Éclairage pour le pouvoir du président IBK : “La baisse du niveau général de la corruption est subordonnée à une amélioration sensible des salaires”

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semega sikou 2L’attente des maliens est immense. Mais elle peut se résumer aux problèmes économiques qui ont pris particulièrement ces dernières années une acuité forte.

Je crois comprendre que les maliens recherchent une forte baisse des prix. Prix des denrées alimentaires de première nécessité, accès à l’eau courante et électricité moins chers.   Également, le peuple  appelle de tous ses vœux, l’accès à des services de santé de bonne qualité et à un prix à leur portée. On pourrait étudier la possibilité du déploiement de la couverture médicale universelle.

 

 

Un autre problème nouveau accule les populations urbaines mais aussi rurales : la pollution, celle due à la non-collecte ou à la collecte inappropriée des ordures ménagères et industrielles. On  peut aussi ajouter l’attachement des  maliens à conserver l’intégralité du territoire national – la fierté nationale est en jeu. Un autre pseudo-problème est la corruption. Pseudo, car il s’agit d’une externalité de la pauvreté et de l’insécurité économique.

 

 

Les populations souffrant de faim et de précarité, ne supportent plus les malversations financières, auxquelles se seraient livrés nombre de bandits à col blanc. Bien sûr, d’autres problèmes sont à recenser : le contrôle de la qualité et l’institution d’une norme (sanitaire ou de conformité) sur les produits alimentaires, pharmaceutiques, etc. Un des vœux ardents reste l’effectivité des droits humains, l’équité des tribunaux, la suppression des abus policiers.

 

 

En dernier lieu, je veux citer le problème de l’école malienne. Je ne peux en citer davantage comme la rénovation des institutions et des infrastructures, la hausse attendue des salaires… etc. Nous avons déjà là un joli paquet de questions à penser. Alors, quel angle d’attaque ?

 

 

Prenons la pauvreté. ”Les gens sont pauvres” signifie qu’ils n’ont pas suffisamment de ressources matérielles pour résoudre les contraintes appelées par leur existence. On va donc s’attaquer à la question de la possession. La possession matérielle. Hormis les grands espaces urbains,  la possession au Mali et en Afrique de l’Ouest,  ne résulte pas de l’échange marchand, par l’entremise de la monnaie. Mais elle est médiatisée par la production agricole ou le troc. On conclut à une faible prégnance de la logique marchande dans les pays profonds du Mali.

 

 

Dans les espaces urbains, au regard des taux de chômage ou d’absence de travail, on conclut que la possession a largement comme support les solidarités traditionnelles (familiale, religieuse, etc.) Là aussi, nous concluons  à un niveau insuffisant de ”l’échange marchand comme moteur de la possession”.

Dès lors, émergent de ce type de possession, nombre de phénomènes et de pratiques sociales, comme externalités non souhaitées – la corruption, par exemple.

 

 

Mais avant d’aller plus loin, on note que le support de ces solidarités, qui compromettent l’avènement du dynamisme économique, reste d’ordre anthropologique : l’organisation sociale des hommes : le fait des familles élargies. Autrement formulé, il est illusoire d’espérer ce grand dynamisme et la fin des corruptions sans le délitement d’une certaine forme d’organisation sociale – les familles élargies et les solidarités traditionnelles.

 

 

Il faudrait donc que l’État malien se donne comme véritable objectif de politique publique, l’émergence de la société des individus. Autrement dit, l’effectivité de l’individualisme. Autrement dit, la transformation du citoyen communautariste en individu égoïste doté de responsabilités économiques, politiques, juridiques et sociales. C’est-à-dire un individu créant de la richesse et non une personne humaine prise dans l’étau de l’assistanat, et dénués de dignité.

 

 

L’État peut aider à cela. Il faut casser les solidarités traditionnelles. Réviser la politique de l’habitat et du cadastre. Proposer des terrains plus petits, décourager par une éducation publique le fait des familles élargies, en mettant en avant les bienfaits de la famille nucléaire, comme porteuse d’espérance, d’avenir et de richesse (possibilité d’épargne et d’investissement).  On peut aussi construire dans les mentalités,  c’est-à-dire dans l’imaginaire des collectifs, une image fort dégradante de la personne qui ne va pas (chercher à) travailler,  de celle qui se complait dans l’assistanat par le biais des solidarités traditionnelles.

