De 1992 (l’année de la transition démocratique) à nos jours, chaque échéance électorale de vécue, a été une occasion d’apprendre plus sur les tares de notre démocratie. Des fichiers électoraux impropres, des électeurs qui vendent leur vote, des politiques qui achètent les consciences, bourrent les urnes, influencent l’Administration et intimident parfois les adversaires. Autant de vices qui affectent le processus électoral au Mali depuis les premières élections de l’ère démocratique. Pourtant, si la seule organisation d’élections libres, saines, sincères et transparentes, ne saurait suffire à évaluer la qualité de la démocratie dans un Etat, elle n’en demeure pas moins un indicateur déterminant.
Outre l’aspect électoral, le deuxième grand indicateur dans l’évaluation d’une démocratie reste l’état des institutions. Ainsi, de 1992 à nos jours, le pays n’a pu avoir d’institutions véritablement républicaines, indéniablement fortes, libres et indépendantes. Aussi, la qualité du contrôle citoyen sur les pouvoirs publics est un autre grand indicateur. À ce niveau également, de sérieuses lacunes sont facilement observables.
Pour rappel, notons quand même que la démocratie en tant qu’option politique de gouvernance demeure un idéal à atteindre. Autrement dit, elle n’existe véritablement qu’en théorie. Cela voudrait dire par ailleurs qu’il n’y a pas de Démocratie mais plutôt des démocraties. Ainsi, ces démocraties sont toutes dans un processus vers l’atteinte de l’idéal sus évoqué. Disons tout de même que certains ont beaucoup avancé dans ce processus pendant que d’autres en accusent de grands retards.
L’intérêt de notre raisonnement, ici, consiste donc à démontrer le rapport entre le niveau de vie dans notre pays et les problèmes (spécifiques aux démocraties tropicales de manière générale et malienne en particulier) qui empêchent notre processus démocratique de trouver son essor.
En quoi donc le niveau de vie des Maliens constitue une pesanteur dans le processus démocratique du pays ?
D’abord par la compréhension des choses
En effet, l’écrasante majorité de nos concitoyens sait très peu de choses du jeu institutionnel en République du Mali, le rôle des institutions, les responsabilités des hommes qui les animent. Cela est essentiellement dû au très faible niveau d’instruction dans le pays et à l’absence de stratégies d’information, de formations citoyennes et de communication des différents gouvernements. Le sens du vote, au-delà du fait de choisir, n’est quasiment connu que de l’élite qui n’a aucune envie de sensibiliser autour.
Également, l’ignorance de la notion de redevabilité par les personnes, qui ont des charges publiques. En effet, toute personne investie d’une quelconque mission de service public est redevable vis-à-vis de la communauté nationale c’est-à-dire les Maliens. Combien d’agents publics travaillent au respect de ce principe, combien d’élus en font autant ? Il faudra donc revoir la compréhension des choses.
Ensuite les conditions sociales (la grande précarité et parfois la misère) et leurs impacts sur le conditionnement psycho-social des citoyens
Nous pouvons dire sans risque de nous tromper qu’au moins 80 pour cent des Maliens passent le plus clair de leur temps à régler seulement les questions primaires de subsistance (se nourrir, se vêtir, se soigner, se loger etc.). Il est donc évident que dans une situation pareille, l’implication dans les questions de gouvernance soit perçue comme un luxe que n’importe qui ne devrait pas se permettre. C’est d’ailleurs cette situation de grande précarité des masses qui sert de terreau aux marchands de votes et aux acheteurs de conscience.
Les politiques ont en face des électeurs moins instruits et pauvres. Ce mélange donne naissance à la misère qui est ensuite utilisée par ces mêmes politiques pour conquérir le pouvoir.
La faible capacité des forces intermédiaires c’est-à-dire la société civile
Rappelons que la démocratie c’est aussi les jeux de contre-pouvoir à travers notamment le contrôle citoyen. La vitalité d’une démocratie dépend également du dynamisme de ces jeux-là qui doivent être menés par les organisations de la société civile. Mais, encore faut-il qu’elles soient en capacité de les mener. Nos organisations de la société civile peinent à jouer pleinement leur rôle tout en restant indépendantes vis-à-vis des influences politiques. Elles ne sont pas le plus souvent bien structurées et conduites par des personnes bien formées au militantisme.
Ne disposant pas d’autonomie financière, elles sont le plus souvent embrigadées par les forces politiques ou de la majorité ou de l’opposition. En résumé, nous constatons que le niveau de vie qu’il soit intellectuel ou économique détermine partout le choix des gens.
Mamadou Lamine SIBY dit Malla,
Analyste et homme politique