Débats : Quelle monnaie pour les Brics ?

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Par Dr. Lamine Kéita

     

Introduction

Au prochain sommet des Brics en Afrique du Sud au mois d’août 2023 est attendu le lancement d’une monnaie alternative au dollar destinée à remettre en cause la domination de la devise américaine en vue d’offrir la possibilité d’un développement conséquent du commerce et de l’industrie entre les économies et principalement les économies émergentes.

 

Contexte et problématique

Au-delà des initiatives individuelles venant des pays, il se dégage une convergence des points de vue au cours des dernières semaines pour donner  un nouvel élan à la proposition d’une monnaie alternative au dollar, dont l’hégémonie est de plus en plus contestée du fait de la hausse des taux d’intérêt américain et de la crise de la dette qui menacent la stabilité d’un système monétaire international et sa viabilité. Par ailleurs, au plan des affaires mondiales l’affirmation de la suprématie de la  Chine et de son influence sur bien des pays en développement ne fait plus l’objet d’un doute.

Comme pour renforcer tout ce qui précède, à l’occasion de la guerre en Ukraine, les mesures de rétorsion prises par les pays occidentaux à l’encontre de la Russie, avec notamment le gel des avoirs russes dans les comptes dont certaines modalités divisent ces pays mêmes partenaires occidentaux entre eux, auront constitué des menaces contre toutes les économies du reste du monde, ranimant ainsi la volonté de ces pays d’aller à la recherche d’une monnaie alternative au dollar qui sera à l’abri d’une manipulation servant, comme par le passé, des intérêts les plus égoïstes au mépris de l’intérêt de la grande majorité.

L’objectif recherché par cette initiative serait de corriger bien des inconvénients liés à l’usage d’un dollar, dont la définition, depuis 1971, ne repose sur aucun support matériel, une situation faisant de cette monnaie flottante à laquelle de se trouvent  accrochées les autres grandes monnaies du monde, une monnaie de réserve mondiale, donnant ainsi aux USA toute la latitude d’inonder le monde en dollar au prix d’un endettement massif sans coût pour lui-même.

Il en résulte l’augmentation du taux d’intérêt aux USA et la crise de la dette qui constituent un frein, par les couts et les risques de change, pour le commerce et l’investissement qui représente une part importante du PIB mondial évaluée à 26,6 %.

Si historiquement le dollar a pu être utilisé massivement pour assurer la reconstruction de l’Europe après les deux guerres mondiales et gagner son statut de monnaie de réserve mondiale, une monnaie qui était au moins aussi bonne que l’or, les pays comprennent de plus en plus, qu’il n’y a aucune raison technique de vendre les produits nationaux de ces pays en dollar au détriment des monnaies nationales.

Ainsi, les pays membres des Brics entendent exiger l’usage de leurs propres monnaies nationales pour diversifier le système mondial des réserves et réduire la dépendance à l’égard du dollar. Cependant, à la pratique l’usage des monnaies nationales semble leur offrir des limites quand, un pays, comme la Russie ne saurait quoi faire d’une accumulation des quantités de monnaie de l’Inde ou inversement, en ce qui concerne une accumulation de Rouble pour l’Inde.

Ainsi la problématique pourrait se résumer en permettant aux pays des Brics de vendre leurs produits dans les différentes monnaies nationales, tout en permettant au finish d’évaluer les transactions entre pays et les soldes des commerces bilatéraux en une monnaie de référence commune, une monnaie de compte, une monnaie de réserve que nous dénommerons Brics cette monnaie de référence commune.

 

Quelles monnaies et pour quels objectifs

  1. Les monnaies nationales

Les monnaies nationales existent et fonctionnent à merveilles pour valoriser les produits nationaux des pays, ainsi qu’il en est pour le Rouble utilisé par la Russie pour vendre ses produits énergétiques, et également de la Chine procédant de la même logique ou de l’Inde.

  1. La monnaie de réserve des pays membres des Brics

Plusieurs questions viennent à l’esprit pour imaginer la nature et les principes qui devront guider au choix de la nouvelle monnaie de réserve, alternative au dollar, qui devra être mis à l’abri des manipulations et autres attaques venant de la part des anciens dominateurs et visant à l’affaiblir, sans oublier une pluie de sanctions et autres mesures punitives qu’ils chercheront à imposer aux pays des Brics et à leurs sympathisants.

Par ailleurs, comment devra-t-on tenir compte de la puissance économique des pays participant aux Brics dans la définition de la monnaie des Brics dans l’optique de la définition d’un cadre de justice et d’équité entre les membres, un cadre qui soit aussi respectueux de la souveraineté et de l’autonomie de chaque membre ?

