Est-il nécessaire de procéder à une analyse discursive, pour ne pas se rendre compte de l’écart entre les éléments de langage concernant ce pré-accord que le Mali s’apprête à parapher -lequel mot, est selon le Larousse, « le fait de marquer un document par sa signature »- ? Ici encore, la symbolique dans le choix des mots est cruciale pour ne pas heurter les sensibilités, ou encore fâcher le peuple. Mais, que fait-on en procédant ainsi ? Considère t-on le peuple comme une foule sans âme et conscience ? Pourquoi lui cacher la réalité même quand la vérité est si dure à dire ?
Comment ne pas voir en cette distinction Nord / Sud -que les maliens ne veulent point entendre-, une manipulation médiatique, un « média-mensonge » pour nous faire accepter un terme, nous le rendre familier afin d’accepter une partition qu’ils ont déjà opérée dans leur imaginaire ? Heureusement, Paul Lazarsfeld -sociologue- montra que même les médias ont une influence limitée si le peuple est soudé et engagé, conscient de l’enjeu, ferme dans sa conviction, et surtout si tout le peuple filtre dans le bon sens ces éléments de langage « extérieurs ».
Rentrons plutôt dans le vif du sujet.
Joseph Ki-Zerbo nous enseigne qu’il ne faut pas transférer les « tensions sociales » sur le registre « ethnie » ou « race » ou « religion ». Selon Ki-Zerbo, en « transférant » ces tensions sociales, politiques, ou économiques sur le « plan de l’ethnie, on risque de parler d’ethnies où il y en a pas, comme entre les Tutsi et les Hutu », car, l’ « ethnie » ne fait ni plus ni moins référence qu’au « sang et à la race. »
Voilà le danger qui guette le Mali de demain quand ce pré-accord deviendra un accord.
-Non, tu exagères !
-Tu trouves ? Lis plutôt !
On est en train, comme on l’avait fait avec le Chili dans l’expérimentation du néolibéralisme, de faire du Mali, un “cobaye” pour expérimenter un nouveau modèle de développement.
Simplement, car les guerres en Irak et en Libye ont été des échecs, des chaos pour bien dire les choses. Voilà pourquoi ils ne savent que faire de la Syrie. Aussi simple que ça, car jusqu’à présent la redéfinition des frontières n’a pas non plus marché avec le cas du Soudan, pour ne citer que ce plus récent.
Comment nous faire comprendre, que des pays, avec un système “jacobin” centralisé -où c’est le centre -l’État- qui concentre et monopolise tout au détriment du local-, veulent imposer une décentralisation « dite poussée, régionalisation » dans un pays comme le Mali ?
Par ailleurs, comment comprendre que la France, malgré les efforts et les avancées dans la décentralisation, soit encore critiquée par le local qui réclame plus de ressources et plus de liberté dans la gestion politique et économique, et sans l’intervention de l’État ? Un État qui a toujours du mal à se décentraliser au vrai sens du terme. Comprenez ce que je dis, il ne s’agit en aucun cas d’une critique gratuite ou d’un dénigrement de la France. C’est le Mali qui m’intéresse.
Ne nous méprenons pas, dans aucun État, il ne saurait y avoir un pouvoir éclaté, une absence de gouvernement pour une gouvernance « dite poussée » ou « fédérale ». C’est ce que l’Union Européenne veut faire avec ses États membres. Là aussi, il n’ y a que difficultés et contestations. On peut décentraliser, on a décentralisé dans d’autres pays mais avec un pouvoir central comme acteur principal et majeur. Je ne suis pas contre une vraie politique de décentralisation.
Ici, ne nous laissons pas atteindre par le syndrome de la passion et de l’émotion, prenons ce monde éclaté -cela n’empêche- comme exemple, et considérons certains faits comme des éléments d’études.
L’intégrité et la souveraineté, que veux-tu d’autres ?
Le danger se situe ailleurs, et si votre lecture s’arrête à ce niveau, vous êtes tombés dans le piège.
Et vous, voulez-vous que le recrutement dans la fonction publique s’effectue sur une base « raciale », « ethnique » ou encore « religieuse » ? Si tel était le cas avant, maintenant ça sera à partir d’un accord signé et devient de fait un droit accordé à certains, donc une injustice.
