Chaque personne, chaque groupe, a une histoire différente. Mais, nous sommes tous des enfants d’Adam.
Accentuer les clivages est meurtrier et stérile.
“La création des cieux et de la terre, la diversité de nos langues et de nos couleurs sont autant de merveilles pour ceux qui réfléchissent”, dit le Coran. Mais, reconnaître nos différences pour s’en enrichir n’est pas aussi facile qu’on le pense.
Cela demande d’écouter l’autre et de prendre en compte son témoignage.
Certes, nous sommes tous des êtres humains, mais il faut aussi accepter le fait que nous avons nos différences.
L’important est de dialoguer et de discuter.
Dans les pays occidentaux, la société est basée sur l’égalité. Tous sont des individus libres, indépendants et autonomes.
Pour ne pas se battre entre eux, ils abandonnent leurs pouvoirs au profit de l’Etat qui les gouverne.
Tous égaux, donc, tous soumis aux mêmes lois et aux mêmes sanctions s’ils les enfreignent.
Mais, pour se protéger des abus possibles de l’Etat, ils ont fait reconnaître un certain nombre de droits fondamentaux : ce sont les “droits de l’Homme“. Et, l’harmonie sociale vient de cette égalité reconnue et acceptée par tous.
En Afrique, les conceptions sont autres.
“Si nous étions égaux, nous ne cohabiterions pas”, disait l’autre.
Au sein d’une communauté, ce sont les différences qui sont les facteurs de cohésion de la société. Chacun a son rôle à jouer.
Etant complémentaire de l’autre, il est indispensable. Si tous nous étions par exemple forgerons, la société ne marcherait pas !
De même, chaque membre du groupe possède un pouvoir lié à son rôle : maître des terres, chef de village, guérisseur, forgeron…
La multiplicité de pouvoirs qui doivent collaborer ensemble existe au sein même de chaque communauté.
Quel rôle de l’Etat ?
Malheureusement, trop souvent, les différences entre les communautés qui cohabitent dans un même pays sont très souvent des facteurs de division, plutôt que de complémentarité et elles sont exacerbées par les enjeux politiques.
“L’autre” est ainsi montré du doigt comme l’ennemi vis-à-vis duquel il faut affirmer son identité propre.
Les Etats qui jouent sur ces divergences pour asseoir leur pouvoir ne peuvent résoudre les conflits qui en résultent.
Ce sont les populations de base, les “citoyens”, qui sont les seuls vrais responsables d’un projet de société pour Tous.
Pour y arriver, pourquoi ne pas se retrouver entre communautés, non pas, pour voir comment exclure l’autre, mais, pour déterminer quelles sont les complémentarités possibles.
Il s’agit alors de négocier un consensus où, chacun peut apporter sa contribution.
Plutôt que ce soit l’Etat qui impose un système de droits basé sur les valeurs d’un groupe et où, tout ce qui n’entre pas est exclu, mieux vaut essayer d’additionner les valeurs des différents groupes.
Lorsqu’on fait cela, on s’aperçoit très vite que tous ont des points communs.
Les aspirations des Hommes sont les mêmes partout : chacun souhaite pouvoir vivre en paix, manger à sa faim, offrir un avenir à ses enfants…
C’est sur ces bases qu’on peut se mettre d’accord sur un code de conduite et élaborer un projet de société commun à partir des pratiques des “vrais gens”, ceux qui sont concernés par les problèmes.
Si tout le monde participe à son élaboration, chacun est alors conscient qu’on ne peut pas tout y mettre, mais que le texte prend en compte une partie de son vécu.
En fait, il faut réapprendre ce qui est essentiel, à savoir que nous sommes des êtres vivants, aimants, inscrits dans des identités multiples.
Une même personne appartient de fait à différents groupes qui s’interpénètrent, mais qui ne se recoupent pas entièrement : elle fait partie d’un groupe ethnique, mais aussi d’un pays et d’un continent, elle appartient à un groupe social, à une classe d’âge, à un quartier, à un village, ou même à un parti politique…
Rien qu’en regardant ce qu’on est, on s’aperçoit vite, qu’une identité n’est pas exclusive d’une autre et que, tous, nous avons des intérêts communs avec… le Monde entier.
Mamadou B. Sidibé
(Sociologue)