Dr. Aly TOUNKARA, Maître de conférences à l’Université des Lettres et des Sciences Humaines de Bamako : «Le Mali kura tant brandi ne rime pas avec certaines pratiques d’un autre siècle »

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De la restructuration de l’École Doctorale au Mali à l’émergence d’une certaine mafia académique

Les autorités universitaires ont décidé de créer une nouvelle École Doctorale « Droit-Économie- Sciences Sociales- Lettres et Arts » du Mali- ED-DESSLA- MALI. Une initiative saluée par plus d’un. Cependant, à la grande surprise des doctorants et du monde académique, au sens propre du terme, l’avis (en date du 27 décembre 2022) d’ouverture des inscriptions, au titre de l’année 2022-2023, fixe les frais de soutenance à 1 200 000 FCFA, à raison de 200 000 FCFA par membre du jury (soit 200 000 FCFA × 6). Ces frais sont différents de ceux relatifs à l’inscription annuelle (le cycle doctoral s’étendant en moyenne sur trois ans), estimé à 1 75 000 FC. Pour autant, faut-il le rappeler, cette pratique tant décriée a aussi cours dans certaines facultés publiques alors que tous les textes légaux qui encadrent l’Education au Mali insistent sur son caractère public et gratuit. Cette situation fort regrettable pousse certains impétrants à la recherche vaine et effrénée d’une hypothétique bourse.

Ce faisant, on peut opposer aux auteurs de cette maladresse académique imprescriptible les arguments suivants :

-ceux qui sont à la base de cette initiative ont tous étudié aux frais du contribuable malien. Par ailleurs, ce sont des professeurs qui ont lu leur thèse et accepté de siéger dans leur jury de soutenance et non des robots. Ces professeurs n’ont pas été rémunérés à cet effet parce qu’ils percevaient ou perçoivent déjà des primes d’encadrement qui couvraient ou couvrent les frais de la soutenance.

-l’histoire retiendra qu’une certaine élite intellectuelle a ordonné de faire payer aux impétrants une somme d’un million deux-cent mille francs CFA (1 200 000 FC) afin d’obstruer l’ascension sociale des étudiants brillants parce qu’ils sont issus de milieux défavorisés, leur seul tort étant d’être pauvres.

-les universitaires ont le droit de demander de meilleures conditions de travail pour être en mesure de produire efficacement et pertinemment, mais ils ne devraient pas considérer les apprenants comme des bêtes de somme.

-le ministre de l’Enseignement supérieur et de la recherche scientifique, au nom de l’éthique académique et du fait qu’il a des doctorats sous sa direction scientifique, devra rappeler ces « entrepreneurs universitaires » à l’ordre, car le Malikura tant brandi ne rime pas avec certaines pratiques d’un autre siècle.

-restons du bon côté de l’histoire. Si cette somme nous avait été demandée, à chacun d’entre nous, serions-nous au niveau où nous sommes rendus aujourd’hui ?

-Si l’on veut basculer vers le système anglo-saxon tant vanté, en termes du coût à supporter, la démarche entreprise n’a rien de commun avec celle qui a cours dans le système anglo-saxon et il serait judicieux de se renseigner avant d’opérer une mesure qui a tout l’air d’une mesure censitaire.

Bamako, le 01 janvier 2023.

Dr. Aly TOUNKARA, Maître de conférences à l’Université des Lettres et des Sciences Humaines de Bamako.

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