Au plan technique, comment pourrait-on faire en sorte que cette monnaie soit crédible, viable et capable de concurrencer le dollar et les autres grandes monnaies et encore que cette nouvelle monnaie soit soutenue par des actifs ou des réserves de manière à ce que son taux de change soit clairement déterminé.

A l’analyse, nous allons comprendre que les questions et autres inquiétudes soulevées précédemment ne relèvent pas d’une bonne connaissance de la monnaie.

En effet, nous allons proposer une monnaie dénommée “Brics” qui est une unité de compte, non représentée par un signe produit par une entité bancaire, une unité qui existe naturellement et qui ne peut être manipulée, ni produite à grande échelle comme le signe monétaire du dollar, propriété de la Réserve Fédérale.

Ainsi, nous allons proposer 1 Brics = 0,01 gramme d’or.

Ce faisant, le 22/7/2023, 1 once d’or/Troy (31,103 g) = 1 961,97 dollars = 1 763,41 euro, ce qui montre que : 1$ = 0,0158 gr d’or et 1 euro = 0,0176 gr d’or

En posant que 1 Brics = 0,01 gr alors 1 Brics = (0,01/0,0158) = 0,632911 $ = 0,05681 euro, un taux qui est défini par le marché au quotidien et qui sert de référence pour déterminer la valeur des échanges entre pays membres des Brics.

Les pays des Brics, en adoptant à l’unanimité le Brics (=0,01 gr d’or) adopte cette monnaie de règlement des déficits bilatéraux, monnaie de réserve, un moyen d’évaluation des transactions bilatérales, monnaie de compte. Par ce choix :

  • Il ne sera pas nécessaire de concevoir une banque centrale couteuse qui devra s’occuper de cette monnaie de réserve, les banques centrales nationales existantes étant suffisantes pour remplir tous les besoins existant en matière de développement du commerce et de l’investissement.
  • Ce choix n’altère en rien les puissances économiques des pays participant aux Brics.
  • Une telle monnaie ne peut souffrir d’aucune manipulation frauduleuse, les Brics n’étant qu’une simple définition, n’apporte aucune injustice ou iniquité entre les membres.
  • Il n’est pas nécessaire de débloquer des ressources pour stabiliser ou défendre le cours de ces Brics.
  • Ce choix respecte toutes les souverainetés.
  • Aucune sanction ne peut être envisageable du fait de l’usage des Brics, existant naturellement comme étant représenté physiquement par le centigramme d’or.
  • Une telle monnaie n’a aucun besoin d’être soutenue par des actifs de façon à en obtenir des taux de change stables.
  • Il n’y a aucun besoin de concevoir des critères de convergence artificiels et inutilement sophistiqués, que même les pays les plus performants ne pourront jamais respecter en totalité.

 

  1. De l’instrument de mesure en économie, comme dans le système métrique

La présente proposition permet de corriger les dysfonctionnements du système monétaire hérité de Bretton-Woods, notamment après aout 1971, quand le dollar était apparu comme une unité de mesure sans dimension  en abandonnant toute référence à un support physique quelconque, un peu comme si le monde s’était mis d’accord pour utiliser une unité de mesure des longueurs qui s’appellerait mètre, mais sans la réaliser dans une matière déterminée avec une dimension établie.

Une telle situation aura été possible parce qu’à présent, les économistes n’auront eu aucune conscience du fait que la monnaie est l’instrument de mesure de la valeur des biens et services dans une collectivité précise donnée, ainsi que nous l’avons établi dans le cadre de l’Economie scientifique, c’est-à-dire l’Economie dotée de la mesure[1].

Maintenant, à partir des Brics, chaque pays peut savoir ce qu’il doit payer à son partenaire étranger et inversement, de façon à régler les soldes des transactions bilatérales. Pour établir une telle unité de mesure ou instrument de mesure, il est sans objet que cet instrument prenne en compte les performances économiques des pays qu’il devra permettre, d’ailleurs, de confirmer en toute neutralité.

A titre de comparaison, pour établir l’unité de mesure des longueurs, pourrait-on imaginer concevoir cette unité en prenant en compte des performances athlétiques des participants ?

Une telle précaution ne présenterait aucun sens raisonnable, quand, tout simplement l’usage du mètre permettra de confirmer les performances d’un athlète qui va parcourir les 100 m, par exemple, en moins de 10 secondes

[1]  Voir (L. KEITA, 2002), « La Théorie économique du XXIème siècle – Le Concept de mesure en Economie », L’Harmattan, 2002.

 

 

 

 

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