Dans leur longue recherche des causes du niveau inacceptable des élèves de l’enseignement secondaire, nombreux sont ceux qui conclurent que cette crise est consécutive à la mauvaise qualité de l’enseignement reçu à l’école fondamentale et, précisément, au premier cycle, ceci étant la base de la formation. Outre, le système éducatif se trouve dénigré.
Certes, leur formation est remplie de défections graves. Quelle est donc la principale cause de cette dégringolade du niveau des élèves de l’enseignement secondaire ? Notre réflexion tentera de répondre à cette question.
Il est à signaler que sur cette question angoissante, les points de vue divergent. D’aucuns imputent la faute aux enseignants qui seraient carrants. D’autres attribuent la responsabilité aux parents d’élèves qui seraient moins soucieux de l’éducation de leurs enfants ainsi que le manque de volonté chez les apprenants. D’aucuns iront jusqu’à incriminer le gouvernement qui est jugé trop passif devant l’impasse. Toutes ces opinions pourraient se justifier d’une manière ou d’une autre. Mais le hic est que chacun de ces avis ignore la racine du mal pour se focaliser sur ses feuilles, c’est-à-dire, on ignore la cause principale pour s’attaquer aux conséquences. Il n’y a d’autres causes aussi importantes que le pédantisme manifeste des manuels scolaires écrits par des prétendus lettrés qui ne tiennent pas compte des mentalités des innocents, qui ne savent pas ce que c’est qu’un enfant et qui veulent se faire voir comme des historions avec des expressions savantes et vaines. Cela étonnera certainement certains de nos lecteurs, mais point n’est besoin de s’étonner quand on sait bien constater les choses. J’admets toutefois que s’étonner de mes propos apparemment étranges est, en quelque sorte, raisonnables puisque les oreilles ont coutume d’entendre clamer urbi et orbi que la lecture permet, à coup sûr, à un élève d’améliorer son niveau, de rendre simple le complexe, de rendre clair l’obscur. Quelle controverse ! Cela se conçoit dans la mesure où les textes à lire sont écrits pour les élèves. Or, c’est ce qui ne se fait pas au Mali. Par voie de conséquence, la lecture, loin d’instruire l’élève, l’affole et devient un levier important pour la promotion de son ignorance.
Certains diront que c’est là les propos d’un égoïste, un jaloux ou un quelconque malveillant. Non ! Loin s’en faut ! C’est tout simplement l’analyse objective d’un jeune étudiant qui a fait des recherches et posé des questions aux anciens instituteurs. En effet, j’ai trouvé tout à fait loisible, au terme de mes enquêtes, d’informer mes compatriotes pour le bien de notre école.
Je disais tantôt que les manuels scolaires des classes de première, deuxième, troisième et quatrième années n’étaient pas à la portée des élèves et, même souvent, trop compliqués pour les maîtres à cause du grotesque pédantisme de leurs auteurs au niveau des expressions trop savantes qui, loin d’aider à faciliter l’enseignement, sert à dérouter l’élève et fait de lui un « Émetteur de bruits » et non un parleur de langue, car il ne fait que réciter sans comprendre.
On peut me comprendre ici sans coup férir. Retenons un peu dans ces dits manuels scolaire et essayons ensemble de donner des os solides à notre thèse.
Mon enquête m’a montré que 95% de ces ouvrages sont émaillés d’expressions extrêmement lourdes pour les élèves et même les étudiants et les maîtres de l’enseignement fondamental ; pire, des maximes qui ne peuvent pas être comprises que par des hommes mûrs. A quoi bon de s’adresser aux innocents de sept ans au maximum avec des expressions comme celles-ci : « Travail intense ; l’hyène tenaillée par la faim ; il faillit entre passer tu ferais maigre chère, rire tout son soûle ; le marche grouillait de monde … ».
Un élève de la troisième année, par exemple, que peut-il comprendre dans ces précocités ? Rien. Il serait plus utile de lui dire que « Maman a préparé des gâteaux qu’on mangera à midi ». La communication excite-t-elle sans intercompréhension ?
