“Chaque enfant compte-t-il aussi à Kidal ?”

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Dans les régions gangrénées par le jihadisme, l’UNICEF a lancé en octobre dernier une campagne pour permettre à des milliers de jeunes Maliens de retrouver le chemin de l’école. Rien qu’à Kidal, l’organisation estime à 5000 le nombre d’enfants déscolarisés depuis le début de la crise. Cette situation n’a rien d’une fatalité. Indifférents à l’avenir de leurs enfants, les dirigeants de la région de Kidal dupent la population.

« Chaque enfant compte » c’est le nom de la dernière campagne de l’UNICEF.  Avec le retour des jihadistes d’Ansar Dine dans la région, les petits Kidalois ont été privés d’éducation. L’insécurité chronique a eu son cortège de répercussions sur leur quotidien : fuite d’innombrables familles de Kidal, fermeture d’établissements, apparition – au détriment d’autres matières – d’un enseignement théologique dispensé dans des medersas nouvellement ouvertes …

Il serait trop simple de s’arrêter à cette analyse pour  justifier l’absence totale d’éducation à Kidal. Quatre ans après le début de la rébellion, les responsables locaux s’emploient toujours à y entretenir le chaos. Kidal est administrée en comités de gestion,  essentiellement contrôlés par la CMA. Chaque autorisation d’activité, chaque redistribution d’aide passe entre les mains des familles Ag Aoussa, Ag Intallah, Ag Albacher. Profitant de l’absence de l’Etat, ces derniers ont verrouillé l’ensemble du dispositif et n’ont laissé aux autres signataires qu’une place résiduelle, presque anecdotique.

En revanche, elles ont confié à des ONG de lourdes tâches. A Kidal, l’une d’elles, placée sous leur contrôle, est devenue le point de passage obligé pour la scolarisation des enfants. Il est surprenant d’apprendre qu’elle est aussi chargée de nourrir deux milles bouches dans les cantines, alors que seulement cinq cents enfants sont scolarisés de Kidal ! A qui profite cette grossière erreur comptable ?

Le cynisme des maîtres de Kidal ne s’arrête pas là : ils exploitent des volontaires pour l’organisation pédagogique de la scolarité, à qui ils font miroiter une titularisation. Ils maquillent la réalité aux autorités nationales et à leurs administrés. L’embauche de personnels est déguisée en recrutement d’enseignants, les statistiques de scolarisation sont trafiquées, les promesses de rémunération ne sont pas tenues : les familles attendent des dirigeants locaux qu’ils assurent leur sécurité, et non qu’ils  s’enrichissent à leurs dépens.

Les enseignants maliens n’osent plus accepter d’affectation à Kidal, dissuadés par l’insécurité et l’arbitraire. Que vont devenir ces enfants ? Déracinés, ignorants, ce sont des jeunes prêts à céder aux mirages du jihadisme. La population ne peut plus accepter le pouvoir sans partage des seigneurs de Kidal. Le retour des services de l’Etat est indispensable à Kidal. Il doit débuter par l’éducation.

 

Aïcha Sangaré

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