“Abroger et remplacer la Constitution du 25 février 1992 n’est pas possible”
Dans une contribution envoyée à notre rédaction, l’ancien ministre Daba Diawara, docteur en droit, apporte des éclaircissements sur l’avant-projet de Constitution à travers une note relative à la possibilité d’élaboration d’une nouvelle Constitution.
Introduction
Au regard des conclusions des Assises nationales de la refondation (ANR), l’établissement d’une nouvelle Constitution est prévu pour être l’acte majeur de la refondation de l’Etat et de la démocratie. Le président de la Transition vient de mettre en place la Commission chargée de l’élaboration de la nouvelle Constitution. A notre sens, si un minimum de respect est accordé aux règles de l’Etat de droit, cette entreprise ne peut prospérer parce qu’elle ne peut emprunter la voie de la révision constitutionnelle d’une part et d’autre part l’état actuel du droit positif ne permet à aucune autorité de la Transition d’abroger et de remplacer la Constitution du 25 février 1992.
- L’élaboration d’une nouvelle Constitution ne peut emprunter aujourd’hui la voie de la révision constitutionnelle
Etablir une nouvelle constitution peut résulter d’une révision complète du texte en vigueur. Dans la Constitution du 25 février 1992, la révision est régie par l’article 118. Et encore qu’elle n’ait jamais été empruntée l’exemple français d’une révision opérée sur la base de l’article 11 de la Constitution du 4 octobre 1958 incite certains à penser que l’article 41 de la Constitution du Mali est aussi une voie de révision de la Constitution.
A notre sens, les autorités de la Transition ne peuvent procéder à une révision sur la base de l’article 118 parce que les obstacles qu’il pose à une telle entreprise sont pratiquement infranchissables. La démarche suivie avec la création d’une Commission de rédaction d’une nouvelle Constitution ferme la voie au passage par l’article 41.
1.1. Une révision de la Constitution du 25 février 1992 sur la base de l’article 118 rencontre aujourd’hui plus de difficultés que celles des tentatives précédentes
Toutes les tentatives précédentes ont été arrêtées par des manifestations de rue qui ont mis en avant d’une part la situation sécuritaire du pays qui, au regard de l’article 118 de la Constitution, constituait un obstacle incontournable et d’autre part le manque de légitimité d’une Assemblée nationale dont le mandat avait été irrégulièrement prolongé.
Suivant l’alinéa 3 de l’article 118 de la Constitution, “Aucune procédure de révision ne peut être engagée ou poursuivie lorsqu’il est porté atteinte à l’intégrité du territoire”. Et, il s’est toujours trouvé un groupe de citoyens, plus ou moins important, pour en faire un obstacle à la révision constitutionnelle au regard de la situation sécuritaire du pays dont, il est vrai, une grande partie est sous le contrôle de groupes armés qui combattent le gouvernement.
Bien que la Cour constitutionnelle ait une position fluctuante sur cette question, il est difficile de soutenir qu’aujourd’hui l’Etat du Mali contrôle entièrement son territoire national. Aucun observateur sérieux ne le soutient et le Nord et le Centre du pays, sans conteste, échappent au contrôle du pouvoir de Bamako. L’atteinte portée au territoire national demeure et à notre sens, elle impose de tirer les conséquences de droit de l’article 118 de la Constitution.
Un autre motif de l’opposition à une modification de la Constitution a été tiré du manque de légitimité de l’organe législatif qui devait intervenir dans la procédure de révision. Il n’a pas été accepté qu’une Assemblée nationale, bien que régulièrement élue, qui avait fini son mandat, intervienne dans la procédure. Bien que ce mandat ait été prorogé, beaucoup ont refusé de reconnaitre à cette Assemblée une légitimité lui permettant de toucher à la Constitution.
Il va de soi que cette question prend une importance plus prononcée lorsque l’on a affaire à un organe législatif dont les membres ont été désignés et de manière fortement contestée et auxquels la Cour constitutionnelle interdit de se prévaloir du titre de député. Simplement parce que l’article 118 de la Constitution est l’un des rares qui donnent spécifiquement des pouvoirs aux députés sous cette désignation.
1.2. La démarche suivie avec la création d’une commission de rédaction d’une nouvelle Constitution ferme la voie au passage par l’article 41
D’aucuns peuvent être tentés de considérer que l’article 41 de la Constitution ouvre la voie au président de la Transition de soumettre au référendum le projet de Constitution dont il vient de faire élaborer l’avant-projet. Une lecture attentive de l’article 41 établit aisément que cette voie ne peut pas être empruntée sur la base d’un texte qui émane du président de la Transition agissant dans le cadre des prérogatives du président de la République.
