Déclaration du réseau Apem sur les opérations d’achèvement et de pérennisation du Ravec et sur les élections couplées locales et régionales de 2015

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apemUn coup porté à la normalité constitutionnelle 

 

Le réseau APEM a effectué une observation sur le déroulement des opérations d’achèvement et de pérennisation du RAVEC, sur la période allant du 1er au 31 octobre 2014. Il a ainsi déployé 70 Observateurs nationaux non partisans dans les communes urbaines et rurales des 49 cercles du Mali et dans les 6 communes du district de Bamako, sur apport propre. Fidèle à sa mission, le réseau APEM continue sa veille citoyenne et produira, ultérieurement, un rapport sur ses activités d’observation du RAVEC 2014.

 

Introduction

Après la mise en place des institutions issues des différents scrutins (présidentielle et législatives de 2013), les élections locales et régionales constituent un pan important pour boucler le processus électoral en cours, et contribuer à la restauration de la paix et la démocratie locale. Ces élections qui sont des élections de proximité et de développement local, suscitent beaucoup d’engouement et d’intérêt chez les citoyens. Elles étaient prévues courant avril 2014, qui coïncide avec la fin du mandat des dirigeants des collectivités territoriales.

 

Le gouvernement a pris la décision de prolonger de 6 mois le mandat des élus locaux, et a décidé d’organiser les élections communales et régionales courant dernier trimestre de l’année 2014, suivant la Déclaration de politique générale du Premier ministre devant les élus de la Nation le 29 avril 2014.

 

Un autre report des mandats des Conseils communaux, des Conseils de Cercles, des Conseils régionaux et du Conseil du District de Bamako a été décidé, le 22 octobre 2014 par le gouvernement, pour une durée de six (6) mois ; à compter du 27 octobre 2014,.

 

Ce report est consécutif à un certain nombre de problèmes sur le terrain :

  • l’absence de l’Administration dans certaines localités de Mopti, et des régions du Nord : Tombouctou, Gao et Kidal,
  • la non prise en compte des nouveaux majeurs, estimés à plus de 1.700.000, des omis dans le fichier électoral ainsi que des cas de réclamations,
  • la faible participation des réfugiés et des déplacés aux échéances électorales précédentes,
  • la recrudescence du banditisme et l’insécurité grandissante dans les régions du nord du Mali.

 

 

I – LES CONSTATS ET DEFIS :

La Loi électorale, en vigueur, en son article 39 stipule : « Les listes électorales font l’objet d’une révision annuelle du 1er octobre au 31 décembre de chaque année. »

 

Le projet de loi portant sursis à la révision annuelle des listes électorales a été adopté par l’Assemblée nationale, le jeudi 25 septembre 2014.

 

Il s’avère que le Gouvernement et les partis politiques avaient convenu depuis longtemps de repousser les élections communales, avec comme principal alibi la mise à jour du fichier électoral.

Or, en se référant aux élections générales de 2013, notamment le deuxième tour de la présidentielle, on a le chiffre de 6.829.696 électeurs inscrits. Ceux qui ont voté constituent 44,42% (3.033.661), tandis que 55,58% (3.796.035) parmi les électeurs inscrits n’ont pas voté.

 

Ces statistiques prouvent à suffisance que les partis politiques n’ont même pas pu mobiliser, et faire voter la moitié des électeurs inscrits.

 

Les opérations d’achèvement et de pérennisation du RAVEC ont été lancées le 1er octobre 2014 à Sikasso, par le Ministre de l’intérieur et de la sécurité.

 

Cependant, les équipes d’enrôlement n’ont véritablement commencé qu’aux alentours des 10 et 15 octobre, pour une opération devant s’étendre sur un mois ; soit du 1er au 31 octobre 2014.

 

Les populations du cercle de Ménaka (région de Gao) et de la région de Kidal, n’ont pas été prises en compte par les présentes opérations d’achèvement et de pérennisation du RAVEC, pour des raisons de sécurité.

 

Comment alors les nouveaux majeurs et les omis de ces importantes localités du Mali, pourront-ils être reversés dans le fichier électoral biométrique ?

