Decryptage : Cédéao -Transition, moment de vérité

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Pour la transition, à Bamako, 2022 démarre sur les chapeaux de roue. Le chronogramme électoral excite les rapports entre l’exécutif malien, la Cédéao et une partie des Maliens. 

On sait quand ça commence, mais on ne sait pas quand ça finit

En ce début d’année 2022, nul doute qu’à Bamako certains s’abandonneraient à un sentiment de jouissance face aux propositions des Assises nationales de la Refondation (ANR). Lesquelles ANR proposent de prolonger la durée de la transition : entre 6 mois et 5 ans. Concentration du pouvoir ? Pour faire passer la pilule, le 31 décembre 2021, le Ministre des Affaires étrangères et de la Coopération internationale du Mali, Monsieur Abdoulaye Diop, transmet un chronogramme électoral au Président ghanéen, Monsieur Nana Addo Dankwa Akuffo-Addo, Président en exercice de la Cédéao.  Mais le sentiment est moins flamboyant à la Cédéao, qui convoque « un sommet extraordinaire » des chefs d’Etat, dimanche prochain à Accra, pour statuer sur le cas malien. Il faut éteindre le brasier malien avant qu’il n’infecte la Guinée voisine du colonel Mamadi Doumbouya, qui envisage d’organiser des ANR courant 2022.

En Guinée comme au Mali, le retour à l’ordre constitutionnel est désormais tributaire des ANR. Peu importe qui participe ! C’est la nouvelle mode pour grignoter du pouvoir. Le doute s’installe. Mais, déjà au Mali, le Cadre d’échange des partis et regroupements politiques pour une transition réussie, rejette les conclusions des ANR, dont la durée du chronogramme. Le Cadre d’échange des partis et regroupements politiques « … se réserve le droit d’user de tous les moyens légaux afin que les principes démocratiques obtenus de longue lutte et au prix de nombreux sacrifices ne soient liquidés par une quelconque tentative de confiscation du pouvoir par la force et la ruse ». La situation est tendue. On sait quand ça commence, mais on ne sait pas quand ça finit. Pour une partie des Maliens, le chronogramme électoral revêt un caractère « tyrannique ».

Pragmatisme démocratique

Chez nos voisins Guinéens, un Collectif des partis politiques, CPP, sous la férule de Cellou Dalein Diallo de l’UFDG, est créé en début de semaine pour définir leur « … position par rapport au chronogramme et à la durée de la transition… ». A ce propos, un mémo sera adressé au Comité national du rassemblement pour le développement, CNRD, du colonel Doumbouya. Le CPP anticipe sur les risques de contamination de la Guinée par le Mali. De part et d’autre, faute d’acceptation sociale, le risque d’embourbement des transitions, et d’explosion sociale est réel. Les exécutifs se fragilisent. Désespérant. Les transitions actuelles sont confrontées aux difficultés d’incarner le peuple, loin d’être seulement ceux de Bamako et de Conakry. Rappelons-nous. Ibrahim Boubacar Keïta, IBK, a chuté en août 2020 à cause notamment de sa difficulté à trancher le contentieux électoral des législatives de la même année. Et il l’a payé cash. En Guinée-Conakry, Alpha Condé est tombé pour avoir piétiné les règles démocratiques. Monsieur Condé modifie la constitution pour faire un 3eme mandat. La suite, il a été mis à l’écart de façon humiliante par le colonel Doumbouya, auteur du putsch du 5 septembre 2021. Voilà donc des histoires récentes de la gestion du pouvoir, riches d’enseignements pour les exécutifs actuels.

Ni une diplomatie « agressive », ni les réseaux populistes, ni les écoutes téléphoniques, ni les cyberattaques, ni la tentation répressive, ni la création de climats de peur ne résoudront la question des transitions. Seul un pragmatisme démocratique, articulant actions politiques citoyennes inclusives, concrètes et républicaines, permettrait d’en sortir gagnant.