En effet, l’article 41 est ainsi libellé : “Le président de la République, sur proposition du gouvernement, pendant la durée des sessions ou sur proposition de l’Assemblée nationale, après avis de la Cour constitutionnelle publié au Journal officiel, peut soumettre au référendum toute question d’intérêt national, tout projet de loi portant sur l’organisation des pouvoirs publics, comportant approbation d’un accord d’union ou tendant à autoriser la ratification d’un traité qui, sans être contraire à la Constitution, aurait des incidences sur le fonctionnement des Institutions. Lorsque le Référendum a conclu à l’adoption du projet, le président de la République le promulgue dans les délais prévus à l’article 40”. Ainsi, il est clair que l’article 41 de la Constitution ne peut être mis en œuvre que sur la base d’une proposition du gouvernement ou de l’Assemblée nationale. Ce qui n’est pas le cas en l’espèce.
L’avant-projet de Constitution n’émane ni du gouvernement ni du CNT. Il a été élaboré sous l’autorité directe du président de la Transition qui en endosse la paternité. C’est lui qui a créé suivant le décret n°2022-0342/PT-RM du 10 juin 2022 la Commission de rédaction de la nouvelle Constitution. L’a placée sous son autorité directe (article 1er). A nommé ses membres (article 3). Lui a fait obligation de lui faire un point d’étape tous les quinze jours ou en cas de besoin et de lui remettre un rapport de fin de mission et un avant-projet de Constitution (article 7). Ce qui a été fait.
Donc, quel que soit ce que le président de la Transition peut faire pour amender cet avant-projet et le modifier et quelle que soit l’implication future dans le processus du gouvernement ou du CNT, le projet ne pourra pas être considéré comme une proposition du gouvernement ou de l’organe législatif et ouvrir droit au président de la Transition à le soumettre au référendum.
En outre, l’article 41 ne peut servir à changer entièrement la Constitution. Le projet qui peut en résulter ne peut porter que sur l’organisation des pouvoirs publics qui n’est qu’une composante du texte constitutionnel. La Constitution du 25 février 1992 comporte, outre le préambule, dix-huit (18) titres dont neuf (9) seulement peuvent être considérés comme se rapportant à l’organisation des pouvoirs publics. Enfin, chaque fois qu’il y a été fait recours, la révision n’a porté que sur quelques points de l’organisation des pouvoirs publics (élection du président de la République au suffrage universel direct, réforme du Sénat et régionalisation). Et un président a précisé “qu’il doit être utilisé avec précaution, à propos de textes peu nombreux et simples dans leur rédaction”.
- L’état actuel du droit positif
ne permet à aucune autorité de la Transition d’abroger et de remplacer
la Constitution du 25 février 1992
La Charte de la transition en date du 1er octobre 2020 maintient expressément en vigueur la Constitution du 25 février 1992. Elle maintient toutes les institutions de la République et l’ensemble des droits et libertés consacrés par la Constitution du 25 février 1992. Ce qu’elle change, c’est qu’elle substitue au président de la République un président de la Transition, à l’Assemblée nationale, un Conseil national de transition, fait du gouvernement, un gouvernement de Transition et fixe leur régime.
La loi n°2022-001 du 25 février 2022 portant révision de la Charte de transition retient parmi les missions de la Transition les réformes politiques, institutionnelles et administratives et la mise en œuvre efficiente des recommandations des Assises nationales de la refondation.
Cet état du droit positif ne donne compétence à aucune autorité de la Transition d’établir une nouvelle Constitution pour deux raisons. La première est qu’en maintenant en vigueur la Constitution du 25 février 1992, les détenteurs du pouvoir se sont donné un statut de pouvoir constituant dérivé dont la compétence se limite à une révision de la Constitution suivant les conditions et les limites qu’elle pose. La deuxième est que la Charte de la transition même révisée n’offre pas aux autorités de la Transition la possibilité d’élaborer une nouvelle Constitution.