 

Comment réussir une réelle politique de régionalisation si ceux pour lesquels elle est effectuée ne sont pas pris en compte par les présentes opérations de mise à jour du fichier électoral, qui se doit d’être fiable ; condition sine qua none d’élections démocratiques, crédibles et pacifiques dans notre pays ?

 

Que dire aussi de la gouvernance actuelle, qui ne permette point de relever les grands défis auxquels le Mali est confronté ? Il faut reconnaître que notre pays est aujourd’hui affaibli par la plus grave crise multidimensionnelle de son histoire.

 

Parmi les défis à relever, il faut retenir les :

  • Défi de la réconciliation nationale et la paix ;
  • Défi de la bonne gouvernance ;
  • Défi de la sécurité ;
  • Défis de la justice, de l’équité sociale et du développement, nécessaires à l’émergence d’un Etat fort et crédible.

 

 

II- FAIBLE IMPLICATION DE LA SOCIETE CIVILE

La Déclaration de Bamako adoptée le 3 novembre 2000 par la Francophonie, tout en se basant sur la Déclaration universelle des droits de l’homme, qui a érigé en principe la consolidation de l’Etat de droit pour la tenue d’élections libres, fiables et transparentes, précise qu’il faut « s’attacher au renforcement des capacités nationales de l’ensemble des acteurs et des structures impliquées dans le processus électoral, en mettant l’accent sur l’établissement d’un état civil et de listes électorales fiables. »

 

In fine, un processus n’est crédible que si tous les acteurs et groupes cibles concernés le comprennent, et s’impliquent de façon active et responsable.

 

Il convient de rappeler qu’une session d’information du Ministère de l’intérieur et de la sécurité, du PNUD et du PAPEM avec les Organisations de la société civile électorale, a eu lieu le Mercredi 27 Août 2014 au Gouvernorat du District de Bamako. C’était autour de l’éducation civique et la sensibilisation en vue du RAVEC, dans le cadre des prochaines élections couplées locales et régionales de 2015 au Mali.

 

Du reste, les organisations de la société civile retenues ont bénéficié, pour la plupart, de ressources financières insuffisantes pour réaliser de véritables activités de sensibilisation et d’information susceptibles de mobiliser l’ensemble des maliennes et des maliens autour des prochaines élections locales et régionales au Mali.

 

Aujourd’hui, sur le terrain, on ne sent pas véritablement cette mobilisation autour des opérations d’enrôlement du RAVEC, tant à Bamako qu’à l’intérieur du pays.

 

Pour ces opérations d’achèvement et de pérennisation du RAVEC, il faut noter la non implication des partis politiques et leur relative indifférence. Or les résultats du RAVEC seront exploités pour l’établissement du fichier électoral biométrique.

 

Quant à la Commission électorale nationale indépendante (CENI), elle n’a pas supervisé les opérations d’achèvement du RAVEC.

 

 

III- Remarques spécifiques

A ce jour, le Ministère de l’intérieur et de la sécurité n’a produit aucun chronogramme, pour les élections couplées locales et régionales de 2015 au Mali.

 

La classe politique, quant à elle, n’a posé aucun acte pour déplorer cet état de fait préjudiciable à la tenue d’élections fiables, transparentes et démocratiques en 2015.

 

Le réseau APEM, soucieux de l’apaisement du climat sociopolitique, tire la sonnette d’alarme et interpelle tous les acteurs à œuvrer pour le respect des engagements pris au nom du peuple malien, vis-à-vis de la communauté internationale.

 

Pour ce faire, il est impérieux de parachever la mise en place d’institutions légitimes, et d’organes de collectivités crédibles, surtout pour impulser la participation citoyenne et l’éclosion de la démocratie locale tant réclamée par les communautés.

