Crise climatique, lutte contre le Covid-19 : regagnons la confiance des adolescents

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Cette tribune, publiée en pleine actualité de la COP 26, est l’œuvre de Anthony Costello, professeur au UniversityCollege London auRoyaume-Uni, Helen Clark, présidente du conseil d’administration du PMNCH, et ancienne première ministre de Nouvelle-Zélande, Margaret Kobia, secrétaire de cabinet du ministère du service public, du genre, des affaires des personnes âgées et des programmes spéciauxdu Kenya, et Julieta Martinez, fondatrice de la plateforme Tremendas. Les auteurs soutiennent que les adolescents n’ont pas été bien servis quant aux mesures prises dans la lutte contre la pandémie de covid-19 et la crise climatique. Pour eux, il faut s’attaquer au changement climatique et à la pandémie pour regagner leur confiance. La première version de cette tribune, en anglais, a été publiée par le site spécialisé TheBMJ. Ci-dessous l’intégralité de la tribune.

 La pandémie duCovid-19 et la réponse qui lui a été apportée ont affecté le bien-être des adolescents du monde entier. L’isolement des pairs et de la famille a eu des répercussions considérables sur la santé mentale des adolescents[1]. Un sondage réalisé auprès de 4 000 enfants et jeunes âgés de 8 à 24 ans à travers le Royaume-Uni, par exemple, a révélé qu’au moins un tiers d’entre eux ont déclaré avoir connu une augmentation des problèmes de santé mentale et de bien-être, notamment le stress, la solitude et l’inquiétude[2]. Plusieurs adolescents ont été témoins de cas de stress au sein de leur famille en raison d’un deuil, du chômage, de problèmes financiers et émotionnels et de la peur des infections[3]. Certains étaient contraints de passer plus de temps dans des situations de violence. La pandémie a perturbé l’éducation des adolescents, détruit nombre de leurs rêves et renforcé les inégalités sociales.

Bien que la pandémie duCovid-19 ait été, et continuera d’être, dévastatrice pour de nombreux adolescents, la crise climatique éclipse la pandémie par son ampleur et ses implications. Comme l’a déclaré Greta Thunberg, « notre maison est en feu »[4]. La crise climatique menace le développement biologique, émotionnel et social des adolescents, d’autant plus qu’ils ne voient pas de fin en vue alors que les entreprises et les gouvernements continuent de faire comme si de rien n’était. Le changement climatique augmentera les risques de lésions chez les adolescents qui développeront de l’asthme, contracteront des maladies infectieuses comme la dengue et seront mal nourris. Les phénomènes météorologiques extrêmes, le stress thermique et l’insécurité liée à l’eau entraîneront des conflits et des migrations forcées dans de nombreux pays. La santé mentale souffrira en raison de l’incertitude et des réactions émotionnelles à un climat instable[5].

Regagner la confiance dans la réponse à la pandémie

Les organismes en charge de la politique de santé, de la médecine et de la santé publique doivent assumer une part de responsabilité dans l’échec de la protection des adolescents pendant la pandémie. Les alertes mondiales et les publications scientifiques de janvier 2020 auraient dû être suivies d’actions visant à stopper l’épidémie et à supprimer la transmission locale en testant, identifiant et isolant les cas et leurs contacts. Les pays qui ont agi rapidement pour maîtriser la pandémie n’ont pas connu de confinements sur toute l’étendue de leurs territoires et de fermetures d’écoles aussi longs, ni de dommages économiques de la même ampleur.

De nombreux pays auraient pu rendre les écoles plus sûres, assurer une bonne ventilation des salles de classe, investir dans de nouvelles formes d’apprentissage en ligne et préserver les bulles de contact social pendant les fermetures. Certains auraient pu déployer beaucoup plus tôt des vaccins sûrs pour les enfants âgés de 12 ans et plus, au lieu de renvoyer des milliers d’enfants à l’école sans protection. Les menaces sérieuses qui pèsent sur les jeunes vulnérables et les preuves du « covid long » ont été écartées. Les craintes des jeunes pour leurs familles et leurs parents plus âgés ont été ignorées. Par l’intermédiaire de nos associations professionnelles et des politiciens, nous pouvons regagner la confiance des jeunes en plaidant pour des systèmes de santé publique beaucoup plus solides, pour un soutien aux groupes vulnérables plus jeunes et pour que les adolescents et les enfants soient protégés même si la pandémie progresse.

La vaccination est la clé. Malgré nos prouesses scientifiques pour produire rapidement des vaccins efficaces, la distribution inéquitable des vaccins a été choquante[6]. Moins de 2 % des personnes dans de nombreux pays à faible revenu, et seulement 5,6 % dans l’ensemble de l’Afrique, ont reçu une seule dose ;[7] 82 % de tous les vaccins sont allés aux pays riches. Un système à deux vitesses s’est développé, dans lequel les pays riches accumulent les vaccins et les pays à faible revenu n’y ont pas accès.

