Le Mali aborde, avec les élections générales de 2012, un tournant décisif de son ère démocratique. Dans la perspective de cette échéance capitale pour notre pays, nous souhaitons engager le débat au tour de certaines questions de préoccupation nationale qui font, de nos jours, l’objet de beaucoup de commentaires dans les milieux politiques. Les élections de 2012 auront-elles lieu ? Comment ? Qui en sont les acteurs ? Les conditions sont-elles réunies ? Quels sont les handicaps ? Qu’est-ce qui est entrepris pour y remédier ? ATT voudra-t-il se maintenir ? Autant de questions que ne cessent de se poser des milliers de nos compatriotes.
S’il y a un sujet qui fait l’unanimité au sein de la classe politique malienne aujourd’hui, c’est bien le retard pris dans le déclenchement du processus électoral dans la perspective de 2012. Le sujet a tellement été discuté par certains acteurs au point d’irriter les nerfs de l’actuel locataire de Koulouba, qui finira par profiter des journées des communes, en mi-mars dernier, pour asséner ses vérités tant sur les raisons de ce retard que sur l’imminence de son départ le 8 juin 2012 après avoir passé le brassard à son successeur. Malgré cette sortie pour couper court aux folles rumeurs sur des supposées intentions cachées du président Amadou Toumani Touré de vouloir retarder la mise en route de la machine électorale pour se maintenir un peu plus au de-là de 2012, certains caciques des partis dominants (ADEMA, URD), n’ont cessé de prendre leur bâton de “berger” pour crier haro.
Des préalables aux élections
Le nouveau Gouvernement, investi le 13 avril dernier, ne pourra présenter sa Déclaration de Politique Générale (DPG) qu’en fin avril à cause des contraintes liées à l’installation des ministres. Des bruits de coulisses de l’Hémicycle nous renseignent que pour la session en cours, il y aurait, pour le moment, 56 projets de loi à examiner.
L’expérience nous enseigne qu’au cours des sessions ordinaires, l’Assemblée examine et adopte difficilement plus de 30 textes de lois (projets ou propositions). Ce qui suppose que la seule session en cours ne suffira pas pour éplucher tous les dossiers sur la table des élus de la nation. Il faudra une session extraordinaire peut-être (un mois tout au plus, selon la loi) pour traiter le reste des 56 dossiers. Est-ce réaliste ? Quand on sait que dans l’année, l’Assemblée Nationale a deux sessions ordinaires de trois mois chacune et une ou deux sessions extraordinaires au besoin. La session d’octobre étant exclusivement consacrée à l’analyse budgétaire. Qu’en sera-t-il des questions relatives à l’organisation des élections de 2012 ? Pour arriver à cela, les députés devront élire domicile dans le vestibule du parlement pour arriver à se prononcer sur des questions comme : le fichier électoral, les réformes constitutionnelles issues du CARI, le Recensement Administratif à Vocation d’Etat Civil (RAVEC)….
Par ailleurs, il est clair que le peuple malien aspire, de nos jours, à la bonne organisation des élections générales à venir, gage de quiétude sociale et de maturité démocratique (inutile de rappeler ce qui se passe dans d’autres pays où l’on assiste à longueur de journée à des massacres après des élections mal organisées).Il est aussi clair que toute la famille politique malienne souhaite que ces élections soient organisées avec les données du RAVEC pour permettre l’établissement des listes électorales fiables et des cartes d’électeurs personnalisées avec photo.
Des difficultés réelles
Nul n’ignore le rôle que doit jouer l’Assemblée Nationale dans la mise en route de ces différentes réformes engagées en partenariat avec toutes les sensibilités politiques de notre pays. Les législateurs auront-ils suffisamment le temps de lire entre les lignes le rapport de la Commission Daba Diawara pour harmoniser certaines questions restées en suspens ? Il faut rappeler que le rapport de Daba Diawara dit que l’inscription sur la liste électorale doit être libre. Tandis que notre système électoral fonctionnait sur le système d’inscription automatique (c’est-à-dire celui qui a 18 ans était automatiquement inscrit). Le RAVEC, quant à lui, est un recensement au niveau de l’état civil. A ce titre, il a pris en compte tous les fils du pays d’un jour et au-delà.
Pour que cette base de données serve pour les besoins des élections, il va falloir procéder à un travail de décantation pour transformer les résultats du recensement administratif à vocation d’état civil en recensement à but électoral. Ce qui risque de prendre assez de temps. Aussi, si cette option est retenue, elle sera en contradiction avec les résultats de la Commission Daba Diawara qui prônent l’inscription volontaire sur les listes électorales.
Une autre insuffisance des données actuelles du RAVEC (si cette option venait à être retenue) est le fait qu’il ne tient pas compte du lieu de résidence des Maliens enrôlés. C’est-à-dire de la proximité des gens par rapport aux centres de votes. Or, les réformes en cours doivent connaitre leur issue avant que l’on ne commence à réfléchir sur l’élaboration du nouveau fichier électoral. Les députés auront donc du pain sur la planche pour le temps qui nous sépare des prochaines élections. C’est pourquoi lorsque nous voyons les premiers responsables de cette institution, notamment les honorables Dioncounda Traoré et Younoussi Touré, s’agiter pour des questions de positionnement, on a la chair de poule. Eux qui sont chargés de donner leur caution au gouvernement sur toutes ces questions susmentionnées.
ATT a promis de passer le témoin à son successeur le 8 juin 2012. Il veut rester légaliste et échapper à la vindicte populaire. En bon soldat, il fera tout pour rester dans ce délai. Mais au cas où toutes les réformes en cours n’aboutiraient pas ? Que faire ? Faut-il forcer les élections et laisser derrière lui un pays dans le chaos ?
Si le Mali veut aller à tout prix à des élections dans 12 mois, il faut trois choses : la première c’est d’abandonner toutes les réformes constitutionnelles en cours et se focaliser sur le ficher électoral; la seconde, aller sur la base de l’ancien ficher électoral qui, malheureusement, est contesté par tous ; enfin la troisième, bien ouvrir les yeux et foncer vers l’aboutissement des réformes en cours pour aller aux élections avec toutes les garanties de transparence et de crédibilité.
Cette dernière option emprunte un chemin long, mais elle semble plus plausible avec moins de risque. La création d’un ministère en charge des réformes de l’Etat participe de cette dynamique.
Amadou OBOMTIMBE
Journaliste Indépendant