L’organe exécutif de la CPM, le Comite Permanent de Vigilance (CPV) a, lors de sa réunion du 9 avril 2011, observé que les événements marquants de l’actualité offraient une opportunité favorable de procéder à une analyse des situations nationales et africaines et de partager ses réflexions avec les populations maliennes.
1- Le Mali
La situation malienne est marquée par le remaniement ministériel. Ce remaniement est venu se superposer à des faits persistants qu’il pourrait occulter et qui sont : (1) une instabilité continue du marché des produits vivriers, (2) la décrépitude de l’école, (3) l’incivisme et l’indiscipline dans le pays.
1.1- Le remaniement
La CPM a pris connaissance, comme l’ensemble des populations maliennes du remaniement ministériel par lequel le Président de la République a donné congé à l’équipe dirigée par Monsieur Modibo Sidibé remplacé par Madame Cissé Mariam Kaïdama Sidibé. Dans la société malienne, les femmes ont toujours occupé un rôle actif. La monétarisation de l’économie a même fait que de nombreuses femmes, sources de la partie essentielle des revenus de leurs ménages, sont de fait, les vrais chefs de leurs familles. La nomination de Mme Cissé raccourci donc la distance que la société politique malienne doit parcourir avant de rattraper la société réelle de notre pays.
A notre analyse, il n’est pas possible d’isoler un bilan du gouvernement Modibo Sidibé du bilan global du régime du Président Amadou Toumani Toure. Cela vient du fait même que M. Sidibé ne portait aucune version politique du projet mis en place par le Président de la République. Son action s’est totalement inscrite dans la ligne du Chef de l’Etat qu’il a servi comme un commis de l’Etat et non comme un homme politique venu avec sa coloration et ses sensibilités. De ce fait, la CPM considère que l’évaluation qui sera faite du régime du Président Amadou Toumani Toure devra, le moment venu, contenir une appréciation relative à l’époque où M. Sidibé était chef du gouvernement.
Un aspect important du remaniement que fait ressortir une analyse politique est la rentrée au gouvernement de deux partis réputés appartenir à l’opposition. Ces partis sont le Rassemblement pour la République (RPM) et le Parti pour la Renaissance Nationale (Parena). A l’appréciation de la CPM, la démocratie, en raison des conséquences du comportement des dirigeants sur la paix sociale, exige de la clarté et de la lisibilité. Un parti responsable ne peut refuser de voter le budget du gouvernement, ne peut systématiquement expliquer à ses militants tout le mal qu’il pense des projets du gouvernement en place et, du jour au lendemain sans explication, venir s’asseoir au sein de ce gouvernement. C’est ainsi que nait la confusion qui éloigne le peuple de la politique et des politiciens et forme le lit de la violence politique née de la frustration de populations ne se sentant plus représentées par aucune formation politique. La démocratie a ses règles, la république exige une éthique et une morale. Même en politique un parti, un leader, a le droit de changer de points de vue mais alors il a l’ardente et urgente obligation de s’expliquer devant le peuple. Il n’est pas encore tard ; tous les démocrates et républicains maliens attendent du RPM et du Parena des explications politiques sur leurs attitudes ou plutôt leurs changements d’attitudes. Cela ne fera que grandir les politiciens et rendre plus crédible la pratique politique et éviter a notre pays une situation confuse dont peut naitre des aventures. En attendant, la CPM prend note de ses ajustements intervenus et considère désormais que le RPM et le Parena sont dans une solidarité sans complexe avec le régime du Président Amadou Toumani Toure. Ces partis, nous l’espérons garderons cette ligne de solidarité assumée durant les élections de 2012.
1.2- Les coûts des produits vivriers
On constate qu’en Afrique de nombreux dirigeants continuent à dire que la crise économique, que l’augmentation des coûts des produits vivriers, épargnerons l’Afrique ou tel pays africain. Un tel comportement manque de crédibilité. A l’heure actuelle, de nombreuses analyses faites en Afrique de l’Ouest sont erronées. Elles basent leurs études sur le duo classique formé par l’offre et la demande. Une telle analyse est fondée pour un pays développé. Les analystes africains, maliens en particuliers qui se contentent de mimer ce raisonnement sont dans une erreur. Dans notre pays, les composantes principales de la situation sont constituées par d’autres facteurs conditionnant l’évolution de l’offre et de la demande. Ces facteurs sont : (1) l’accès au marché (dont un aspect capital est l’accès a l’emploi), (2) le profil du marché. La construction d’infrastructures comme les routes qui contribuent à améliorer l’accès au marché physique restera inopérante si les autres éléments, dont l’évocation dépasse le cadre de ce communiqué, ne sont pas pris en compte.