2.1. En maintenant en vigueur la Constitution du 25 février 1992, les détenteurs du pouvoir se sont donné un statut de pouvoir constituant dérivé
Par établissement de la Constitution, il faut entendre le pouvoir d’adopter une première ou une nouvelle Constitution et celui de réviser entièrement une Constitution en vigueur. L’auteur d’une constitution écrite est appelé pouvoir constituant. Mais est également désigné comme pouvoir constituant, la capacité juridique d’établir une constitution écrite. On distingue le pouvoir constituant originaire du pouvoir constituant dérivé ou institué (de révision). Le pouvoir constituant originaire est celui d’édicter une première ou une nouvelle Constitution. Il suppose donc une rupture de l’ordre constitutionnel antérieur résultant d’une guerre avec occupation du territoire national ou tout simplement d’une décision de bâtir autre chose (par exemple transformer un Etat unitaire en Etat fédéral ou le contraire, passer d’un régime autoritaire à une démocratie pluraliste) ou résultant d’une révolution ou d’un coup d’Etat qui suspend l’ancienne Constitution et dissout les organes constitués.
Ce fut le cas avec :
– L’Ordonnance n°1/CMLN du 28 novembre 1968 portant organisation des pouvoirs publics qui a suspendu la Constitution du 22 septembre 1960 à la suite du coup d’Etat du 19 novembre 1968 ;
– L’Acte fondamental n°1/CTSP du 31 mars 1991, pris à la suite de la Révolution démocratique du 26 mars, qui a mis fin à la IIe République et a suspendu la Constitution du 2 juin 1974 ;
– L’Ordonnance n°001/CNRDRE du 26 mars 2012 portant Acte fondamental de l’Etat du Mali pris à la suite du coup d’Etat du 22 mars 2012 qui a renversé le président Amadou Toumani Touré et a suspendu un moment la Constitution du 25 février 1992 ;
Dans ces cas, la suspension de la Constitution a créé un vide juridique qui a permis l’émergence d’un pouvoir constituant originaire et, par définition, souverain, c’est-à-dire qu’il n’était assujetti à aucune limitation juridique. C’est ce qui a permis l’élaboration et l’adoption de la Constitution du 2 juin 1974 et de la Constitution du 25 février 1992.
Mais, si après une révolution ou un coup d’Etat, les nouveaux détenteurs du pouvoir d’Etat maintiennent en vigueur la Constitution qu’ils ont trouvée en place, ils se donnent le statut de pouvoir constituant dérivé. Ils ne peuvent donc procéder qu’à une modification de ladite Constitution en vigueur, suivant la procédure qu’elle prévoit et dans le respect des limites qu’elle impose. Or, les auteurs du renversement du régime intervenu en août 2020 ont expressément maintenu en vigueur la Constitution du 25 février 1992. Ce qui leur donne le statut de pouvoir constituant dérivé et les prive du droit d’élaborer une nouvelle Constitution.
2.2. La Charte ne donne compétence à aucune autorité de la Transition pour établir et mettre en œuvre une procédure de révision de la Constitution du 25 février 1992
La Charte de la transition même révisée n’inclut pas la révision de la Constitution dans les réformes politiques, institutionnelles et administratives et la mise en œuvre efficiente des recommandations des Assises nationales de la refondation, donc ne prévoit aucune procédure de révision de la Constitution et ne donne compétence à aucune autorité de la Transition pour établir et mettre en œuvre une procédure de révision de la Constitution du 25 février 1992. Au regard de ces considérations, abroger et de remplacer la Constitution du 25 février 1992 n’est pas régulièrement possible.
Daba DIAWARA
Docteur en droit
« [L]’état actuel du droit positif ne permet à aucune autorité de la Transition d’abroger et de remplacer la Constitution du 25 février 1992. »
J’ai beaucoup de respect pour Daba DIAWARA et sa contribution de grande qualité à la vie publique du Mali. J’ai lu avec intérêt les études et rapports qu’il a rédigés dans le passé.
La présente contribution de Daba Diawara concernant le projet du gouvernement de transition de nouvelle Constitution est aussi de grande qualité.
Mais, respectueusement toujours, je dois dire que je suis en désaccord avec une grande partie de son analyse et la conclusion à laquelle il aboutit, à savoir l’impossibilité pour les autorités de transition du Mali de ”remplacer” la Constitution de 1992 en vigueur partiellement.
Je vais essayer d’avancer quelques arguments qui militent en faveur de la thèse de la possibilité de l’adoption d’une nouvelle Constitution par les autorités maliennes actuelle de transition.
