Dans cette œuvre, le jeune écrivain Serge Daniel est douloureusement conscient du néant universel ; il recueille toutes les lamentations, tous les cris de souffrance qui montent des êtres peinant dans le plus vain des mirages, en terre Sahélienne. C’est un coup de fouet violent et implacable.
Le journaliste et écrivain, comme dans un ample réquisitoire continuel, dont la rigueur et la précision ne lui feront pas que des amis, décrit l’ensevelissement de l’amour et de la vie sous la grossièreté de passeurs sans âme, des proxénètes «d’Etat » et des terroriste apatrides.
On peut aussi relever de ci de là la griffe de l’écrivain confirmé dans telle scène traitée avec un sens dramatique aigü, où les lecteurs « découvriront qu’une mafia de trafiquants de cocaïne utilise la bande Sahélo-Saharienne dans sa partie la plus désertique comme lieu essentiel de passage de stupéfiants… Mafia spécialisée dans les stupéfiants, mafia de trafiquants d’armes, mafia drapée pour le pire dans un drap religieux, mafia composée de négociateurs et d’intermédiaires préposés à la capture d’otages de toute nature…».
Dans tel fragment dialogué d’un réalisme irritant, « le business des femmes que la mafia nigériane fait traverser à une condition : qu’elles tombent enceintes sur les routes de l’immigration clandestine et qu’elles se séparent de leur enfant… ».
Dans certains débordements aussi d’une imagination débridée qui n’évite pas toujours le spectacle invariable, l’auteur donnant sa liberté dans les enchainements, il y a la prostitution internationale. Ici, dans son amertume sans ironie, dans la misère des dénouements, se révèle, comme un jugement, le pessimisme de l’auteur. Il suffit d’attendre un peu.
Avec l’invraisemblance de certaines situations, c’est un autre drame véritable, et non plus une situation linéaire : l’immigration clandestine. « Les enfants victimes de ce trafic sont destinés à être vendus pour être ensuite adoptés, pour se prostituer, ou servir d’enfants soldats ou d’esclaves domestiques ». Les passeurs, les hébergeurs, les moyens de transport… et pas un mot d’amour au cours de cette longue et périlleuse traversée.
Sous l’aimable apparence de certaines conventions d’adoption se cachent le vice, la concupiscence et le crime. C’est la tragédie souvent de facture judiciaire de jeunes garçons et d’adolescentes pris dans les chaînes d’une luxure ignoble, sous le couvert de l’adoption. A l’arrivée, privés de considération, au milieu de personnages hostiles et sauvages, ils sont contraints à subir la bastonnade, la boue, et obéissent à des volontés purement marchandes, charnelles, sexuelles, et leur « aboiement » devient le cri inarticulé de la lutte pour la survie, et le sacrifice de leur jeune féminité sur les trottoirs de l’Europe civilisée.
Air Cocaïne, ah ! vie et mort d’un Boeing, cargo qui laissait pleuvoir de la drogue dans le désert malien, introduisant des manières nouvelles dans la profession de trafiquant, avec des pilotes d’une combativité audacieuse et des clients inspirés, non par des poèmes religieux , mais par des concepts de pendards, inégalables pour trouver des refuges sûrs. A ces pages très bien documentées, s’ajoutent les observations directes et discrètes de Serge Daniel, où le sentiment vaut parfois par l’informulé. L’univers physique s’élargit et fait leur place à des infractions nouvelles ; l’amour prétendu de la terre natale se transforme en culte brutal et agressif du fric. Les coupables d’Air Cocaïne ont bénéficié de la bienveillante clémence de la Cour d’Assises de Bamako , fin 2011 .
Dans ce très bon livre, le thème souvent jaillit d’un épisode, d’une anecdote, d’un personnage : l’émotion est toujours retenue par un humour plein de sympathie et par le sens de la solidarité. Mais ces sentiments s’éparpillent souvent dans une suite pas assez contenue ; de plus, le déroulement de l’action sur quatre plans superposés : les trafiquants et les jihadistes, le Mali en guerre et l’opération serval, les otages et la tragédie de Ghislaine et Claude, les Touaregs, n’est pas fait pour remédier à cet éparpillement. On peut dire que très souvent le journaliste étouffe l’écrivain. On trouve juxtaposées, mais non pas fondues, des passions qui broient les individus sans pour autant éclaircir le mystère des existences personnelles et des rapports, avoués, cachés, inavouables, qui les lient les unes aux autres.
