Le rôle d’un réseau ferroviaire moderne dans une économie nationale est capital et incontournable à notre époque, surtout dans un pays où l’industrie est presque absente. Et de surcroit, lorsque le Président de ce pays-là prétend avoir l’ambition et fait résolument le pari de l’émergence économique de son pays à travers le PSE dans un délai relativement raisonnable. Historiquement, il est indéniable que tous les pays, développés et industrialisés aujourd’hui, sont passés par cette voie royale du développement durable de leurs infrastructures, dont le réseau ferroviaire. Un tel pari ou une telle ambition, va forcément de paire avec la modernisation du réseau ferroviaire du pays et sa diversification, pour les besoins de tous les secteurs de l’économie nationale. Et cela va sans dire, en phase avec les progrès scientifiques et technologiques à l’ère du numérique. Voilà pourquoi, les dirigeants patriotes, conscients de leurs responsabilités historiques, dynamiques et qui ont de l’ambition pour leur pays réadaptent leurs transports ferroviaires par rapport à l’évolution de la technologie. Ils procèdent à la spécialisation de leurs transports ferroviaires selon les besoins et priorités de l’économie nationale, afin de pouvoir satisfaire les éventualités qui pourraient apparaitre. Sommes-nous aujourd’hui dans cette dynamique? La réponse, c’est bien sûr non !
Il est démontré aujourd’hui dans le monde, que seuls des réseaux ferroviaires modernes peuvent satisfaire convenablement à toutes sortes de besoin en transport, qu’il s’agisse des produits agricoles, miniers, hydrocarbures, du bétail en grande quantité etc. Et tout cela, dans la sécurité jusque chez les consommateurs et usines de transformation. Evidemment, à la condition qu’ils répondent à la performance, reposent sur les progrès scientifiques et techniques actuels et se modernisent constamment. Dans ces conditions-là, Ils offriront aux voyageurs, tout le confort et le luxe nécessaires souhaités.
Il est par conséquent utopique, que de vouloir parler d’émergence économique au Sénégal, en l’absence d’un réseau des chemins de fer à tous égards, répondant parfaitement aux normes techniques actuelles, pour tous les besoins de transport du pays, et couvrant tout le territoire national de long en large.
Nous voici à 55 ans d’indépendance, mais nos gouvernants, d’hier à ce jour, sont encore dans l’incapacité de doter notre pays d’un réseau national de chemins de fer adéquat, moderne et fonctionnel. Et la raison est bien simple, parce qu’elle résulte d’un manque de volonté évident et de détermination politique irréversible, de rupture et d’innovation. En vérité, tout cela ne justifie en fait, qu’une fuite en avant de responsabilités et d’engager fermement de grands travaux significatifs révolutionnaires, aux fins de grands bons qualitatifs à notre pays, vers l’émergence.
Mais pourquoi donc, des travaux si importants et d’une telle envergure économique comme ceux relatifs à la remise sur rails de nos chemins de fer, l’Etat se réfugie derrière ou s’attache les services d’un hypothétique repreneur ? Un repreneur, dont les capacités financières comme les compétences techniques, plus que douteuses, sont évidentes? Pourquoi par ailleurs, ceux qui ont en charge les destinées et la responsabilité de gouverner notre pays ne prennent-ils pas eux-mêmes courageusement à bras le corps, l’exécution de ces grands travaux ? Comme cela est de coutume et se pratique dans certains pays ambitieux qui veulent émerger ? Pourquoi, l’Etat du Sénégal, pour réinstaller et étendre la régie des chemins de fer dans tout le pays, ne peut pas s’appuyer sur l’expertise nationale avec l’aide de la coopération technique internationale de pays amis ? A titre d’exemple, je citerai la Chine populaire, pour son modèle de développement.
Dans le cas d’espèce, la remise sur les rails de notre régie nationale des chemins de fer est assurément, un défi fort intéressant à relever. C’est un vrai défi pour un gouvernement de rupture, qui a l’ambition de marquer son passage aux affaires et son époque aussi. Au passage et pour rappel, il est connu de tous, que l’histoire ne retient positivement dans ses annales comme bâtisseurs, que les hommes d’Etat qui ont eu à relever au cours de leur magistère, de grands défis remarquables, par la réalisation de grandes œuvres impérissables, comparables à ceux des travaux d’Hercule ou de Pharaon. Ou alors, de Mao Tsé Toung, à savoir comment il a pu transformer en moins d’un siècle, la Chine agricole de 1949, en première puissance économique mondiale aujourd’hui.
