« La démocratie n’est pas un don du ciel, mais un édifice fondé sur l’empathie et la compréhension mutuelle que nous bâtissons ensemble, jour après jour ». Barack Obama (Terre promise).
La démocratie ne se décrète pas ; elle se coconstruit. La réussite des élections de notre voisin Burkinabé édifie sur l’importance d’une organisation robuste dans un contexte de crise sécuritaire. Espérons que le Niger prenne la même voie, celle du calme, à la suite du 2ème tour de la présidentielle. Ne devrions-nous pas nous s’inspirer du cas Burkinabé pour anticiper sur nos propres problèmes organisationnels et les tensions post électorales que nous essuyons fréquemment ? D’autant que le Mali reste l’épicentre de la crise sécuritaire dont la résolution requiert une adaptation permanente. Comme le souligne bien l’ancien président américain, M. Obama, la sympathie, l’empathie ou la compréhension mutuelle restent les ingrédients de la démocratie.
Sortir de la permanence du défectueux et de l’irrégularité
Par le passé, les différents exécutifs maliens ont été emportés soit parce qu’ils ont usé le pouvoir, soit parce que leur gestion du pouvoir était désastreuse. Avec l’effet immédiat qu’une partie de nos concitoyens ne se reconnaissent plus dans les règles et les principes démocratiques, censés être incarnés par la classe dirigeante. On l’a vécu avec les deux dernières révolutions de palais de l’ère démocratique (mars 2012 et août 2020). Notre démocratie est donc toujours en tension ; des tensions excitées par la permanence des crises de modèle : politique, social, économique. Les colères des années 1990, comme celles des années 2012 et 2020, ont été nourries par un sentiment d’incompréhension et d’absence de sympathie à l’égard du quidam malien. L’agriculteur, l’éleveur, le pécheur, le boutiquier, l’étudiant, l’enseignant, et tous ceux qui subissent la loi du détenteur d’une portion de pouvoir, minime soit-elle. Bien évidemment, cela fait désordre dans une République ! Hélas ! Le constat est amer : nos institutions sont dans la permanence du défectueux et de l’irrégularité, ce qui n’est pas réglé, organisé, administré correctement. Pour y faire face, l’exécutif actuel doit agir et anticiper sur ces irrégularités pour offrir un nouveau visage au Mali.
Revitaliser la démocratie malienne, 1er marqueur de la transition
En plus de son discours sur le plan d’actions du gouvernement de transition, devant le Conseil national de Transition, le Premier ministre, Moctar Ouane, doit aussi être capable d’entrainer les Maliens, tous bords confondus, à le suivre dans son entreprise de renaissance du Mali, la future architecture institutionnelle. Pour cela, les seules rencontres avec la classe politique à Bamako ne suffisent pas, car elles courent le risque d’enfermer l’exécutif dans les calculs politiciens habituels. Par ailleurs, un travail prospectif, région par région, sur les préoccupations sociales, sanitaires ou économiques des Maliens, s’impose. Il y va de notre capacité à revitaliser la démocratie malienne, et donc à reconstruire l’unité nationale. Ce sera un marqueur fort de la transition. Et c’est quand même mieux, si ce sont les Maliens qui décident. Il y a donc une indispensable rupture avec le discours et l’enfermement politicien pour empoigner une gouvernance, adossée à l’action. A ce sujet, la traduction du plan d’actions du gouvernement de transition révèlera inévitablement le caractère de Moctar Ouane. Et sa gestion de la transition sera une épreuve pour le juger. Cela vaut également, a fortiori, pour Bah N’Daw, Président de la Transition, et Assimi Goïta, vice-président de la transition. Mais tout n’est-il pas une question de régulation et d’équilibre ?
Doter le Mali d’institutions pérennes, 2eme marqueur de la transition
La régulation, c’est-à-dire l’assurance d’un bon fonctionnement des institutions étatiques, rime avec le cheminement vers une gouvernance de proximité. Par exemple, en plus de l’indemnisation des victimes, les populations spoliées par les narcoterroristes (Amara : 2019), doivent être accompagnées. Dans la zone des trois frontières, (Burkina Faso, Mali, Niger), les narcoterroristes enjoignent les populations rurales à leur verser des impôts en échange de la conservation de leur bétail. Le but funeste des narcoterroristes est d’appauvrir les populations pour davantage les soumettre. Les narcoterroristes humilient les populations du monde rural, victimes de l’éloignement géographique avec les services de l’Etat. Ce qui accentue le sentiment d’abandon des populations par l’Etat. Un autre impact est le risque de rejet de l’Etat par une partie des Maliens.
Sur le plan sécuritaire, certes, le sommet de N’Djamena a constitué un « moment d’amplification de la dynamique » de Pau. Certes, N’Djamena a été l’occasion de réaffirmer la montée en charge de la Task Force Takuba et du réengagement des partenaires comme les Américains dans la lutte contre le narcoterrorisme au Sahel. Mais, il nous revient d’avoir une lecture plus réaliste de la situation du Mali qu’il s’agisse de la « restauration de l’autorité de l’Etat », ou du « renforcement de la sécurité sur l’ensemble du territoire ». Ni la phobie du pouvoir pour le pouvoir, ni celle des calculs politiciens ne doivent paralyser notre capacité à porter des lunettes mieux adaptées à la situation actuelle. Là où cela est possible. Tous les sujets (Accord d’Alger, Dialogue…) sont politiquement intenses, mais méritent d’être posés, car ils sont les ingrédients nécessaires pour mieux assaisonner notre sauce démocratique. La force de l’exécutif à doter le Mali d’institutions pérennes, sera un deuxième marqueur important des autorités de la transition. Un beau projet de société où les citoyens sont formés pour résister contre l’instrumentalisation et la manipulation par les groupes narcoterroristes.
Enfin, l’exécutif doit être bien traitant et exemplaire vis-à-vis des Maliens pour qu’à la sortie des élections générales de l’année prochaine, le Mali cesse d’être un pays où la corruption de l’élite est explosive, un pays pourvoyeur d’angoisses et de crises post-électorales. Pourquoi pas une terre promise au firmament !
Dr. Mohamed AMARA-Sociologue
Auteur de plusieurs livres dont Marchands d’Angoisse, le Mali tel qu’il est, tel qu’il pourrait être (Ed Grandvaux, 2019)