Elections consulaires à la Chambre de Commerce et d’Industrie du Mali : Les éclairages d’un expert du ministère du Commerce et de l’Industrie

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Siège de la CCIM

Les élections se font deux épisodes bien distincts : avant le scrutin (I) et après le scrutin (II).

  1. Avant le scrutin

Avant le jour du scrutin, il est procédé à l’élection des membres de l’Assemblée consulaire, autrement appelés délégués consulaires. Le nombre des délégués consulaires à élire ainsi que la répartition de ce nombre par section et par région est fixé par Arrêté du Ministre du Commerce et de l’Industrie organisant les élections et fixant le jour ainsi que les heures d’ouverture et de clôture du scrutin (Articles 15 et 16 du Décret).

Un mois avant le jour du scrutin, il est procédé au niveau de chaque région et du District de Bamako, à l’établissement des listes électorales et des listes de candidature par une commission présidée par un magistrat et comprenant  un représentant du Gouverneur, du maire de la Commune, de chacune des sections de la délégation régionale de la CCIM, de la Direction Régionale des Impôts, de l’Institut National de Prévoyance Sociale (INPS), de la Direction Régionale du Plan et de la Statistique, de la Direction Régionale de la Douane.

Il importe de souligner que les décisions prises par ces commissions ne sont susceptibles que d’un recours gracieux. En effet, le Décret ci-dessus visé ne prévoit aucun recours judiciaire contre les décisions prises par ces commissions, qui peuvent d’ailleurs poursuivre l’examen des réclamations faites devant elles jusqu’à la veille du scrutin ; situation qui, matériellement, ne permet point un examen judiciaire de la cause dans un délai utile si d’aventure elle était déférée devant les juridictions.

Cette absence de recours judiciaire à ce niveau s’explique par les raisons suivantes :

  • la date des élections est définitivement fixée par l’Arrêté du ministre et les listes étant publiées un mois avant cette date, il n’est pas raisonnable d’envisager qu’une décision judiciaire définitive puisse être rendue à la suite d’un recours qui peut être formulé devant la Commission à toute hauteur de ce seul mois, même à la veille du scrutin ;
  • la Commission d’établissement des listes électorales et des listes de candidature est une équipe composite, une technostructure comprenant en son sein presque toutes les compétences au niveau de l’Etat impliqués dans la connaissance des différents problèmes qui sont posés en cette matière ; toutes choses qui par nature sont un gage de fiabilité des décisions rendues ;
  • l’élection au niveau de la Chambre de Commerce et d’Industrie du Mali est une élection consulaire et, partant, requiert célérité comme en toutes matières relevant du domaine des activités commerciales et des affaires ; elle n’est pas une élection populaire réservée à tous les citoyens et ne saurait s’accommoder des règles qui régissent cette dernière.

Il est regrettable de constater le glissement opéré par la pratique en cette matière depuis 2006 consistant à exercer un recours devant les tribunaux contre les décisions des Commissions rendues suite aux réclamations faites devant elles.

Au-delà de toutes autres considérations d’ordre textuel, au regard du caractère collégial de la Commission et de la qualité de ses membres, l’on est en droit de se demander si une décision judiciaire rendue en cette matière peut être plus rassurante que celle contre laquelle elle est rendue.

  1. Après le scrutin

Avec la clôture du scrutin et la publication des résultats, s’ouvre une période qui se subdivise en deux séquences distinctes : un délai de contestation de la validité du scrutin devant le tribunal compétent (Article 27 du Décret) et une seconde phase pendant laquelle il est procédé à l’élection des membres du Bureau des Délégations régionales et du District de Bamako, de ceux du bureau national et l’installation solennelle de l’Assemblée consulaire (Les article 34, 49 et 28 du Décret).

  1. Les recours

L’article 27, du Décret susvisé en ses alinéas 2 et 3  dispose que «  Dans les quinze (15) jours suivant cette publication (Il s’agit de la publication des résultats faite par le ministre de tutelle) tout électeur ou candidat peut contester la validité du scrutin devant le tribunal compétent

Le Tribunal compétent se prononce dans les 8 jours de sa saisine. En cas d’annulation, il sera procédé dans les quinze jours qui suivent, à de nouvelles élections dans les circonscriptions où le scrutin a été contesté ».

Quelques observations sont à tirer de la lecture de cet article 27.