 

 

De même, on doit fortement négativiser l’image de toute famille non nucléaire. Ce, surtout à l’endroit des jeunes – pour assurer la transmission culturelle et générationnelle des valeurs nouvelles recherchées.

 

 

Monsieur le Président,

Je tiens à vous affirmer que si l’Afrique échoue depuis soixante ans, c’est parce que les importations de modèles institutionnels, telles des greffes,  ne collent pas aux structures socio-anthropologiques d’accueil.  Autrement dit, ces modèles et politiques sont rejetés comme un greffon car ils ne s’apparentent pas aux structures sociales, anthropologiques  et culturelles.

 

 

Donc un vrai travail, celui consistant à rechercher de la prospérité et du dynamisme économique, passe obligatoirement par une analyse minutieuse de la donnée socio-anthropologique et culturelle.

 

 

J’affirme qu’on ne peut pas durablement casser les solidarités traditionnelles sans proposer à leur place des prestations sociales telles que le revenu minimum de subsistance (type RMI) et même une couverture maladie universelle conditionnée à un revenu.

 

 

J’affirme que si les solidarités traditionnelles ont la vie dure, c’est parce qu’elles se nourrissent précisément du fait des insécurités économiques. Lesquelles disent nécessairement la présence de risques et d’aléas inextricables sur la santé et la poursuite même de l’existence.

 

 

Pourtant, sans être un véritable socialiste, pour amorcer le progrès et le dynamisme économique, je recommande  l’implémentation de politiques sociales —  CMU, RMI, logement social.

 

 

Quant à la corruption, il faut noter qu’elle aussi, se nourrit des insécurités économiques et sociales (bas salaires, infrastructures sociales et médicales désuètes…) mais aussi de la mémoire des insécurités économiques et sociales. Pour enrayer la corruption, il faut donc partir à la source.

 

 

Réussir d’abord l’implémentation  de politiques sociales telles que je l’ai affirmé plus haut. Ce qui est, en fait, une forme de redistribution sociale et efficace de la richesse nationale. Mais on n’oubliera pas que ces politiques sont implémentées dans le but de casser les solidarités traditionnelles. L’État doit se substituer à elles.

 

 

In fine, on retiendra que l’État doit augmenter  le niveau général des salaires publics. Pour le privé, voter un salaire minimum, et faire respecter les textes régissant le travail.

 

 

La corruption est un détournement du contrat  qui lie un agent à son patron (l’État, l’entreprise, etc.)  Le corrupteur devient alors le concurrent  le plus proche du principal (c.à.d. le patron) pour capter la rente de l’administration ou  du service confiée à l’agent. Le corrupteur use justement du pouvoir discrétionnaire dont jouit l’agent, en vertu de sa position ou de son rang dans l’administration.

 

 

Sans entrer dans le détail, on démontre que la baisse du niveau général de la corruption est subordonnée à une amélioration sensible et durable des incitations salariales et des conditions de vie des agents de l’État ou du privé.

 

 

En clair, si le policier régulant la circulation sur la voie publique accepte d’être soudoyé, c’est parce que son salaire n’est pas suffisant pour le tenir à l’abri du besoin. Il va donc préférer un contrat officieux ou sous-terrain dont la rente va directement dans sa poche, au lieu de la caisse publique ou celle de l’entreprise.

L’institution d’un système de protection sociale de type beveridgien  (non exclusivement  bismarckien) et une sensibilisation publique durable sur les méfaits de la corruption suffisent à endiguer durablement le fléau (de masse aussi bien que des cadres).

 

 

Enfin, il reste le problème relatif à l’inflation (la montée des prix), et ceux annoncés plus haut. J’en réserve la discussion dans une publication ultérieure si vous m’en faites la demande.

Son Excellence, je vous prie d’agréer l’expression de mes cordiales considérations.