Les chemins de fer sont un service de transport public de premier ordre. Et, à ce titre, ils doivent relever exclusivement de la souveraineté de l’Etat. Ils doivent donc rester sous son contrôle strict, et être gérés dans les règles de l’art, avec une extrême rigueur et compétence à toute épreuve. Ceci pour des raisons bien simples, qui tiennent à son importance économique capitale et stratégique pour le développement d’un pays. Et également, pour la place centrale qu’ils doivent occuper dans le dispositif sécuritaire, d’assurer le transport des personnes et des marchandises en toute sécurité jusqu’à l’arrivée à bon port. Par ailleurs, comme tous les services publics tels que la Santé, l’école de la République, la sécurité, le transport public routier, à l’image de Dakar Dem Dik…, par conséquent, ils ne doivent en aucune façon, être entre les mains de privés, quels qu’ils soient.
Nous avons été depuis 2000, des témoins incontestables. Nous avons bien constaté, comment l’Etat tergiverse jusque-là dans un secteur stratégique et aussi capital de l’économie nationale, comme les chemins de fer. Et combien il perd encore du temps et d’argent en vain, dans la recherche hypothétique d’un repreneur crédible et capable de prendre en charge cette affaire. L’Etat peine depuis belle lurette à trouver une formule« magique » de montage, qui lui permettrait de remettre les chemins de fer sur de bons rails, aptes à satisfaire les besoins en tous genres et de tous les usagers. Et à ce jour, nul d’entre les candidats pour la reprise, n’a pu satisfaire, objectivement, aux critères optimums requis, pour être élu.
Cette gymnastique laborieuse de toutes ces années, vue sous l’angle du patriotisme économique, c’est une honte et absence de confiance en soi. Car, il est irresponsable de la part d’un Etat souverain digne de ce nom, de remettre un outil si précieux et un facteur stratégique aussi déterminant de développement économique, industriel, social, touristique et culturel d’un pays, à un singleton affairiste et aventurier, à la recherche d’une affaire juteuse.
Et pourtant, le Sénégal, même de l’époque coloniale, était doté d’une régie de chemins de fer apte, avec des cheminots compétents, qui ont conduit la régie à la satisfaction de ses utilisateurs, jusqu’à la décision malheureuse de sa disparition, prise par les autorités. Oui, elle était apte, parce qu’elle couvrait convenablement toutes les lignes régulières telles que : Dakar-Saint-Louis ; Dakar-Kaolack ; Dakar-Tamba-Kidira ; Dakar-Diourbel-Touba ; Saint-Louis- Louga-Linguère. La régie disposait de trains de voyageurs comme ceux de marchandises. A cela, s’ajoutait une ligne internationale régulière : L’Express Dakar- Bamako. Seul, le Sud du pays n’était pas servi par les chemins de fer.
Il est incontestable que la Régie des chemins de fer a joué historiquement un rôle très important dans la marche de notre pays, tant pendant la colonisation, que même dans les premières années de notre indépendance. Elle a beaucoup contribué dans les domaines du développement économique, social et culturel, nonobstant l’emploi d’une abondante main d’œuvre, qu’elle faisait vivre avec leurs familles. Et par ailleurs, comme moyen de transport public, la régie a, sans commune mesure, par ses prix abordables, facilité la circulation correcte et régulière des personnes et des marchandises à travers son réseau, et relativement, elle a rapproché les localités distantes, entre elles.
Curieusement, malgré cet apport hautement significatif du passé des chemins de fer, les autorités gouvernementales, du temps de Diouf, n’avaient rien trouvé de mieux à faire, que de commettre cette bêtise monumentale, consistant à démanteler la régie nationale des chemins de fer du Sénégal. Ce non-sens économique fait partie des graves erreurs de gestion commises par les socialistes. Le régime de Diouf avait, à l’époque, obéit docilement aux injonctions de la Banque mondiale et du FMI, au détriment des intérêts supérieurs de notre pays. C’était l’époque des recettes d’ajustement structurel et de la déconstruction des bases de l’économie sénégalaise, à des fins inavouées.
Mais, il est utile nous semble-t-il, de révéler que, c’était une complicité et machination orchestrées par les grands transporteurs routiers de l’époque. En effet, ils étaient tous, des militants très influents du PS. Et dans leur folle ambition de satisfaire leur cupidité et égoïsme et de s’enrichir au détriment de l’intérêt général, ils ont manœuvré Diouf au forcing, en « l’obligeant » à décréter la mort de la régie des chemins de fer, au profit du transport routier qu’ils contrôlaient. C’est cela, la triste histoire. Et l’amorce de la mort irréversible fut faite.