Voulez-vous que 30% des recettes nationales soient allouées avec faveur aux membres du « Mouvement des Narcotrafiquants Lourdement Armés » ? Ne me dites pas que c’est la population de Gao qui demande cette faveur ou les touarègues en majorité. On ne développe pas par favoritisme, ça sera plutôt une « ségrégation » économique et politique.
Voulez-vous que ça soit une police « tribale » qui assure et impose ses normes sur une partie du territoire au détriment des institutions régaliennes nationales ? Ici, réside ambiguïté entre intégrité, souveraineté, République, et indivisibilité d’une part, autonomie, et fédéralisme d’autre part !!!
Mr Madani Tall en parle encore mieux « une armée Républicaine avec des quotas par ethnie ? C’est le retour vers un tribalisme que le Mali avait su vaincre et un recul de la démocratie. » Ne cherchez pas ici un positionnement politique, je vous parle du devenir d’une nation.
Voulez-vous de l’auto-détermination des peuples sur base « ethnique, raciale, ou religieuse », quel sens donnez-vous à une Nation? N’avez-vous toujours pas compris que ces notions ne sont que des constructions sociales, culturelles, et non naturelles et biologiques ? Par ailleurs, l’auto-détermination est une manipulation extérieure, un instrument politique d’une puissance hégémonique car aucune Nation -réellement constituée et se définissant comme telle, ne saurait ou ne pourrait concéder une auto-détermination. Ici, l’auto-détermination n’est pas politique car la population dont elle se réclame n’y adhère pas, elle la rejette en majorité démocratique. Ce n’est ni plus ni moins qu’une milice « djihadiste, narcotrafiquante, armée et criminelle » et qui plus est en train de déstabiliser une nation toute entière.
Et IBK avait bien raison de clamer haut et fort et clair qu’il ne voulait pas traiter d’égal à égal avec des rebelles, mais la géopolitique lui a contraint. En ce temps, le soutien de la population aurait été nécessaire comme face à ce pré-accord également. Donc, Mr le Président, ne vous en privez pas.
Pensez-vous que IBK va-t-il désormais gouverner en fonction de ce pré-accord -une fois signé-, ou gouverner en fonction de quoi les maliens l’ont élu ? Et quelle légitimité aura-t-il IBK face à ce pré-accord, une fois devenu accord ?
Lisez l’accord, analysez-le par vos propres filtres, ne le pensez pas par les autres, mais par vous-même. Ne le lisez pas comme on veut vous le faire lire, qualifiant votre lecture de nombriliste, chauviniste, profane et obscure. Ne le lisez pas en attendant la validation extérieure. C’est l’avenir de votre Nation qui est en jeu. Prise entre les feux de la “realpolitik” qui n’est qu’ ambition de pouvoir et d’intérêt, ce n’est pas un accord qui va créer une réconciliation sans justice et paix, et sans une adhésion majoritaire de la nation entière.
Le Mali, dit-on n’a pas le choix, certes, et le peuple, son premier et seul constituant ?
On ne peut pas tout avoir dans une négociation, nous chante t-on.
Cela dépend avec qui nous négocions, car nous sommes un État, une nation face à une milice, même pas une minorité. Pourquoi concéderions-nous des faveurs à une milice au détriment de la majorité silencieuse, souffrante, et indignée de ce qu’on en train de faire à et de son pays ?
Pour conclure avec Joseph Ki-Zerbo, « on ne développe pas, on se développe », car depuis quand, malgré les aides, sommes-nous toujours au stade du sous-développement, sinon pis ?
Imposer un accord, un modèle à un pays, faisant fi de sa diversité de CULTURES, et non « ethnique » et de l’injustice, en se basant sur la « race », ou l’ « ethnie », ou « la religion », ne saurait fonctionner si c’est contraire à la réalité du terrain, aux aspirations de la population dans un ensemble -et non fragmenté avec les privilégiés d’un côté, et les infortunés de l’autre-.
Une distinction Nord / Sud est un élément de langage, une construction avec pour objectif de mieux diviser, et en nous montant les uns contre les autres. N’entendez-vous toujours pas dans les zones de guerres : « le Nord délaissé, le Sud riche » ou « le Sud exploite le Nord » ou vice-versa ?
Ne tombons pas dans leur piège. Montrons leur qu’on y voit plus clair qu’ils ne le pensent.
Soyez présent en votre manière “au rendez-vous de l’honneur” !
Mahamadou CISSE
Citoyen malien.