Cette œuvre est aussi la satire d’une société que l’auteur connaît bien, qui mêle au badinage une peinture féroce de la conscience aliénée par « une fausse religion ». Il prend un recul suffisant pour en voir la sclérose, et montre par exemple un gamin muni d’une kalachnikov en plein milieu d’une route dans le désert, jeune mégalomane instruit contre toute musique, dont le reggae, semblable au Lafcadio d’André Gide, qui veut mettre en pratique le principe mal compris du surhomme nietzschéen.
Le quart du livre est un sujet puissant : une tragédie qui ne laisse aucune place au sens du romanesque ni du sentiment. Nul conflit intime dans l’âme des proxénètes d’Etat ou de leurs clients, mais seulement la fourberie, l’arrogance et la cruauté. L’auteur les met en relief d’une façon magistrale et, s’il possède un sens très vif de la satire la plus aigüe, c’est avec une froide rigueur qu’il reconstitue les événements dramatiques.
Puisque la richesse a des origines fabuleuses, souvent abjectes, mais toujours obscures, voire diaboliques, les libertins mènent joyeux offices.
Comme dans « les cent vingt journées de Sodome » du marquis de Sade, des adolescentes maliennes, triées sur le volet après un test de VIH, sont expédiées de Bamako à Tripoli et livrées à la discrétion de maîtres implacables. La suite se déroule sous des tentes luxueuses, où l’aristocratie de fin de règne aime à batifoler. Des domestiques distants et attentifs, une société de nouveaux riches partageant son oisiveté entre le thé, les excursions, et les innocentes et naïves maliennes livrées par « un personnage bien connu » et bien rémunéré.
C’est une petite vie insouciante, avec des jeunes filles dupées qui ne verront jamais dans l’obscurité le visage de leurs cavaliers, lesquels raidissent de cynisme leur charme financier.
Ces bourreaux toujours affamés de « chair fraîche et exotique », par suite d’exigences impitoyables d’une nouvelle existence fondée sur le vice et l’impunité, pourront combler la mesure en toute quiétude.
Le comble de la perfection dans l’abjection. De belles captives sont soustraites à leur pays et parents au profit de voluptés criminelles, et la grande affaire est de parvenir au maximum de la jouissance. Comme écrivait Sade : « Tu ne connaîtras rien, si tu n’as pas tout connu ». Point de place pour la honte, le remords ou le dégoût de soi. Avec de l’argent, il suffit d’être capable de transformer à tout moment ses répulsions en délices. On ne fait aucune merci, car la luxure est une faim qui ne saurait s’assouvir. Les petites proies finissent sur le trottoir en Europe.
Le « milieu » ou plutôt les multiples cercles qu’invoque et juge Serge Daniel avec une ironie supérieure, constituent un autre tour de force technique. En même temps, l’analyse des situations est d’une minutie, d’un fouillé, qui laissent le lecteur stupéfait.
Ce livre doit son charme à la vigueur aigüe de l’analyse, d’une expérience si fantastique, menée avec un style rigoureusement précis et expressément critique. Enfermé dans son destin comme dans une armure ou une prison, Iyad ne veut pas entendre parler de République d’Azawad. Nous avons déjà la République du Mali et nous irons partout au Mali pour répandre l’islam. Le MNLA n’a qu’à aller créer sa République où il veut. Les Islamistes développent une politique de conquête de terrain tandis que le MNLA développe une politique de communication. Une fois le terrain conquis, Aqmi et ses soutiens locaux ne feront qu’une bouchée du MNLA.