Des positions idéologiques marquées 

D’ailleurs, l’administration Biden a exclu le Mali et la Guinée-Conakry de l’Agoa, (Africain Growth and Opportunity Act), Loi sur la croissance et les opportunités en Afrique. Nous sommes privés de l’accord commercial pour faciliter les échanges commerciaux entre les Etats-Unis d’Amérique et l’Afrique. Pour cause : non-respect de la constitution par exemple. Isolement. La pente est glissante. Or, en Amérique, la Constitution s’applique. La démocratie fonctionne encore. Et voilà que d’autres tensions diplomatiques excitent le pays de Modibo Keïta, et tant d’autres avant lui. Certes, nous sommes loin de la guerre froide, divisant le Monde en deux blocs : Est-Ouest. Mais on semble revenir tout de même à un monde avec deux systèmes. La Fédération de Russie qui ressuscite l’URSS, face aux Etats-Unis et la France. Les Russes se posent peu de questions, en général, sur la nature des régimes. Ils attachent plutôt une importance fondamentale à leurs intérêts géopolitiques. Quant aux Américains et aux Français, en plus de leurs « intérêts vitaux », la question des droits de l’homme et de l’alternance démocratique reste des priorités. Dans les deux cas, leur supériorité et leur puissance militaire sont mesurées sur les terrains africains, et particulièrement maliens. Sans aucun doute, avec la complicité des dirigeants. Inutile de désigner donc les occidentaux et les Russes comme boucs émissaires, car la question n’est ni la France, ni la Russie, ni les Etats-Unis d’Amérique, mais c’est celle de notre propre responsabilité, celle du Mali, celle de la Guinée, celle de l’Afrique. On voit bien où on est : au milieu de nulle part. Errance. Les positions idéologiques marquées de certains l’emportent sur les actions nobles des autres pour le bonheur du peuple. Certes, il y a des jours plus durs que d’autres. Mais, cela n’enlèvera pas au peuple sa capacité à lire entre les lignes et à décoder ce qui est implicite. Question de bon sens !

La carte gagnante

Evidemment, le Mali traverse une mauvaise passe. Mais, il ne manquera pas de forces pour rebondir. Depuis l’indépendance, les Maliens l’ont prouvé plusieurs fois : 1960, 1991, 2020. Ils peuvent encore surprendre. Mais les Maliens sortiront de la crise avec une carte gagnante, celle de ses partenaires, notamment la Cédéao. Dans un environnement sécuritaire dégradant et hostile à tout projet de développement, l’espoir est africain. Si la Cédéao pèse de tout son poids, un accord sera trouvé autour de la date des élections générales. D’autant que le président en exercice de la Cédéao, Nana Addo Dankwa Akuffo-Addo, reste sensible au problème malien, selon ceux qui le côtoient. Un moment de vérité à saisir pour régler la question malienne. Pour toujours. Ce sera aussi une meilleure façon pour ramener la confiance entre les Maliens, mais aussi entre le Mali et la Cédéao dans un contexte sécuritaire tendu où la mort rôde partout : embuscades contre les FAMa, massacres des civils, etc. Pour dire que nous devons sortir du diktat de certains stakhanovistes à Bamako qui brandissent la bannière de l’affrontement. Souvenons-nous : le pouvoir use ; il rend parfois aveugle. Pour finir, une alliance saine de l’exécutif malien avec la Cédéao pourrait être efficace pour ne pas retomber dans la tempête des contestations populaires. Sauvons le Mali, la cause commune.

Mais autant écouter le sage de Bandiagara, Amadou Hampaté Bâ, à propos de l’homme, la personne, Maa en Bambara, Neddo en Peulh, Adama-Ize en Songhay, Nuw en Bwa. Hampaté Bâ transmet que la “synthèse de l’univers et carrefour des forces de vie, l’homme est ainsi appelé à devenir le point d’équilibre où pourront se conjuguer, à travers lui, les diverses dimensions dont il est porteur », Aspects de la civilisation africaine-1972.

Pour aller loin, travaillons ces questions :

Comment envisager une solution démocratique et pacifique ?

Peut-on gérer un pays sans ouverture au Monde ?

Comment l’insécurité travaille-t-elle la classe dirigeante ?

 

Mohamed Amara

Sociologue

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