L’objet du présent article n’est ni d’infirmer, ni de confirmer telle ou telle position, mais d’attirer l’attention sur une nécessaire prise en compte de la perspective de l’accord de paix que le Gouvernement vient de parapher.
En effet, les arguments qui avaient justifié les reports successifs des élections étaient entre autres : l’absence de l’administration dans plusieurs localités des régions de Gao, Tombouctou et Kidal et même de certaines régions de Mopti, la participation des réfugiés et des populations déplacées qui n’ont pas pu revenir en raison justement de la dégradation de la situation sécuritaire, jusque dans des localités de la région de Ségou.
A ces difficultés, s’ajoutent des contraintes liées à l’application des nouvelles dispositions du processus électoral, notamment le couplage des élections communales et régionales et le non cumul des candidatures aux élections communales et régionales.
Mais les implications sur les plans politique et juridique de l’application de l’accord de paix maintenant paraphé sur les organes des collectivités qui seront mis en place par les élections programmées, constituent des motifs importants pour intégrer l’avènement imminent de l’accord dans le processus électoral
En effet, l’accord, tel que paraphé, considère les collectivités territoriales dotées d’organes élus au suffrage universel direct et de pouvoirs étendus, comme le fondement de l’architecture institutionnelle. Comment peut- on donc concevoir qu’avant même la signature par toutes les parties de cet important engagement, on mette en place des organes de ces collectivités territoriales, même par le moyen d’élections crédibles et transparentes ? Quel sera l’avenir de ces organes dans le cadre de la mise en œuvre de l’accord, en ce qui concerne les collectivités ?
Certaines dispositions de l’Annexe1 de l’accord pour la paix relative à la période transitoire, rendent caducs les résultats des élections programmées. Il s’agit de la prise de ” mesures exceptionnelles ” en ce qui concerne l’administration des régions du Nord pendant la période transitoire d’une part, la provision relative à la nécessité de la continuité de l’Etat stipulant que les institutions actuelles poursuivent leurs missions jusqu’à la mise en place des organes prévus par l’accord d’autre part.
Mieux, la même Annexe 1 prévoit au cours de la période intérimaire ” … une révision de la loi électorale, de manière à assurer la tenue aux niveaux local , régional et national , d’élections en vue de la mise en place des organes prévus par le présent Accord “.
Il découle de ce qui précède, la nécessité d’intégrer la mise en œuvre des dispositions de l’Accord en ce qui concerne les Collectivités territoriales dans la réflexion sur le processus électoral. Une telle initiative est financièrement nécessaire et politiquement rentable.
Sur le plan financier, l’importance des fonds à mettre en place doit requérir une gestion rigoureuse de ces ressources en ces temps et dans des contextes si peu généreux.
Politiquement, elle permettrait aux pouvoirs publics de créer les conditions de l’émergence d’une ” volonté politique nationale ” largement partagée par les acteurs politiques et les citoyens en mettant en débat les interrogations des uns et des autres. Notant que certaines de ces interrogations ne sont pas dénuées de fondements, les pouvoirs publics doivent créer des passerelles afin que, si non tous les acteurs politiques et les citoyens, du moins, une grande majorité de ceux-ci, se reconnaissent dans le processus et dans l’instrument qui l’incarne.
Pour cela, il conviendra de faire de la résolution durable de ce conflit, une CAUSE NATIONALE qui transcende les clivages partisans, les options idéologiques, l’arrogance du régnant et les amertumes de l’opposant.
Moussa Makan CAMARA,
Ancien ambassadeur, président de la Fondation Balanzan