Remarquez ces autres expressions : « étrenner ses boubous ; l’atmosphère « devient intenable ; l’air est chargé d’électricité ; malgré hétéroclite de marchandises arbres séculaires ; spectacle féerique ; le pêcheur à élu domicile auprès du fleuve ; postés à l’orée du bois… ». Ne serait-il pas mieux de parler avec ces termes aux enfants parlant français comme langue maternelle ? S’il faut parler avec, ainsi, à ceux qui le parlent comme langue officielle, qui mériterait d’être abordé par ces expressions mises, les docteurs et les universitaires au moins ? Personne, je dis. Je vais trouver dans chacun de ces livres et dans chaque texte qu’ils contiennent des expressions de ce genre qui donnent le fil à retordre même à des étudiants.
Peut-on oublier les rébarbatives maximes pour les enfants pour lesquels sont élaborés les manuels scolaires ? Je n’en citerai que deux : « la patience est un chemin d’or » ; « le travail de terre est rude, mais ne dit-on pas que la terre parle donc pour mentir jamais ? ». L’enfant, tout candide, se demandera alors : la terre parle donc pour mentir ? Que signifie la patience ? Que signifie la patience ? Il y a alors un chemin rempli d’or, on peut donc avoir un chemin même à un endroit où il n’y a que de l’or comme en Eldorado !
L’étourdissement que peuvent provoquer ces livres est donc mis en exergue. A cela s’annexent les fautes grammaticales, terminologie et les mots dont l’encyclopédie demande encore le sens tant, le pédantisme à débordé son vase, aussi que des mensonges que l’enfant prendrait pour argent coptant jusqu’à la fin de ses jours.
Il prend pour preuve cette conjonction de subordination : « Malgré que… » Cela est-il français ? Jamais .Il fallait dire « Bien que… ». Ce qui est plus admirable dans cette affaire, c’est l’incurie chronique des académies d’enseignement et des CAP. Sont-ils au fait de ces choses ?
Les ouvrages indiqués sont-ils soumis à leur appréciation avant leur publication ? De toutes façons, il y a lieu d’accuser ces deux départements, car tout porte à croire qu’ils ne sont jamais prononcés sur la question de la réalité de l’école, partant leur devoirs ; s’ils en sont conscients, cela dit qu’il n’ y a pas de personne se basant sur la distinction entre le mal et le bien en matière d’enseignement. Et le feu vert est toujours allumé pour les livres de ce genre qui gagnent continuellement de l’importance dans nos écoles.
De surcroît, le maître, ne voyant les dangers que comportent ces « poisons », s’entête à forcer les enfants à comprendre ce qu’eux- mêmes ignorent souvent.
Ils veulent que les innocents prononcent bien, vaille que vaille, les mots difficiles, trop difficiles même, pour certains lycéens. La moindre maladresse chez les apprenants leur vaut des châtiments trop cruels et barbares. Le système est très facile à cerner. Un chef terroriste fournit une arme au bourreau qui s’en sert pour anéantir les innocents.
Je ne saurai faire le black- out sur la présence d’esprit de certains anciens instituteurs qui ont silencieusement fustigé ces mauvaises attitudes parmi lesquels Mr Guindo qui nous confie : « Ma fille fait la 3ème année, elle sait lire plus ou moins bien ; mais elle a toujours zéro en dictée et elle ne connaît le sens d’aucun mot dans son cahier ou son livre ».
Nombreux sont d’ailleurs les instituteurs qui attestent la véracité de cet avis. Il lance donc un appel à nos pédagogues, aux auteurs s du manuel scolaire sans prétention aucune ; je leur parle avec considération et respect même. S’il y a dans mon article quelques mots agressifs, par endroit, je les prie, récepteur ou lecteur, pour que leur message puisse arriver à destination et qu’ils puissent produire un effet positif.
Que nul ne se sente offensé ici. Le bonheur d’un peuple implique la contribution de chacun. Après le pain, l’éducation est le premier besoin d’un peuple, le problème des enfants doit mettre en alerte chaque citoyen. Songeons à laisser à la postérité un avenir radieux par nos efforts et notre esprit de patriotisme. « Le bonheur par le labeur fera le Mali de demain », lit-on dans notre hymne national.
Abdoul Niang, Etudiant à la FLASH, lettres modernes.