Par Sikou SEMEGA, professeur d’économie à Paris

Commentaires via Facebook :

6 COMMENTAIRES

  1. Cher Semega vous êtes vraiment marrant, vous plaidez pour un développement à l’occidental, où l’homme vit pour travailler et non le contraire, vous plaidez pour cette société où vos enfants grandissent entre les mains d’autres personnes parce que quand vous rentrez et repartez au boulot ils dorment, le modèle occidentale a montré toutes ses limites, si tu connais bien le Mali c’est l’un des pays les plus capitalistes au monde, pire que dans les pays occidentaux, si un malien peut s’enrichir et qu’en contrepartie 100.000 meurent au sens propre il n’hésitera pas une seconde, le fait qu’un pays de 14 millions d’habitants et environ 5 millions d’expatriés ait été défait par moins de 3.000 hommes en dit long cet individualisme sans limite, les budgets sont votés mais l’argent tombe dans les poches d’individus,par exemple le Niger est loin d’être plus riche que le Mali et fait frontière avec la Libye qui était en guerre civile pendant 8 mois avez-vous entendu dire qu’un seul village nigérien est tombé entre les mains des assaillants alors qu’ils ont toujours comme nous eu eux aussi une rébellion, ce que les occidentaux ont mis des siècles à faire on ne pourra pas le faire en quelques décennies et de toute évidence seuls les effets pervers du capitalisme se sont développés.

  2. IBK SI LES MALIENS NE VEULENT PAS TRAVAILLER ALORS REMPLACE LES PAR D AUTRES POINT BARRE !!!!!!!!!!!!!

    DE TOUTE FACON ILS SONT FAIT POUR LE COMMERCE ET LA FINANCE PAS POUR L ADMNISTRATION

  3. non non non !!!!!!!!!!

    on vient a l administration pour servir son pays pas pour l argent !!!

    sinon on va ds le privé ou on s associe pour créer des entreprise!!!!!!!!!!!!

    je connais bcp de jeunes etrangers africains egyptien libanais tunisien lybien aujourd hui desoeuvre qui sont pret a accpeter le job et a travailler dur pour y rester!!!!!!

  4. Bien à vous,

    je m’insurge contre cette analyse sur la lutte contre la corruption. La corruption n’a rien à voir avec le niveau des salaires.Il faut que les gens comprennent qu’on doit organiser sa vie selon ses moyens et éviter les dépenses inutiles. La preuve l’argent détourné ne sert qu’à acheter voiture,villa et voyage pour les copines et des vacances sulfureuses pour les enfants.
    le POISSON commence par pourrir au niveau de la tête. Qu’est ce que les ministres ne gagnent pas au MALI, mais cela ne les empêche pas de voler.
    LA CORRUPTION C’EST UNE QUESTION D’ÉDUCATION, ET QUE CEUX QUI LE FONT DOIVENT PENSER D’ABORD AUX DÉSASTRES QUE LEURS ACTES VONT CAUSER AUX AUTRES PERSONNES.

  5. Je partage plusieurs points abordés par l’auteur de cet éclairage. Cependant, il y a quelques dont sur les quelles je ne suis pas d’avis:
    Ériger la famille nucléaire comme seul modèle de famille au Mali. C’est vrai que beaucoup de nos concitoyennes de mauvaises (paresseux, voleurs et autres …) profitent de notre système de solidarité traditionnel. Cela ne veux pas dire pour au tant qu’il faut le supprimer, mais contraire appliquer rigoureux nos bonnes valeurs séculaires :
    – Interdiction de voler, de mentir, de tricher, de trahir etc…
    – Interdiction d’user inconsciemment du fruit du travail fait par qu’un d’autre
    – Interdiction de toucher à la femme d’autrui
    – etc …

  6. Analyse tres pertinente et juste! J’ajouterais seulement qu’il faudrait encore une fois, proceder a un degraissement des effectifs de la function publique pour permettre a l’etat de remunerer ses agents de maniere coherente pour que le salaire puisse permettre de faire vivre les agents. Nous autres qui avons claques la porte de la function publique malienne pour prendre le chemins de l’exil, sommes partis tout simplement parce que pour survivre au Mali, il faut participer a la grande magouille de l’etat! Esperons que IBK vous entende et qu’il beneficie encore une fois de l’accompagnement sincere de la France!

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