Une solution mondiale exige le partage de fabrication des vaccins, mais les gouvernements et les entreprises ont bloqué ou n’ont pas rejoint les efforts visant à rendre les vaccins covid-19 plus largement disponibles par les moyens de renonciations de brevets et de transferts de technologie. Les présidents Biden et Macron et les directeurs de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) et de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) ont soutenu la négociation d’une dérogation aux brevets pour les vaccins et médicaments Covid-19 demandée par l’Inde, l’Afrique du Sud et le Kenya en octobre 2020. Pourtant, d’autres pays du G7 se sont montrés réticents. Face à cette situation, l’Afrique souhaite disposer d’une capacité de production de vaccins Covid-19,[8] mais elle a besoin d’un transfert de connaissances et de technologies pour rendre cela possible. L’OMS a proposé la création d’un centre de transfert de technologie de l’ARNm, semblable à celui qui a permis d’apporter des milliards de doses supplémentaires de vaccin contre la grippe dans le monde, mais les grandes entreprises pharmaceutiques, qui voient dans cette technologie des bénéfices futurs pour la lutte contre le cancer, le virus Ebola et le VIH, ne se sont pas associées à cette initiative[8,9]. Par ailleurs, unemobilisation de soutiens pour redistribuer cette année un milliard de doses de vaccin des pays à revenu élevé vers les pays à faible revenu s’impose – le fait de ne l’avoir pas fait jusqu’à présent constitue ce que l’ancien premier ministre britannique Gordon Brown a appelé un « échec moral »[10].

Regagner la confiance dans la réponse au changement climatique

Comme l’a déclaré l’économiste d’Oxford, Simon Wren-Lewis, « la crise climatique n’est pas causée par de « vagues actions humaines » ; elle n’est pas non plus le résultat d’un aspect inné de la nature humaine. Elle est causée par des investissements spécifiques de personnes spécifiques dans des choses spécifiques. En changeant ces investissements, nous pouvons changer l’avenir »[11].

Il ne suffit pas que les experts de la santé se contentent de décrire les menaces climatiques pour la santé. Cela fait 30 ans que nous connaissons le problème et les investissements nécessaires pour le résoudre. Les pollueurs doivent alors payer. Si nous ne faisons pas pression pour obtenir les actions urgentes nécessaires à la décarbonisation de nos économies par le biais de mesures tels que les taxes sur le carbone, la suppression des subventions aux combustibles fossiles, le financement du déficit et la redistribution des richesses, les adolescents d’aujourd’hui seront confrontés à un avenir très incertain.

Le potentiel des taxes pour contribuer à la décarbonisation est encore largement inexploité. Les personnes les plus pauvres peuvent être protégées en réduisant les impôts sur les revenus et en augmentant les taxes sur le carbone. Actuellement, les prix du carbone restent bien en deçà de la fourchette de 40 à 80 dollars par tCO2e, recommandée en 2020 pour atteindre l’objectif de température « bien en dessous de 2°C » de l’Accord de Paris[12,13]. Les gouvernements peuvent protéger les plus pauvres grâce à un New Deal vert financé par le déficit, en empruntant davantage aujourd’hui pour se prémunir contre des coûts environnementaux bien plus importants à l’avenir, et en redistribuant les richesses par la fiscalité[14]. Ces trois mesures audacieuses permettraient d’assurer l’avenir des adolescents d’aujourd’hui.

Un sommet mondial pour les adolescents

En 2023 se tiendra un Forum mondial pour les adolescents, où nous espérons que les participants approuveront un appel clair à l’action [15] et s’engageront à réaliser des investissements qui pourront être suivis de près. Tous les pays ont besoin de systèmes de santé publique plus solides, d’équité en matière de vaccins, de filets de sécurité sociale, de protection de l’éducation, de résilience environnementale et d’implication des adolescents dans la prise de décision et dans la recherche de solutions créatives et adaptatives au changement climatique.

La COP26, la conférence des Nations unies sur le changement climatique, va bientôt commencer. Les dirigeants nationaux seraient bien avisés de tenir compte de l’appel du « fou » d’Olivia dans la pièce de théâtre Nuit des roisde Shakespeare : « Ce qui est à venir est encore incertain : dans le retard, il n’y a pas d’abondance ». Qu’il y ait retard ou non, il est essentiel que nous aidions tous les adolescents à se garantir un avenir sain, tant pour eux-mêmes que pour notre planète.
Par :

Anthony Costello, professeur, Institute for Global Health, University College London, Londres, Royaume-Uni.

 Helen Clark, présidente du conseil d’administration du PMNCH, et ancienne première ministre de Nouvelle-Zélande

 Margaret Kobia, secrétaire de cabinet du ministère du service public, du genre, des affaires des personnes âgées et des programmes spéciaux de la République du Kenya.

 Julieta Martinez, fondatrice de la plateforme Tremendas. 

La première version de cette tribune, en anglais, a été publiée par le site spécialiséTheBMJ.

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