Avant d’exposer les arguments relatifs à la possibilité pour les autorités de transition d’adopter une nouvelle Constitution (2), je vais dire quelques mots concernant les points de l’analyse de Daba Diawara sur lesquels je suis en accord, à savoir l’impossibilité du changement constitutionnel sur la base de la procédure de révision de la Constitution de 1992 (1).
1 – Points d’accord : l’impossibilité du changement constitutionnel sur la base de la procédure de révision dans le cadre de la Constitution de 1992
Seules nous intéressent ici deux des grandes conditions contenues dans l’article 118 de la Constitution de 1992 qui doivent être réunies pour que la révision soit possible. La première condition concerne les initiateurs du projet ou de la proposition de révision de la Constitution, puis son vote par le parlement. La seconde condition concerne le non-engagement ou la non-poursuite de la procédure de révision de la Constitution lorsqu’il est porté atteinte à l’intégrité du territoire du Mali.
L’article 118 de la Constitution de 1992 prévoit, dans ses alinéas 1 et 2, que l’« initiative de la révision de la Constitution appartient concurremment au président de la République et aux députés » et que le « projet ou la proposition de révision doit être voté par l’Assemblée nationale à la majorité des deux tiers de ses membres » et également que la « révision n’est définitive qu’après avoir été approuvée par référendum ».
Or, comme on le sait et l’a rappelé ici dans son texte Daba Diawara, les membres du CNT ne sont pas des députés au sens de la Constitution de 1992. Ils ne sont pas des députés élus au suffrage universel direct ayant le droit d’initier la procédure de révision et devant obligatoirement voter à l’assemblée nationale à la majorité des deux tiers de ses membres le projet (lorsque l’initiative de la révision émane du président de la République) ou la proposition (lorsque l’initiative de la révision émane des députés) de révision. La jurisprudence récente de la Cour constitutionnelle du Mali a refusé aux ”membres du Conseil national de transition” la qualité de ”députés”. Par extension, le chef de l’État actuel, président de transition, dans le cadre de la Constitution de 1992 n’est pas le président de la République élu au suffrage universel direct et n’a donc pas le droit d’initiative de la révision de la Constitution.
Il n’est pas nécessaire, ici, d’analyser la deuxième condition de non-atteinte à l’intégrité territoriale. La révision est impossible dans le cadre de l’article 118 par le simple fait que les organes en place pendant la transition actuelle ne sont pas ceux prévus par la Constitution de 1992. Même si on considère que le territoire est pacifié à 100%, la révision serait impossible.
2 – Points de désaccord : la possibilité de changement constitutionnel sur la base de l’adoption d’une nouvelle Constitution hors du cadre de la Constitution de 1992
Avec raison, ce n’est pas la voie juridique de la ”révision de la Constitution de 1992” qui a été empruntée par les autorités de transition pour le changement constitutionnel au Mali. C’est celle du changement par l”’élaboration d’une nouvelle Constitution” qui a été retenue. Les travaux ont été confiés à une commission spéciale chargée précisément par un décret de la rédaction de la nouvelle Constitution. L’article 1er du décret n°2022-0342/PT-RM du 10 juin 2022 portant création, mission, organisation et fonctionnement de la Commission de rédaction de la nouvelle Constitution prévoit la disposition suivante : « Il est créé, auprès du Président de la Transition, une Commission de rédaction chargée d’élaborer un avant-projet de loi portant constitution de la République du Mali, dans le cadre de la Refondation de l’État. »
Au sujet de l’adoption d’une nouvelle Constitution au Mali, Daba Diawara soutient que cela est impossible, car selon cet éminent juriste, l’« état actuel du droit positif ne permet à aucune autorité de la Transition d’abroger et de remplacer la Constitution du 25 février 1992 ».
C’est sur ce point que je suis en désaccord avec la thèse de l’auteur. Je crois, en ce qui me concerne, que l’élaboration d’une nouvelle Constitution par les autorités de transition actuelles et son adoption référendaire par le peuple malien sont possibles, si certaines conditions précises que je mentionnerai plus loin sont respectées.
Daba Diawara se base sur deux séries d’arguments pour rejeter la possibilité pour les autorités de transition d’adopter une nouvelle Constitution.
Voyons quels sont ces arguments, au sujet desquels je regrette de dire, respectueusement, qu’ils me semblent spécieux, voire légers.
