Les évènements récents nous prouvent à suffisance que l’État de droit n’est plus qu’une illusion d’optique en République des forces opposées. Entre une force publique sans loi et une loi républicaine sans force, le peuple affamé et meurtri est pris en étau. En effet, cette dernière décennie a été marquée par une opposition, souvent armée, entre les bérets rouges et bérets verts ou entre policiers et gardes nationales. Le dernier événement en date a suscité beaucoup d’indignation. Il a aussi corroboré l’opinion négative que le peuple se faisait des institutions de la République, et en particulier de certains corps armés.
L’arrestation du commandant de police pour être entendu dans l’affaire des tueries commises à la veille de la chute de l’ancien régime a provoqué une insurrection armée de ce corps. Déjà décrédibilisée par les pratiques d’extorsion sur la voie publique, dont sont victimes le peuple au quotidien, cette institution vient de franchir la ligne rouge. Chargée de faire respecter la loi, comment la police a-t-elle pu avouer sa méfiance à l’égard de la justice par la voie des armes ? Comment pourrait-elle procéder à l’arrestation des citoyens pour les soumettre à une justice qu’elle-même vient de désavouer ?
La sagesse aurait recommandé que le commandant soit soutenu par une marche pacifique et visant à exhorter à faire la lumière rapidement sur la situation. Il aurait donc fallu faire preuve de retenue et de professionnalisme tout en dénonçant l’injustice commise le cas échéant. Aussi, en faisant évader leur chef, ces policiers ont défié les lois qu’ils étaient supposés faire respecter. Ils ont prouvé aux maliens que les lois n’étaient faites que pour les pauvres et les désarmés.
Désormais, le peuple malien est pris en étau car il connaissait déjà la justice à la carte, la justice des riches et celle des pauvres. C’est notamment le cas lorsque la justice cède sous le poids des pressions exercées soit par la rue, lorsqu’elle interpelle les religieux, soit par les éléments d’un corps armé. En dehors des communiqués de dénonciation ou des décisions individuelles de démission, les magistrats se retrouvent dépourvus de force pour contrer les oppositions musclées. Ils le sont aussi parce qu’ils ont perdu l’estime du peuple. Ce dernier, préférant ne pas se mêler de la guerre entre privilégiés, observe et s’indigne.
Il ne comprend pas pourquoi la police n’a pas saisi cette occasion de faire la lumière sur un évènement qui tôt ou tard sera à l’ordre du jour. Si elle avait fait confiance aux lois et à la justice, le commandant aurait été entendu en tant que maillon faible d’une chaîne de commandement dont tous les membres seraient nécessairement interpelés. Les révélations du commandant, sur l’origine des ordres donnés, auraient permis de situer les responsabilités et éventuellement de le blanchir. Mais en le soustrayant à la justice, en faisant de lui un évadé et donc logiquement recherché, les éléments ont, avec la complicité de l’intéressé, créé une impasse. Désormais leur crédibilité est plus que douteuse. Mais fort heureusement, les choses semblent rentrer dans l’ordre avec le retour de l’évadé sous les mains de la justice.
Pour rattraper la grosse boulette, l’État doit prendre une posture ferme et sortir des communiqués laxistes. L’histoire le jugera car, c’est un précédent qui vient d’être créé. Des mesures fermes, pour rétablir l’honneur de la police et lui redorer le blason sont attendues. La justice y gagnerait également en crédibilité auprès d’un peuple qui la soupçonne de partialité. Son indépendance de principe et les serments prêtés n’ont été, jusque-là, que vains mots. On en veut pour preuve l’explosion de la délinquance financière. Le parquet appréciant, en principe, l’opportunité des poursuites, en dépit du lien de subordination qui le lie au ministre de la Justice, pourrait tenter de récupérer les milliards détournés au préjudice du peuple entier.
S’agissant de nos forces de l’ordre, des réformes structurelles ne seront pas de trop. Certains ont proposé une remilitarisation de la police et la dissolution des syndicats. D’autres ont réclamé la radiation de tous ceux ayant pris part à l’insurrection. Quelle que soit la décision privilégiée, elle doit tendre vers une réconciliation des maliens avec les institutions de la République.
Vive le Mali
Vive la justice indépendante et impartiale
Vive une police responsable
Dr DOUGOUNE Moussa
Prof. Enseignement supérieur
Consultant/Formateur auprès des Banques et Commerces