C’est ainsi que, Diouf a supprimé les rails des principales lignes ferroviaires, sacrifié le matériel ferroviaire (les rails, wagons, voitures et engins lourds d’entretien), laissé en décrépitude, le patrimoine bâti (gares, ateliers et autres immobilisations) licencié froidement, une bonne partie du personnel etc. Tout cela fut fait par Diouf. Paradoxalement, sans se soucier du tout, du crime économique et social sans précédent, qu’il était en train de commettre.
Me Wade, successeur de Diouf, est venu parachever l’acte criminel qui était en cours, en liquidant essentiellement la régie des chemins de fer dans le pays. Me Wade, premier informel, comme il se proclamait lui-même, a procédé à des montages économiques abracadabrants et fantaisistes, au profit toujours de ses amis. Comme tout cela était fait sans conviction, ce fut un échec patent qui maintenait la régie dans l’agonie et le Coma.
Macky Sall, le vainqueur de la 2e alternance, était fort attendu sur la question par beaucoup de Sénégalais, déçus du régime libéral, comme le porteur d’espoirs, des ruptures profondes et des conclusions des Assises nationales. Mais hélas ! Lui aussi tergiverse et fait du surplace depuis trois ans, à remettre les chemins de fer sur les bons rails. Quel dommage !
Mais, est-il sérieusement permis de penser un seul instant, que ces trois dirigeants aient pu perdre totalement de vue, l’importance exceptionnelle que les chemins de fer représentent effectivement dans le développement global et durable dans un pays, qui veut concrètement émerger ? Mais, ont-ils aussi perdu de vue que l’émergence exige fondamentalement, l’adaptation permanente de l’économie, du social et de la culture au progrès scientifique et technique en cours universellement ?
Imaginez ce que serait devenu aujourd’hui, certains pays d’Europe, d’Amérique, d’Asie et d’ailleurs sans réseau ferroviaire de chemins de fer diversifiés et au diapason de la technologie actuelle ? Il est bien établi et reconnu actuellement dans le monde, que le réseau ferroviaire, dans ses multiples versions en circulation, offre un moyen de transport rapide, confortable, sécurisé, fonctionnel le plus adaptable aux exigences de toutes sortes de transport. Le train est le seul moyen de transport de longue distance dans lequel on trouve tout le luxe nécessaire et souhaité. Le chemin de fer est un moyen de transport irremplaçable dans les circonstances actuelles, car il répond à toutes les formes de transport imaginable. Ce qui fait sa spécificité, c’est son caractère multiforme et adaptable, pour servir avec satisfaction toutes les branches de l’économie nationale.
Dans la perspective des ambitions et objectifs déclarés dans le cadre du PSE et au-delà, et compte tenu de la production record envisagée en produits agricoles dont le riz –autosuffisance alimentaire en vue-, il faut bien avoir des moyens de transport adéquats, au risque de les voir pourrir par endroits dans le pays. Les exploitations des différentes mines de phosphate et de fer, comme des futurs puits de pétrole et de gaz en vue, auront aussi besoin des chemins de fer et moyens de transport spécifiques pour régler définitivement la question de leur transport.
Mais, qui dit chemins de fer, dit logiquement, une grande capacité et volume de transport d’envergure en tous genres. Et, en raison aussi de la forte demande en main-d’œuvre de tous ordres, compte tenu des immenses besoins qu’un tel secteur exige et offre, c’est une source d’emplois directs et indirects inestimable.
Aujourd’hui, tous les pays du monde développent et modernisent leurs infrastructures, parmi lesquelles les réseaux ferroviaires, sur la base des progrès scientifiques et technologiques. Dans le même temps au Sénégal, le réseau ferroviaire est détruit ou quasiment inexistant. Et l’Etat, en lieu et place de mesures fortes, idoines et de pratiques fermes pour sauvegarder les intérêts du pays, non, il mène encore des négociations interminables et stériles sans lendemain sur le sort de la Régie. C’est pourquoi, il peine toujours à réhabiliter le réseau ferroviaire, comme il se doit, et le sous-estime comme priorité et apport considérable pour la réussite du Plan Sénégal Emergent (PSE), de la relance économique et surtout une révolution agricole.
Aujourd’hui, il est impensable, voire rare, de trouver un pays dans le monde, qui se respecte, sans un réseau ferroviaire performant, moderne, confortable, rapide. Par-dessus cela, il dispose d’une grande capacité et un volume de transport voyageurs et de toutes les autres formes de transport marchandises, allant des phosphates, minerais de fer, hydrocarbures, produits agricoles, du bétail, etc. Il offre en plus, en matière d’accidents par rapport à la route, qui tue beaucoup, plus de sécurité.
Enfin, Il faut aller maintenant au travail utile et à l’essentiel, donc taire les débats stériles politiciens qui empoisonnent toujours le pays !
Mandiaye Gaye
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