-Il est d’abord soutenu, en invoquant la distinction entre pouvoir constituant originaire (pouvoir d’adopter une première ou une nouvelle Constitution) et pouvoir constituant dérivé ou institué (pouvoir de réviser la Constitution), que les autorités de transition n’ont qu’un pouvoir constituant dérivé parce qu’elles n’ont pas suspendu mais maintenu en vigueur la Constitution de 1992. L’auteur cite ensuite notamment l’Ordonnance n° 1 de 1968 de Moussa Traoré et l’Acte fondamental n°1 de 1991 d’Amadou Toumani Touré qui, ayant suspendu la Constitution en vigueur à leur époque, aurait « créé un vide juridique qui a permis l’émergence d’un pouvoir constituant originaire et, par définition, souverain, c’est-à-dire qu’il n’était assujetti à aucune limitation juridique ». C’est ce qui a, toujours selon l’auteur, « permis l’élaboration et l’adoption de la Constitution du 2 juin 1974 et de la Constitution du 25 février 1992 ».
Pour Daba Diawara, contrairement aux régimes précédents, « les auteurs du renversement du régime intervenu en août 2020 ont expressément maintenu en vigueur la Constitution du 25 février 1992 », ce « qui leur donne le statut de pouvoir constituant dérivé et les prive du droit d’élaborer une nouvelle Constitution ».
Je trouve que l’analyse de l’auteur de l’article est, sur ce point, très formelle. Sa distinction, classique en droit constitutionnel, pouvoir constituant originaire versus pouvoir constituant dérivé, tirée des manuels de droit français, n’a qu’une faible valeur explicative et argumentative dans le contexte constitutionnel malien et celui de la plupart des États d’Afrique qui sont presque depuis leur naissance des États en transition qui ne se sont jamais dans la pratique illustrés par le respect d’un formalisme constitutionnel excessif.
Allons au fond des choses et regardons ce qui distingue l’Acte fondamental et la Charte de la transition de 2020 des autorités de transition actuelles qui ont ”maintenu la Constitution du 25 février 1992” partiellement (très important, ce mot partiel qui ne figure pas dans l’argumentation de l’auteur l’article commenté ici) de l’Ordonnance n°1/CMLN du 28 novembre 1968 portant organisation des pouvoirs publics qui a ”suspendu la Constitution du 22 septembre 1960” à la suite du coup d’État du 19 novembre 1968 et de l’Acte fondamental n°1/CTSP du 31 mars 1991 qui a ”suspendu la Constitution du 2 juin 1974”.
En réalité, peu de choses. Que la Constitution soit suspendue (1968 et 1991) ou qu’elle soit maintenue (2020), le résultat ne diffère pas beaucoup dans les faits et même en droit.
L’Ordonnance n°1/CMLN du 28 novembre 1968 suspend certes la Constitution de 1960, mais reprend dans le texte même de l’ordonnance certaines dispositions de la Constitution qu’elle suspend et reprend ensuite en bloc des titres entiers de la Constitution de 1960 : « Les dispositions des titres V, VI, VII, VIII et X de la Constitution du 22 septembre 1960 demeurent valables mutatis mutandis dans la mesure où elles ne sont pas contraires à la présente ordonnance et dans la mesure où elles ne font pas l’objet d’une abrogation expresse. » (article 19 de l’Ordonnance n°1/CMLN du 28 novembre 1968).
L’Acte fondamental n°1/CTSP du 31 mars 1991 innove sur le plan constitutionnel du fait de l’effervescence démocratique de l’époque, mais il est certain qu’il n’a pas fait table rase de toutes les dispositions de la Constitution de 1974.
Quant à l’Acte fondamental et la Charte de la transition des autorités actuelles, il est vrai qu’elles maintiennent en vigueur la Constitution de 1992. Mais elles ne la maintiennent en vigueur que dans la mesure où les dispositions de la Constitution de 1992 ne sont pas contraires ou incompatibles avec les actes constitutionnels de la transition : « Avant l’adoption d’une Charte pour la transition, les dispositions du présent Acte qui s’appliquent comme dispositions constitutionnelles, complètent, modifient ou suppléent celles de la Constitution du 25 février 1992. / Toutefois, les dispositions de la Constitution du 25 février 1992 s’appliquent tant qu’elles ne sont pas contraires ou incompatibles avec celles du présent Acte. » (article 41 de l’Acte fondamental de 2020) ; « En cas de contrariété entre la Charte de la Transition et la Constitution du 25 février 1992, les dispositions de la présente Charte s’appliquent. / La Cour constitutionnelle statue en cas de litige. » (article 25 de la Charte de la transition de 2020).
