Dans une contribution qu’il nous a fait parvenir, Dr Aly dit Agali Welé, l’ancien Secrétaire exécutif régional de lutte contre le Vih-Sida, non moins ancien Chef de programme concerté santé-Mali de la coopération française, ex Coordinateur Santé de Amnesty International-Mali exhorte la classe politique à une nouvelle forme de participation citoyenne.
Pour relever les défis actuels, une nouvelle forme de participation citoyenne doit se mettre en action. C’est pourquoi je demande aux Maliens, un engagement politique suffisant pour entamer " 2012" avec plus de chance et d’équité. J’invite spécialement les femmes et les jeunes à s’impliquer dans la gestion publique. C’est une nécessité pour que le feu vert s’allume pour notre chère patrie.
– Avez-vous pensé vous engager dans la politique ?
C’est bien gentil de se battre dans son coin. Mais pour changer la société dans sa logique globale, il faut que nos idées accèdent aux leviers de commande. D’où la nécessité de relancer le débat politique à partir de nos réflexions. Pour consolider notre démocratie, pour réveiller les consciences, il faut intervenir sur la place publique, énoncer à la tribune ses idées, les faire approuver par le vote. Il est temps de proposer une nouvelle politique dont la pierre angulaire serait la démocratie active.
Il est urgent, dans la mesure où cela correspond à une attente, de fonder un courant de pensée qui réfléchira à des solutions concrètes pour sortir notre société, notre chère patrie de sa torpeur, pour l’aider à surmonter ses angoisses.
Il nous faut des femmes et des hommes de terrain, rompus à des expériences novatrices, dégagées des appareils politiques qui ne semblent plus en situation d’intégrer de nouveaux repères.
L’urgence nous guide. Il est clair que la montée des intolérances appelle une prompte réaction de tous les démocrates, de tous les patriotes , de tous les humanistes.
Nous manquons, dans le paysage politique actuel, de démarches pragmatiques pour amorcer le virage " 2012 " en gardant le feu rouge:
– Les uns évoquent des idées générales mais dépourvues des moyens de leur application concrète ;
– Les autres invoquent la crise pour justifier tous les dysfonctionnements et se contentent d’une gestion du quotidien;
– Mais nombreux sont ceux qui, dégoûtés du blocage des partis traditionnels, s’inscrivent dans des projets concrets et réalisent en petit, contre vent et marées, ce qu’ils rêvent de voire naître en grand.
Les citoyens doutent de la démocratie car le pouvoir de l’argent s’infiltre dans toutes les pratiques, toutes les consciences, sans que les hommes politiques au pouvoir ne puissent rien y changer.
Une recomposition politique qui permettrait aux réformistes de terrain de s’unir pour revivifier la pratique démocratique est bien possible. Il faut bâtir, pour consolider nos institutions politiques, une démocratie de proximité. Faire en sorte que les gens, au quotidien, se sentent à nouveau maîtres de leur destin.
Il convient de faire connaître nos idées, de relancer un débat qui semble atone aujourd’hui. La tribune politique doit demeurer le lieu de ce débat. Car il ne faut pas cultiver le rejet de la classe politique et verser dans le sentiment que les politiciens sont "tous pourris ".
Nous regrettons un vide d’idées, une carence de la pensée politique, un défaut de visions alternatives.
Les hommes politiques seraient tentés de dire à l’électorat : " le chômage monte, l’exclusion se développe, mais nous n’y pouvons rien. " Bien entendu, personne ne peut se permettre publiquement ce constat d’impuissance. Aussi rabâchent-ils des discours auxquels ils ne croient plus eux-mêmes.
Chaque mois sort une idée qu’on voudrait faire passer pour neuve, sans qu’apparaisse clairement la vision d’ensemble qui sous-tend telle ou telle réforme. Le pari démocratique, c’est de lutter contre la désintégration de nos sociétés. Des réformes nombreuses, inspirées d’expériences concluantes, peuvent être envisagées pour unir des forces généreuses.
La puissance publique doit envisager l’initiative locale, faire en sorte que tous les citoyens se réinvestissent dans les projets qui les concernent directement. Sans quoi, la rupture sera consommée, et les aventures politiques extrêmes se développeront.
Vous semblez redouter la montée de ces extrémismes ?
De la réponse à cette interrogation, je tire une conviction. Il faut éviter à tout prix :
-qu’une partie importante de la population ne se retrouve exclue de la communauté ;
-que les attaques sur la probité de la classe politique se transforment en un doute plus grave sur la pertinence de la démocratie ;
-que les débats des idées se vide au profit d’une pure lutte pour le pouvoir ;
-que s’instaure un pouvoir sans contre -pouvoir qu’agisse une autorité sans contrôle extérieur, que décide une élite sans légitimité démocratique.
La démocratie active répond à des fractures sociales ou culturelles qu’il me semble urgent de soigner. Une voie est ainsi tracée.
Faisons le pari que d’autres nous rejoindront pour créer un courant pragmatique, ignorant les tabous, ayant le courage de dénoncer non seulement les symptômes du mal (l’exclusion, le chômage, la délinquance), mais aussi les causes du mal qui ronge notre société : l’abus de pouvoir, le règne débridé de l’argent, le vécu souvent plus formel que réel de la démocratie.
La situation actuelle soulève des défis qui, pour être relevés, réclament une extraordinaire capacité d’adaptation.
Les Maliens ne demandent qu’une chose, avoir leur mot à dire sur ces adaptations, ne pas subir le changement mais en être les acteurs.
Un sage a dit : " Si la goutte d’eau refuse d’être une goutte d’eau, il n’y aura pas d’océan, si le grain de sable refuse d’être un grain de sable, il n’y aura pas de désert."
C’est parce que chacun d’entre nous le voudra qu’ensemble nous ouvrions la voie d’une ère nouvelle .
Dr Aly dit Agali Welé Médecin Gestionnaire Hospitalier