Le 19 juillet 2018 aurait dû être une date historique pour la Nation congolaise. Une date de rupture, de divorce d’avec les tares qui nous tirent vers le bas. Un moment de communion entre héritiers d’une terre bénie, de réconciliation nationale, et de projection collective vers un avenir commun de travail bien fait, de progrès économique et social. Il n’en a rien été, malheureusement. Car, une nouvelle fois, le Président Kabila a, ce jour là, fait la sourde oreille aux cris de détresse et de désespoir du peuple congolais qui n’a pourtant pour lui qu’une seule et simple demande : clarifier les perspectives politiques du pays pour permettre la tenue d’élections transparentes et apaisées.
Au lieu de cela, le Président a choisi de renforcer sa réputation de gouvernant par défi, préférant prononcer un long discours sans pertinence sur les grandes questions de l’heure. On en est sorti sans les réponses qu’on attendait, spécialement sur sa possible participation à la course pour la prochaine présidentielle. Du coup, la tension est remontée de plusieurs crans dans la cité et les scenarios apocalyptiques se sont remis à l’ordre du jour.
Où allons-nous ? Telle est désormais, et plus que jamais avant, la grande question que tout le monde se pose. Une question qui rime, bien entendu, avec incertitudes politiques renforcées, fuite des capitaux, activité économique en berne, et accélération de la paupérisation de nos populations.
En bout de course se cristallise, en cette fin de juillet, l’arrière-goût de désespoir national omniprésent, malsain, exécrable, qui nous colle à la peau, sur les langues. Un sort injuste pour ce peuple congolais qui a pourtant tout pour être heureux, vivre en paix et, pourquoi pas, dans l’opulence. Comme je l’ai dit à plusieurs reprises et ne cesse de le répéter, pareilles perspectives, si sombres, ne peuvent être une fatalité pour la RDC. Nous devons les conjurer, changer la donne et faire de 2019 l’année de la refondation de la Nation, d’au revoir à l’impunité sans limite, d’adieu à la mal gouvernance généralisée, du retour au travail.
Au regard du contexte actuel et de son bilan catastrophique, il me parait clair que le Président Kabila ne peut désormais plus faire partie de la solution. Lui qui est allé jusqu’à gaspiller les deux années additionnelles qu’il s’est indument octroyées à la tête du pays après ses deux mandats constitutionnels entamés en 2006. En effet, si les perspectives du pays étaient difficiles en septembre 2016, ne sont-elles pas pires en cet elanga 2018?
Congolais et patriotes, l’égoïste discours du 19 juillet 2018 nous a taillé les entrailles. Comme économiste, cette allocution m’a coupé le souffle. En effet, certaines statistiques-clés qui y sont mises en avant pouvaient être mieux exploitées pour éviter la confusion entre valeurs nominales et réelles, entre chiffres absolus et grandeurs relatives. L’exploitation qui en a été faite dans le discours est soit malhonnête, soit inepte et, donc, médiocre. Pour un pays qui regorge d’économistes et statisticiens de talent, un tel affront ne peut s’expliquer.
Il sied notamment de noter que le PIB congolais de 3,4 milliards de dollars américains en 1960 équivaut à environ 29 milliards de dollars américains de 2018. Avec une population de 15 millions d’habitants, la RDC avait donc à l’indépendance un PIB par habitant d’environ 1900 dollars américains de 2018. Un PIB par habitant qui est aujourd’hui de moins de 500 dollars. Dans ces conditions, peut-on dire, comme l’insinuait le discours du Président, que le quotidien du congolais est en 2018 mieux qu’il ne l’était en 1960? Que non!
De tels errements conceptuels handicapent la compréhension des défis auxquels notre pays est confronté. Ils ont un impact catastrophique sur les choix des politiques publiques de nos dirigeants. Leur temps est révolu. Celui du changement vrai pour un nouveau Congo, géré autrement, c’est maintenant.
Fait à Kinshasa, le 25 juillet 2018.
Professeur Freddy Matungulu Mbuyamu Ilankir