Ce que je retiens de la lecture de ces textes constitutionnels maliens, c’est le fait que lors des changements de régime la suspension de la Constitution par le nouveau régime a pu n’être que partielle dans le passé et que le maintien de la Constitution n’est que partiel actuellement. Il y a donc un rapprochement entre les deux types de situation. En tout cas, je ne vois rien qui puisse justifier sérieusement, sur la base de la distinction théorique pouvoir constituant originaire / pouvoir constituant dérivé, que les autorités de transition du Mali n’ont pas le pouvoir d’adopter une nouvelle Constitution. D’autant que la nouvelle Constitution sera obligatoirement soumise à l’approbation du peuple du Mali par referendum.
D’ailleurs, à supposer que les autorités actuelles n’ont pas ce pouvoir constituant originaire, il ne sert à rien dans la pratique, comme l’a fait Daba Diawara dans la première sous-partie du point 2 de son développement (2.1), de soutenir qu’en « maintenant en vigueur la Constitution du 25 février 1992, les détenteurs du pouvoir se sont donné un statut de pouvoir constituant dérivé », puisqu’on l’a dit plus haut les autorités actuelles ne peuvent pas réviser la Constitution de 1992 notamment à cause d’une interdiction implicite de la Cour Constitutionnelle. On serait alors dans une situation de blocage liée à l’impossibilité de changer la Constitution durant la période actuelle de transition, à la fois par voie de révision de la Constitution de 1992 et par voie d’adoption d’une nouvelle Constitution.
Je crois, personnellement, qu’il est du devoir des éminents juristes maliens de trouver des solutions pratiques aux problèmes constitutionnels du Mali et non de maintenir le pays dans le blocage et l’inaction sur la base des théories contenues dans les manuels de droit constitutionnel français.
D’ailleurs, il n’est pas très difficile de démonter la thèse de l’impossibilité défendue par Daba Diawara, puisque la Charte 2020, dans son article 2, assigne à la Transition comme mission notamment « le redressement de l’État et la création des conditions de base pour sa refondation » et « le lancement du chantier des réformes politiques, institutionnelles, électorales et administratives ». Or, la refondation et les réformes politiques, institutionnelles, électorales et administratives doivent passer par le changement constitutionnel. Les autorités de transition peuvent tirer de ces dispositions le fondement juridique de leur pouvoir de changer la Constitution par adoption d’une nouvelle Constitution. Il n’est pas nécessaire que ce pouvoir d’élaboration de nouvelle Constitution soit prévu textuellement et complètement par la Charte de la transition. Ça serait interpréter les textes constitutionnels trop littéralement et trop limitativement. Ça serait aussi faire perdre du temps et de l’argent public puisque les autorités de transition peuvent toujours modifier la Charte de 2020 pour s’octroyer un pouvoir d’adoption d’une nouvelle Constitution ou plus radicalement pour suspendre et abroger la Constitution de 1992 pour se conformer à la définition du pouvoir constituant originaire des théoriciens du droit.
La théorie du droit, à mon avis, n’est pas très utile au Mali en ce moment. Si on pousse loin l’analyse sur la base de la théorie, c’est tout le régime actuel qu’il faudrait remettre en cause puisqu’il est issu d’un coup d’Etat que la Constitution du Mali de 1992 et des textes des organisations internationales condamnent. Il faut des propositions, des solutions concrètes et pratiques pour tirer le Mali vers le haut, raison pour laquelle les militaires ont temporairement pris le pouvoir. Il faut aussi regarder le contenu du projet de nouvelle Constitution et observer la réaction des Maliens. Si c’est positif, aider les autorités publiques à faire avancer le Mali.
Je vais finir mon commentaire par un court développement sur la condition qui me semble la plus problématique concernant l’adoption par les autorités de transition du projet de nouvelle Constitution. J’ai été surpris de voir que Daba Diawara ne l’a pas évoquée dans la deuxième partie de son commentaire (”2. L’état actuel du droit positif ne permet à aucune autorité de la Transition d’abroger et de remplacer la Constitution du 25 février 1992”).
