En prenant la parole devant la Communauté internationale du haut de la tribune de l’Assemblée générale de l’Organisation des Nations Unies, le Président Michel KAFANDO, mandaté par son peuple, a accompli quatre missions. Il a d’abord honoré les victimes tombées sur le champ de l’honneur, la bataille pour un nouveau Burkina Faso. Il a ensuite célébré la liberté, lui qui naguère en fut privé avec ses principaux collaborateurs, par ceux- là même chargés d’assurer sa sécurité. Il a en outre consacré le caractère universel de la démocratie et démystifié le tabou consistant à croire que la démocratie est antithétique de la pauvreté. Il a enfin réaffirmé que le seul et unique détenteur de la souveraineté, reste le peuple.
Rarement un Chef d’Etat aura été en phase avec son peuple et rarement une parole présidentielle aura été crédible et audible. Mais Au-delà de l’honneur rendu aux VICTIMES , de la célébration de la LIBERTE, de la consécration du caractère universel de la DEMOCRATIE, de la réaffirmation de la SOUVERAINETE DU PEUPLE, l’adresse du Président KAFANDO au monde entier , est un appel, une invitation à la réflexion individuelle et collective sur les voies et moyens de règlement des crises.
C’est un Chef d’Etat non élu, qui plus est africain, mais combien légitime parce qu’incarnant et traduisant la volonté de son peuple, qui a parlé et qui a été entendu. Cela nous amène à réfléchir au fétichisme des urnes car, celles-ci urnes demeurent la voie royale pour la sélection des dirigeants, elles se doivent d’être transparentes au propre comme au figuré et être en mesure de donner des dirigeants à la hauteur des enjeux. Autrement dit, même élu et bien élu, les dirigeants doivent être jugés par la qualité de leur gouvernance.
Dans cette épreuve, le peuple du Burkina a fait preuve de courage, de constance, de cohérence, de détermination et de mesure. La classe politique a su se rassembler autour de l’essentiel, Le Moro Naba a joué son rôle de référant moral pour tous et respecté comme tel, le peuple, à travers les associations citoyennes, a érigé des barricades là où il fallait, quand il le fallait et a crié haut et fort ce qu’il veut et ce qu’il ne veut pas, les syndicats ont joué leur partition et l’armée a écouté, entendu le soupir de son peuple et affronté le péril d’alors sans se désagréger. Tout cela dans la mesure dans le respect mutuel. Même si la crise n’est terminée, une longue distance est déjà parcourue sur le chemin qui mène au Nouveau Burkina Faso.
Sur ce Chemin vers le nouveau Burkina Faso, les mécanismes et instruments de règlement des crises et des conflits de la communauté internationale n’ont hélas pas permis d’apporter de solutions à la satisfaction du peuple et n’eussent été la sagesse et la mesure des acteurs du Burkina, un incident diplomatique aurait pu advenir. Là où la communauté internationale met des années pour trouver des solutions aux crises, le Burkina est parvenu en quelques jours à jubiler le coup d’Etat et à remettre en place sa transition démocratique. A cet égard, la pertinence et l’efficacité et la cohérence des cadres et instruments juridiques, ainsi que des mécanismes régionaux, continentaux et internationaux ne sont-ils pas questionnables ?
En s’adressant au monde, le Président du nouveau BURKINA FASO dit entre autres :
- la souveraineté du peuple est au-delà des décisions, propositions et recommandations des trop nombreux et quelque fois encombrantsmédiateurs. Le peuple burkinabè s’est donné les moyens de le rappeler avec succès mais sans excès.
- La lisibilité de l’impartialité des médiateurs entre les protagonistes – que sont les pouvoirs publics et/ou ” les pouvoirs de fait “, les dissidents/rebelles/opposants selon les cas et le peuple souverain – est le garant de la crédibilité des propositions et des recommandations. Car beaucoup de pays naguère médiateur traversent des crises pour lesquels ils étaient censés apporter des solutions ailleurs. Là aussi, le peuple du Burkina a montré le chemin à suivre.
- La crise au Burkina Faso a mis à nu le fait que la complémentarité et la cohérence des instruments et mécanismes internationaux, continentaux, et régionaux ne paraissent plus établies . En effet, quoi qu’on ait pu dire après coup, les décisions et les positions de la CEDEAO et de la Commission de l’Union Africaine furent tout sauf complémentaires et cohérentes dans la recherche de solutions à la crise au Burkina.
A certain égard, elles furent même concurrentes et contradictoires. Dans la recherche de solutions à plusieurs crises dans les pays africains, l’Union Africaine et les Communautés Economiques Régionales ont donné l’impression d’être plus en compétition qu’en complémentarité. Le cas le plus patent fut celui de Madagascar. Les leaderships des deux institutions africaines doivent en tirer les leçons et créer les conditions d’une vraie complémentarité entre leurs positions respectives. Il y va de leur crédibilité.
- La transformation du Régiment de Sécurité Présidentiableen une armée dans l’armée du Burkina Faso, pose la problématique des gardes présidentielles prétoriennes et la nécessité du renforcement du contrôle démocratique des forces armées et de sécurité. La sécurité d’un Etat doit être prioritaire à celle d’un de ses serviteurs, fut il le premier de ceux-ci. Mais comment y parvenir ?
- La décision dont certains pensent controversée d’exclure des élections immédiates les responsables du Parti et du gouvernement par lesquels la crise est advenue, pose la problématique de la responsabilité individuelle et collective, comme la contrepartie de la légitimité d’exercer le pouvoir public. En effet, les dirigeants, même et surtout ceux démocratiquement élus, doivent répondre de leurs décisions et/ou de leur non décision, la justice doit être en mesure de sanctionner leur culpabilité comme tous les citoyens. Car, croyons-nous, autant un dirigeant est responsable, autant il doit répondre de cette responsabilité donc de leur éventuelle culpabilité. On ne doit plus être responsable sans jamais être coupable.
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Moussa Makan Camara, Consultant