Il résulte clairement des dispositions de l’article 27 que le seul recours judiciaire prévu après la publication des résultats du vote a trait exclusivement au scrutin. Le scrutin est défini dans le lexique des termes juridiques comme étant « L’ensemble des actes constituant l’opération électorale proprement dite : il comprend le dépôt par les électeurs de leur vote, le dépouillement, la proclamation des élus ».[1]

Ainsi est exclu du champ du recours poste-électoral tout recours visant à remettre en cause la validité de la liste électorale et celle des listes des candidats. Les vices qui auraient pu affecter ces listes sont désormais couverts par la décision définitive de la Commission qui les a établies.

Tout autre recours qui n’ait pas pour objet le scrutin comme il vient d’être défini doit être déclaré irrecevable par la juridiction compétente.

La deuxième observation a trait à la qualification qu’il convient de donner au jugement prononcé par le tribunal compétent.

S’agit-il là d’un jugement en premier et dernier ressort, ou d’un jugement en premier ressort seulement ?

En disposant qu’il sera à procédé à de nouvelles élections dans les quinze (15) jours qui suivent l’annulation du scrutin dans une circonscription donnée, l’article 27 du Décret susvisé exclut toute possibilité de faire appel en faveur de l’électeur ou du candidat contre qui cette décision est prise ; car alors, il serait absurde d’organiser des élections sur la base d’une décision judiciaire non définitive. Rien n’empêche le ministre d’organiser une autre élection dès le lendemain de l’annulation du scrutin dans une circonscription donnée puisque la loi dit qu’il le doit faire dans les 15 jours qui suivent cette annulation.

En sens inverse, il est permis de penser qu’une décision judiciaire de rejet intervenant à la suite d’une requête en annulation de scrutin est également insusceptible d’appel.

La particularité des élections au niveau de la Chambre de Commerce et d’Industrie du Mali transparaît également dans le temps dont dispose le juge pour vider sa saisine. En décidant que le juge a huit (08) jours pour statuer et prendre une décision, le législateur est conforme à sa logique qui réduit le champ du recours au seul scrutin. Ce qui, au plan procédural, ne nécessite pas outre mesure d’investigations particulières, comme par exemple une consultation ou une expertise.

En définitive, l’esprit de la loi est de ne pas faire traîner en longueur le processus électoral s’agissant des élections consulaires. A cet effet elle a disposé de manière à ce que le contrôle de légalité de la décision du tribunal compétent par la Cour Suprême soit tardif,   sans objet.

  1. La mise en place des bureaux et l’installation de l’Assemblée consulaire

La dernière phase du processus électoral est l élection des membres des bureaux des Délégations régionales, du Bureau national et de l’installation solennelle de l’Assemblée consulaire. Seuls prennent part à ces élections les délégués consulaires, c’est-à-dire les membres élus à l’issue du scrutin du 27 juillet 2015.

Il revient au ministre de tutelle de convoquer ce second collège électoral. En effet, l’article 2 dispose que l’autorité de tutelle veille au respect par la Chambre de Commerce et d’Industrie du Mali (CCIM) des textes législatifs et règlementaires.

En ce qui concerne les Délégations régionales et le District de Bamako, il est permis de penser que leur bureau est mis en place avant le Bureau national, puisqu’il est dit que ce dernier comprend le Président de chacune des Délégations des Régions et du District de Bamako (Article 34, alinéa 1).

L’article 28 du Décret ci-dessus visé dispose que « l’élection des membres du Bureau et l’installation de l’Assemblée consulaire ont toujours lieu tant que la contestation ne porte pas sur plus du tiers des membres de l’Assemblée consulaire ».

Le même article en son alinéa 1er, dispose que la nouvelle Assemblée consulaire est installée dans les quinze (15) jours qui suivent le moment où une constatation n’est plus possible.

Il résulte de l’ensemble des développements qui précèdent que le Ministre de tutelle a est libre, à l’échéance du délai de quinze (15) jours de contestation prévu et de celui de huit (08) jours dont dispose le juge pour se prononcer, de convoquer les délégués consulaires pour la mise en place des différents bureaux et l’installation solennelle de l’Assemblée consulaire.

Bamako, le 19 août 2015

Adama Yoro Sidibé

Magistrat / Conseiller Technique au

Ministère du Commerce et de l’Industrie

[1] Vocabulaire juridique ;

Gérard Cornu, Association Henri Capitant, 6ème édition, 2004

 

 

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