Création et gestion d’entreprises : Et si l’Afrique regardait, écoutait, observait comment les autres ont fait !!!

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Logique de création et de disparition d’entreprises : les cas anglais, américain et français.

Cette question s’articule autour des points de vue Marshalien, chumpeterien et français de création et disparition d’unités productives. Elle peut nous donner des éclairages par rapport à la situation vécue par les unités productives africaines  actuellement.

  1. LA LOGIQUE DE CREATION D’AFFAIRES EN ECONOMIE.

On ne peut parler de tissu productif national que si celui-ci connaît une dynamique digne de ce nom avec des créations, des développements et bien sur des disparitions des éléments qui le composent. Mais selon la culture d’entreprise du pays, ce processus sera vertueux ou plus ou moins vicieux. Plusieurs économies aujourd’hui dynamiques, nous pouvons citer l’Angleterre, les Etats Unis et la France, ont connu ces moments de difficultés qui ne sont pas résolus définitivement; la connaissance de ces expériences nous permettra d’aborder une réflexion sur les pays africains dont le Mali.

1.1 LE CAS ANGLAIS – LA LOGIQUE MARSHALIENNE DE CREATIONS/DISPARITIONS D’ENTREPRISES.

Cette logique décrit comme essentielle «les motivations, la capacité d’innovation des individus, mais aussi la taille et la structure des unités de production d’une part et l’interaction systématique des conduites et des contraintes d’autre part (dimension des marchés, foires de communication, résultats obtenus par les entreprises sur le marché)[1] »

Dans cette optique, l’individu est au centre de la création des unités productives, mais il s’agit des individus capables, formés dans les meilleures écoles idéologiques non forcement syndicales car «le contrôle collectif de l’industrie pourrait être défavorable à la meilleure sélection des hommes chargés des travaux comportant les plus lourdes responsabilités »[2]

Si l’idée de création émane de l’individu, le développement/ reproduction des éléments constitutifs du système productif n’est possible que dans le cadre d’institutions qui doivent favoriser le développement des grandes entreprises. En effet, si l’on prend l’exemple de la perdition économique de la grande Bretagne dans la moitié du XXème siècle, elle est due «dans la dispersion du contrôle et des responsabilités caractéristiques de l’organisation dans les grandes entreprises »[3].

Dans ces dernières, les syndicats ont supplantés les grandes organisations institutionnelles. Et la «sélection des hommes chargés des travaux comportant les plus lourdes responsabilités »[4] n’inclut pas toujours les qualités d’innovation d’où la décadence et la perte de domination de l’Angleterre sur le reste du monde au XXème siècle. L’américain Joseph Chumpeter bien que mettant l’homme au centre de la création de l’entreprise met l’accent  sur « l’innovation » qu‘apporte ce dernier.

I.2. LE CAS AMERICAIN – LA LOGIQUE CHAMPETERIENNE DE CREATION, DE DIRECTION ET DISPARITION D’ENTREPRISE : L’ENTREPRENEUR INNOVATEUR.

L’entrepreneur est au centre de cette logique de création à travers « l’innovation »[5]. L’entrepreneur Chumpeterien est porteur d’idées nouvelles par lesquelles il va au-delà  de la création classique d’entreprise.

L’économie ne saurait avancer sans entrepreneurs. On n’évoluera pas. Nous resterons dans l’ordre ancien « d’équilibre général »[6] qui conduit à l’état stationnaire, ou « flux stationnaire»[7]. Il faut briser cet état pour évoluer.

Pour sortir de cette « routine »[8], il faut qu’il y ait « des circonstances pouvant donner naissance à des situations nouvelles »[9] car lorsque « tout rôle créateur est absent de l’économie nationale »[10] on va vers une situation de crise dont l’aboutissement est la disparition d’entreprises  en tête de liste dans ce fléau, le  tissu productif constitué d’entités vieillissantes qui n’adhèrent pas aux changements et des PME/PMI faibles.

