement, les quatre principaux partis politiques, dont le HDP pro-kurde, ont condamné la tentative de coup d’Etat.

Kemal Kilicdaroglu, chef de file du CHP (social-démocrate et laïque) a dénoncé au Parlement la tentative de coup d’Etat et déclaré que cet événement allait favoriser le rapprochement entre les différentes composantes de la vie politique turque et l’affermissement de la démocratie.

En vacances dans le sud-ouest lorsque le coup d’Etat a été déclenché, le président Erdogan s’est envolé samedi matin pour Istanbul où son avion s’est posé peu avant l’aube et où il a été accueilli par une foule de partisans.

S’exprimant devant ces derniers, Recep Tayyip Erdogan a assuré que le gouvernement restait aux commandes du pays, même si quelques poches de putschistes résistaient encore à Ankara, la capitale du pays.

Samedi après-midi, la chaîne CNN Türk rapportait que les forces de sécurité avaient achevé une opération menée contre les putschistes au quartier général de l’état-major de l’armée. Des sources sécuritaires ont par ailleurs déclaré qu’une centaine de militaires avaient été arrêtés sur une base aérienne du sud-est du pays.

Un peu plus tard, le ministre de la Défense, Fikri Isik, a assuré que la tentative de putsch avait échoué et qu’aucun secteur du pays n’échappait plus au gouvernement d’Ankara.

Interruptions des attaques anti-Daesh

Les putschistes auraient, selon Recep Tayyip Erdogan, essayé d’attaquer la station balnéaire de Marmaris où il se reposait. “Ils ont bombardé des cibles juste après mon départ (…). Sans doute, pensaient-ils que nos étions encore là.”

Le Parti de la justice et du développement (AKP, islamo-conservateur) dont Recep Tayyip Erdogan est issu entretient des relations compliquées avec l’armée dont un certain nombre de cadres défendent une vision laïque de l’Etat turc.

Si Recep Tayyip Erdogan est adulé par ses partisans, il est également honni par de nombreux Turcs qui le taxent d’autoritarisme et lui reprochent, entre autres, d’avoir brutalement réprimé les manifestations de 2013.

Adversaire déclaré des nouvelles technologies et des réseaux sociaux dont il tente de limiter l’influence, Recep Tayyip Erdogan leur doit peut-être l’échec du coup d’Etat qui le visait. Il a ainsi eu recours à une application de visioconférence pour s’adresser à la nation et appeler ses partisans à descendre dans les rues pour défendre le gouvernement.

Recep Tayyip Erdogan a mis en cause l’opposant Fethullah Gülen, qu’il accuse de longue date de noyauter les instances judiciaires et militaires pour le renverser. Le prédicateur réfugié aux Etats-Unis a toutefois condamné samedi la tentative de coup d’Etat et s’est dit étranger à cette dernière.

Les condamnations sont également venues de l’étranger où de nombreuses chancelleries ont exprimé leur soutien au gouvernement turc.

Le président américain Barack Obama et le secrétaire d’Etat John Kerry ont ainsi considéré “que toutes les parties en Turquie doivent soutenir le gouvernement démocratiquement élu, faire preuve de retenue, éviter la violence et les effusions de sang”, a dit la Maison blanche dans un communiqué.

Les événements de Turquie ont des retombées sur la lutte contre le groupe terroriste Daesh en Syrie et en Irak car l’espace aérien turc est fermé aux appareils militaires pour le moment. Washington a dit oeuvrer de concert avec les autorités turques à la reprise “dès que possible” des opérations aériennes à partir de la base d’Incirlik, dans le sud de la Turquie.

Couvre-feu et loi martiale

Le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Marc Ayrault, a également condamné le coup de force en Turquie et salué la “grande maturité” et le “courage” de la population turque qui s’est engagée “pour le respect de ses institutions”.

Jean-Marc Ayrault a eu un entretien téléphonique avec son homologue turc, Mevlut Cavusoglu, samedi, et a évoqué avec lui la tentative de coup d’Etat.

Quant au président François Hollande, il a jugé son homologue turc en mesure de rétablir “entièrement” la situation dans son pays mais s’attend à une période de répression.

Vendredi soir, les putschistes semblaient pourtant en position de force. Des militaires avaient fait irruption au siège de la TRT, la télévision publique, dont un présentateur a lu un communiqué accusant le gouvernement de porter atteinte à la démocratie et à la laïcité et annonçant l’instauration d’un couvre-feu national et de la loi martiale.

Scènes de combat au dessus d’Istanbul

La TRT a ensuite cessé d’émettre mais les émissions ont repris aux premières heures de samedi après ce que le personnel a qualifié de prise d’otages.

Des avions de combat et des hélicoptères ont survolé Ankara tandis que des soldats bloquaient à Istanbul le pont enjambant le Bosphore qui sépare les rives asiatiques et européennes.

La dynamique du coup d’Etat s’est cassée dans la nuit lorsque des milliers de manifestants sont descendus dans la rue, défiant le couvre-feu et se réunissant sur les principales places d’Ankara et Istanbul, brandissant des drapeaux turcs et scandant des slogans hostiles aux putschistes.

Source : ZAMAN FRANCE

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