Le meeting du 10 février dernier, dont le maitre de cérémonie n’était autre que le président du HCIM l’Imam Mahmoud Dicko, a mobilisé une foule de fidèles et a fait couler beaucoup d’encre. De nombreux défenseurs de la constitution s’insurgent face à ce simulacre de rassemblement religieux qui s’est finalement inscrit dans une démarche strictement politique au travers d’un réquisitoire musclé à l’encontre des institutions régaliennes. Dans le contexte actuel de notre cher pays, et afin de lutter de manière solidaire contre cette crise qui affame nos enfants, seuls les principes constitutionnels, comme la laïcité, sont garants d’une société moderne et doivent incontestablement être respectés.
La situation sécuritaire au sein de notre nation, la crise humanitaire sans précédent qu’elle traverse, le vide éducatif offert aux futures générations, la fracture sociale entre le nord et le sud sont autant de raisons qui poussent une frange importante de la population en grande précarité, à tenter de regagner une certaine confiance et un espoir fragile dans les bases de notre religion. Les leaders religieux tels que l’Imam Dicko ne sont pas dupes et n’ont pas de scrupule à instrumentaliser l’Islam à des fins personnelles et politiques.
Notre constitution du 25 février 1992, garante de la démocratie, s’est élaborée avec le sang des martyrs de la répression de 1991. Nul n’a le droit de bafouer le sacrifice qu’ont fait nos anciens afin de nous offrir une société moderne et résolument tournée vers l’avenir. Les principes constitutionnels ne s’opposent pas aux préceptes de la religion musulmane mais ils les accompagnent afin de garantir la légitimité et l’impartialité indispensables à la gouvernance d’un Etat. Bien que la laïcité soit un des piliers de la loi fondamentale malienne, certains leaders religieux n’ont jamais été étrangers aux soubresauts résiduels que vit le Mali depuis bientôt une décennie.
S’exprimer sur la politique n’est pas une atteinte à la laïcité, bien au contraire le principe de la liberté d’expression est un droit inaliénable. En ce sens, les institutions et organisations religieuses n’ont pas vocation à se positionner comme une force d’opposition au pouvoir politique en place. En revanche, la force de proposition qu’elles incarnent est une victoire démocratique indispensable. Malheureusement, on assiste depuis quelques années à des simulacres de propositions énoncées sur la base de principes religieux qui vont à l’encontre des principes de neutralité et de laïcité. Ainsi, la pénalisation de l’homosexualité, la mise en place de tribunaux islamiques, la fin du moratoire sur la peine de mort, clairement énoncé par le président du HCIM lors de son dernier meeting, sont autant de tentatives d’immixtion religieuse dans la gestion des affaires publiques.
L’Imam Dicko, au titre de président du HCIM, a un rôle officiel d’interface entre les leaders religieux et l’Etat. Il n’a donc aucune légitimité politique au sens strict. En attaquant ouvertement le gouvernement d’IBK – qu’il a, soit dit en passant, lui-même contribué à mettre en place – il transgresse littéralement ses pouvoirs, dégrade et décrédibilise le rôle du HCIM. Karl Marx disait « la religion est l’opium du peuple ». L’imam Dicko abuse de ce précepte en faisant dériver les sujets de réflexion des musulmans du domaine religieux vers le domaine politique pour nourrir son dessein politique personnel.
S’il fallait encore en faire la démonstration, écoutez ses propos pendant son meeting « (…) qu’IBK pense à son pays sinon nous allons le faire dégager (…) ». Ces menaces caractérisées sont-elles acceptables dans la bouche d’un leader qui doit œuvrer à l’union sacrée du peuple malien et faire valoir l’Islam ? Au lieu de lancer, comme son statut le lui permet, un appel à un dialogue national, reflet d’une réflexion intercommunautaire représentative des espérances de notre nation, l’Imam Dicko n’hésite pas à piétiner les bases de notre constitution, de notre démocratie en trompant la confiance des fidèles musulmans qu’il représente et en se détournant même des principes de l’Islam. Il est très probable que son meeting ait été le préambule de sa campagne de réélection à la tête du HCIM qu’il préside depuis 10 ans. Début avril, s’il est reconduit pour 5 ans, l’Imam Dicko aura un tacite blanc-seing pour préparer habilement l’opinion malienne, à l’émergence d’un parti politique d’opposition radical, contraire au principe républicain de laïcité. Ce serait bien la prochaine étape de sa quête du pouvoir avant de viser plus haut encore…
Auteur : Pr Mamadou Maïga
26 février 2019
Quand Dicko et Bouillé battaient publiquement campagne pour IBK en 2013, où étiez-vous? trop tard !!
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