Que dire de la politique française après la « libération » ? Ecoutons cet officier Tchadien : «Après avoir réglé l’affaire des islamistes dans les collines de Kidal, notre équipe est arrivée à Kidal Ville. Nous avons mis en place un plan pour désarmer les rebelles Touaregs, parce que, pour nous, à part l’armée malienne, aucune autre armée ne peut avoir des armes sur le territoire. Nous avons mené l’enquête. On savait où se trouvaient les armes du MNLA. Ils cachaient parfois les armes d’un côté et les munitions de l’autre. On savait où ils étaient. On connaissait leur nombre, ce qu’ils faisaient, même la couleur du thé qu’ils buvaient, on savait tout ça. Nous avons donc fait un plan pour les désarmer. Mais, au moment où nous allions passer à l’attaque, l’armée française a demandé de ne rien faire. »
Pour la France qui s’adresse à un large public, malien, français et international, la grande affaire, c’est la préservation in extremis et définitive de l’intégrité territoriale du Mali. SERVAL, frémissante, hardie et pleine de feu, inspirée par les chants patriotiques de Déroulède, avec des armées africaines amies, déloge la horde terroriste, répare l’offense et restaure l’honneur. La France compte aussi sur un MNLA dépenaillé, en loques, mais bluffeur pour retrouver ses otages. Enfin, le syndrome du Rwanda et du génocide des Tutsis minoritaires est présent dans les esprits : l’armada porte la marque d’un esprit didactique plutôt favorable à la fraternité entre les populations du même pays. L’auteur, lui, parle de symphonie inachevée.
Ce livre est aussi et surtout intéressant comme document : c’est presque un répertoire systématique de tous les jihadistes de toutes les nationalités qui ont afflué au Nord Mali comme la terre promise, tel le pittoresque Breton Gilles le Guen, alias Abd El Jalil qui a beaucoup bourlingué avant d’atterrir à Tombouctou après s’être converti à l’islam en Tunisie. Ils veulent s’éloigner de la vulgarité de la vie réelle qui n’a plus aucun attrait pour leur scepticisme. Certains sont perturbés jusqu’à la démence par la recherche du gain illicite par la violence gratuite.
La valeur du livre réside aussi dans la sincérité du ton et l’exactitude des caractères. La conviction de l’auteur et la riche facture des annexes confèrent à ce livre un relief tout particulier, notamment géopolitique.
Calme, cultivé, l’œil et l’esprit vifs, le rire facile, l’expression franche, voici l’écrivain. Intègre, méthodique, méticuleux, juste, déterminé, incorruptible, voici le journaliste. L’homme Serge, abordable par quiconque, que l’on peut croiser dans la rue à Kayes ou à Kidal, ne connaît rien aux vertus de l’enracinement. Il connait tout des kaatiba, des rebelles, des jihadistes, du Polisario, des confins du Tegharghar.
Selon un article planétaire retentissant en date du 30 juillet 2014, du « New York Time », les rançons versées à des preneurs d’otages leur permettent de s’armer, de recruter, de poursuivre leurs méchantes actions terroristes, voire de financer Al-Qaida. Quel scoop ! Après des années de révélations, Serge Daniel peut se vêtir de la sérénité qu’impose la courtoisie confraternelle et chanter l’hymne du pionnier.
Par Me MAMADOU GAKOU
Avocat à la Cour
lawyergakou@yahoo.fr
(En vente aux librairies Bah, Grand Hôtel, 19 000 F CFA)
Le seul chic, c'est qu'à la fin de cette longue tirade, on s'étonne que l'auteur soit Serge Daniel, pas Gakou Mamadou. Il ne peut en être autrement, car la seule fibre dont la nature nous a gratifié, c'est le "griotisme". L'art de flatter les autres, la profession de louanges plus justes que l'original.
Le seul chic, c’est qu’à la fin de cette longue tirade, on s’étonne que l’auteur soit Serge Daniel, pas Gakou Mamadou. Il ne peut en être autrement, car la seule fibre dont la nature nous a gratifié, c’est le “griotisme”. L’art de flatter les autres, la profession de louanges plus justes que l’original.
Serge Daniel : se faire commenter par maître gackou est un très mauvais signe: la corruption
Gakou et l’acte fondamental rédigé pour la bande à Sanogo ?
Cher frère vous êtes peut être brillant mais le mali actuel a besoin de vertus et vous en avez pas
Rien à faire nous combattrons ibk tant que vous et d’autres sont à ses cotés
Merci cher maitre
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