1.3- La situation de l’école
La CPM a constaté avec désarroi qu’il existe à l’heure actuelle une superposition de plusieurs grèves qui paralysent l’université malienne dont le risque, outre de s’ajouter à tous les risques connus et mille fois dénoncés, obligent au redoublement deux, voire trois, cohortes d’apprenants. La CPM dénonce le silence coupable de nous tous face à la chute continue de l’école malienne dans l’abime entrainant avec elle le futur immédiat du Mali.
1.4- L’incivisme et l’indiscipline
Nous ne parlerons pas ici de la corruption qui donne tant de tourments aux patriotes maliens et aux amis du Mali.
Ici l’incivisme que nous convoquons au débat est celui qui se constate dans la circulation routière et coûte des vies innocentes chaque jour. Les rues de Bamako et les routes du pays sont prises en otage par des individus dont l’arrogance n’a d’égale que la cylindrée de leurs voitures et leur ignorance des règles élémentaires écrites et non écrites de la vie en société. A ces individus irresponsables s’ajoutent des milliers de jeunes auxquels des parents souvent peu prévenants ont offert des engins à deux roues et dont l’ignorance du code de la route est évidente. Tous ces individus, par leurs comportements, mettent leurs vies et la vie d’autrui en risque. Un comportement qui met en risque, en violant la loi, la vie d’autrui, est un comportement criminel qui doit être sanctionné comme tel. L’Etat en ne sanctionnant pas ces comportements criminels s’en rend, de fait, complice. Cela est d’autant plus grave que ces comportements, mélanges d’arrogance, d’ignorance et de naïveté, marquent de façon visible et par le mépris la ligne de démarcation entre « ceux qui possèdent et ceux qui ne possèdent pas ». L’Etat a l’obligation de protéger les populations contre l’arrogance des criminels qui transforment, par la non obéissance du code de la route dont l’excès de vitesse, nos routes en boucheries à ciel ouvert.
2- L’Afrique
Sur le Continent, la CPM a prêté une attention particulière aux événements intervenus en Guinée, au Niger, en Tunisie, en Egypte et ceux en cours en Côte-D’ivoire et en Libye. Des analyses événementielles sont disponibles dans la presse quotidienne. La CPM a l’obligation de se livrer à des analyses de fonds.
En premier lieu la CPM a salué le comportement du peuple nigérien qui vient d’achever des élections dans le respect des règles de la démocratie et dans la préservation de la paix sociale. Nous encourageons le leadership nigérien à persévérer sur la voie d’une démocratie républicaine en évitant les pièges mortels que sont la corruption, l’accaparement du pouvoir, entre autres.
La CPM adresse ses félicitations aux peuples tunisiens et égyptiens et déclare son attachement indéfectible à soutenir les luttes de tous les peuples à la recherche d’un bien être économique et social. Aucun régime, aucun homme, ne peut s’arroger le monopole de la détention et de l’exercice du pouvoir dans un pays. Dans toute crise sociale opposant le peuple à ses dirigeants, la position de la CPM est claire, elle est toujours en faveur des peuples et jamais en faveur des dirigeants. Un peuple opprimé a-t-il le droit de se révolter contre un pouvoir corrompu et non démocratique ? La CPM pense, par principe, que oui.
La situation en république de Guinée est à suivre avec beaucoup d’attention et avec un esprit critique. Nous devons encourager les nouveaux leaders guinéens afin qu’ils travaillent à renforcer la liberté politique pour tous les guinéens y compris ceux s’inscrivant dans l’opposition, qu’ils travaillent à instaurer la démocratie et créent les conditions d’un progrès économique et social pour le peuple de Guinée. Nous devons rappeler aux dirigeants guinéens que l’accaparement des organes de la presse publique pour en faire un lieu de présence continu du président et/ou de sa femme, en excluant les autres forces sociales, même pour la bonne cause, est source de frustration et est antidémocratique.
Pour la Cote d’Ivoire et la Libye, la CPM rappelle la nécessite que chaque pays mette en place des institutions politiques démocratiques. Les réelles victimes des crises en cours sont les peuples des pays concernés. Les crises font parties de la vie mais certaines crises sont absurdes et totalement évitables surtout lorsqu’elles sont prévisibles.
Dialla Konaté, Président