 

 

IV- RECOMMANDATIONS :

Il s’agit essentiellement des points ci-après :

 

  1. La publication, sans délais, du Chronogramme électoral pour les élections locales et régionales de 2015 au Mali,
  2. La promulgation, dans les plus brefs délais, de la nouvelle Loi électorale remplaçant la Loi n° 06-044 du 4 septembre 2006 modifiée portant Loi Electorale, pour un meilleur encadrement des élections à venir,
  3. La mise en place d’un cadre de concertations entre le Gouvernement et les organisations de la société civile électorale, pour leur pleine participation au processus,
  4. L’implication des partis politiques dans les opérations d’achèvement et de pérennisation du RAVEC qui est plus qu’indispensable pour la fiabilité et la crédibilité de l’Etat civil d’une part, et d’autre part pour l’établissement du fichier électoral biométrique,
  5. La mise en œuvre de véritables programmes d’IEC électorale et civique par l’Etat et le PNUD/PAPEM, en étroite collaboration avec les OSC nationales spécialisées sur les questions de gouvernance, de démocratie et d’élections au Mali,
  6. La tenue des élections locales et régionales avant le 30 avril 2015, pour éviter la prolongation illégale des mandats qui ne favorise point la mise en œuvre du processus de régionalisation ; gage de la stabilité, la cohésion sociale et la réconciliation pour un Mali crédible et prospère.

 

Bamako le 28 octobre 2014

Le Président

Ibrahima SANGHO

 

Note sur le réseau Apem

 

 

Le réseau APEM a été créé le 3 novembre 1996, et a été agréé par le Gouvernement Malien, à travers le récépissé n°915/ MATS/ DNAT obtenu auprès du Ministère de l’Administration Territoriale et des Collectivités Locales, le 27 novembre 1996.

 

Il regroupe actuellement 55 Associations et ONG parmi les plus représentatives dans les domaines de la défense des droits de la personne humaine, du développement humain durable, de l’Etat de droit et de la démocratie, qui ont décidé d’unir leurs efforts afin de contribuer de manière efficiente à la réussite de la démocratie, de la bonne gouvernance, du processus électoral, ainsi, que des questions liées au suivi, à la supervision et à l’observation citoyenne des élections.

 

En 2013, le réseau Apem a mis en œuvre un Programme intitulé «Appui au processus Démocratique par l’observation citoyenne de la pré-électorale et des élections Présidentielles et législatives de 2013 (1er et 2ème Tours) au Mali », financé par l’USAID, à travers le NDI, One World UK, l’Ambassade des Pays Bas, Oxfam, l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF) et le Programme d’Appui au Processus Electoral au Mali (PAPEM/PNUD), et le « Programme d’Appui à la résilience démocratique au Mali » financé par l’Open Society Initiative for West Africa (OSIWA) avec comme activités principales :

 

  1. l’observation de la phase préélectorale de l’élection présidentielle 2013 ;
  2. la surveillance des opérations de distribution/retrait des cartes NINA ;
  3. la formation et le déploiement de 4.200 observatrices/observateurs lors des deux tours de l’élection présidentielle, encadrés par 200 Superviseurs, Coordinateurs et Points focaux ;
  4. la formation de 1.600 observatrices/observateurs nouveaux pour les législatives;
  5. le déploiement respectif de 3.700 et 3.300 observatrices/observateurs lors des 1er et 2ème tour des élections législatives de 2013, soit 7.000 observatrices/observateurs encadrés par 300 Superviseurs, Coordinateurs et Points focaux ;
  6. le monitoring et le développement des compétences de 30 organes des medias dans le cadre des élections législatives de 2013 au Mali ;
  7. la campagne d’éducation civique, de mobilisation massive et de prévention/gestion des conflits post-électoraux lors des élections présidentielle et législatives de 2013 au Mali ;
  8. la mise en place du Pôle de l’Observation Citoyenne Electorale (POCE) lors des élections présidentielle et législatives de 2013 au Mali ;
  9. la formation et la mise en place d’une Equipe de Veille et d’Analyse (EVA) de vingt six (26) jeunes femmes et hommes, coordonnée par un jeune expert en TIC ;
  10. la remontée, l’analyse et le traitement des données d’observation par sms/voix ;
  11. la publication et la diffusion de rapports, déclarations et communiqués de presse sur l’observation nationale citoyenne électorale lors des élections présidentielle et législatives de 2013 au Mali.

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