3 – Point difficile : la condition de non-atteinte à l’intégrité du territoire y compris lors de l’adoption d’une nouvelle Constitution
Je crois que le point qui pose le plus de difficulté sur le plan juridique dans le processus d’adoption de la nouvelle Constitution est la condition liée à la non-atteinte à l’intégrité du territoire national. Cette condition est prévue à l’article 118, alinéa 3, de la Constitution de 1992 pour la révision constitutionnelle : « Aucune procédure de révision ne peut être engagée ou poursuivie lorsqu’il est porté atteinte à l’intégrité du territoire ». Mais je suis d’avis que cette condition, bien que n’étant mentionnée nulle part dans les textes constitutionnels de la transition, s’applique aussi aux autorités de transition qui veulent adopter un projet de nouvelle Constitution. En effet, la raison qui justifie l’interdiction de réviser la Constitution lorsqu’il est porté atteinte à l’intégrité du territoire se trouve avec encore plus de force lorsqu’il s’agit d’aller plus loin dans le changement constitutionnel en élaborant une nouvelle Constitution.
Cette condition vise notamment à protéger le consentement des autorités publiques qui initient le changement de Constitution et le consentement du peuple du Mali qui doit sortir pour se prononcer par voie de referendum. Si les autorités publiques du Mali sont prises en otages par des groupes terroristes ou par des forces étrangères d’occupation pour modifier la Constitution en leur faveur, il est évident qu’il faudrait alors interpréter l’ordre constitutionnel du Mali dans le sens de l’impossibilité du changement de Constitution à cause de l’atteinte à l’intégrité du territoire national. C’est la raison pour laquelle j’ai, à l’époque du régime de transition de Bah Ndaw, défendu la thèse de l’impossibilité du changement constitutionnel. L’influence des forces d’occupation française et européenne étant à l’époque trop grande sur les autorités de transition. Le projet ne pouvait être que favorable à la partition et la déstabilisation du Mali. Au contraire, je suis pleinement rassuré aujourd’hui par le régime d’Assimi Goïta et de ses camarades concernant ce point précis du maintien de l’unité et de la souveraineté du Mali. Du point de vue des autorités publiques, je crois donc que le changement de Constitution est possible au regard du départ du territoire du Mali des forces d’occupation françaises et du système de la Françafrique qui ont eu un rôle nuisible au Mali. Si la MINUSMA est elle aussi remerciée, ça sera une force étrangère d’occupation en moins. Il reste ensuite à voir si les autorités publiques seront en mesure d’organiser le referendum d’adoption de la nouvelle Constitution sur l’ensemble du territoire national dans des conditions sécuritaires satisfaisantes.
Daba a-t-il oublié que le peuple du Mali est souverain? Et s’il décidait souverainement de se doter d’une nouvelle constitution? Peut-on l’en empêcher?
Le juridisme beat dont parle notre ami visus ne peut résister à la volonté farouche du peuple de changer sa constitution. Cette dernière et les institutions qui en découlent ne valent que par l’onction populaire.
Alors, haut les cœurs pour un changement de constitution car le besoin s’en fait sentir.Les institutions qui en sortiront devront être assez fortes pour résister aux tentations nauséeuses de notre médiocre personnel politique.
Merci Fanga pour la lumiere!
Je me demande où vit certains politiciens maliens. La constitution de 1992 est à l’origine des dérives qui ont emporté le Mali au 3/4 en tout cas plus de la moitié; en permettant le vol à ciel ouvert des dirigeants et en consacrant leur intouchabilité. Nous sommes en voie de sortir de ce gouffre constitutionnel après les tentatives de 3 présidents et après la commission Daba Diawara qui n’a pas réussi; et voilà que Daba nous emmène dans un juridisme béat que le peuple malien a dépassé.
En regardant cette tete de Daba on doit se poser la question comment peut-on donner la responsabilité a un type de ce genre d’ecrir une Constitution? Vraiment pas une tete intelligente!
Kinguiranke je pense que ton béni oui oui à eu raison de ta tête, qui ne sait plus lire à forte raison analyser. Daba n’a rien dit autre que le droit et rien que du droit, maintenant dieu merci lui il n est pas un opportunistes et il aime ce pays plus que toi, pour avoir travailler comme un grand commis. Si les autorités de la transition sont là pour le Mali et non pour les délices du pouvoir, ils doivent écouter le ministre daba diawara. Waint end ses.
Doctorant de mes chaussures, il faut bouger Daba avec le MALIKURA! La constitution de 1992 a démontré ses failles et carences depuis 1992, alors arrêtes de nous casser les oreilles!
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