C’est alors que l’entrepreneur  va proposer « de nouvelles combinaisons de facteurs de production »[11] ce qui constitue les «innovations ». Elles sont « à la fois  la source  de l’évolution économique, la raison d’être de l’entrepreneur et l’essence même de sa fonction »[12]. Alors les comportements de l’entrepreneur « résultent ainsi de la mise en œuvre d’une nouvelle fonction de production, activité particulière qui privilégie une catégorie particulière d’agent, seule capable de rompre la routine pour s’aventurer dans les voies inconnues »[13].

Mais il ne suffit pas de créer une entreprise pour obtenir le statut d’entrepreneur, il faut innover dans l’un des cinq domaines suivants :

  • Fabrication d’un bien nouveau
  • Introduction d’une méthode de production nouvelle.
  • Ouverture d’un débouché nouveau
  • Conquête d’une source nouvelle de matière première
  • Réalisation d’une nouvelle organisation

En plus de ces conditions, des restrictions supplémentaires s’ajoutent à la fonction d’entrepreneur la rendant difficile d’accès. Elle devient seulement à la portée d’une poignée d’individus contrairement aux idées existantes[14].

Cet état de fait fera l’objet de critiques[15] que nous présenterons au fur et à mesure que nous énoncerons les restrictions avancées par Joseph Chumpeter.

Reconnaissance de la fonction d’entrepreneur à tout agent économique dès qu’il exécute de nouvelles combinaisons et quel que soit son statut : seul ou qu’il intègre une structure.

Ce point de vue exclue :

  • Tous ceux qui travaillent pour leur compte sans vocation innovante
  • Les simples capitalistes

La nouvelle innovation doit aboutir à un coût unitaire bas, dégageant un supplément de valeur (profit) qui va disparaître d’après la théorie du « Winfall »[16] ou la théorie des résidus[17].

L’entrepreneur n’assume pas les pertes. Il ne supporte pas les risques. Les risques sont encourus par le propriétaire du capital (l’entrepreneur n’est qu’un manager).

En effet,  « quand bien même l’entrepreneur risque sa renommée, la responsabilité économique directe ne le touche jamais »[18].

L’innovation est continue. La qualité d’entrepreneurs  au sens Chumpeterien  n’est jamais définitivement acquise : « quelqu’un n’est, en principe, entrepreneur que s’il exécute de nouvelles combinaisons ; aussi perd-il ce caractère s’il continue ensuite d’exploiter, selon un circuit l’entreprise créée. Etre entrepreneur n’est pas une profession, ni, surtout en règle générateur, un état durable »[19].

Les critiques des positions de Chumpeter à propos de l’entrepreneur sont prises en compte par A. Cole  qui apporte des corrections en ces points :

Le mot (entrepreneur) sera employé au sens de fonction ou d’activité.

L’agrégat des individus qui, ensemble et en coopération,  prennent les décisions pourrait être dénommé « l’équipe entrepreneurial ».

« Je propose l’adoption d’un nouveau terme mésoéconomie pour désigner l’ensemble du système industriel. En désignant « par méso économie les relations externes des entreprises, individuelles et les interconnexions entre les quasi agrégats de l’ensemble du système industriel. Je conçois son domaine comme se situant entre  la micro et la macroéconomie » [20]

Cette logique anglo-saxonne de création-direction des affaires n’est pas la même que celle développée en France.

I.3 LE CAS FRANÇAIS – LOGIQUE DE CREATION D’ENTREPRISE..

Bref historique économique  de la création de l’entreprise en France.

Cantillon est précurseur dans ce domaine en France. Il  montre la voie au XVIIème siècle avec la distinction entrepreneur-capitaliste-manager[21].

Ainsi, acheter à un prix certain et vendre à un prix incertain et tirer des « profits potentiels »[22] est le propre des « entrepreneurs »[23].

Alors la fonction d’entrepreneur qui « est affaire de prévision et d’assomption de risque qui ne sont pas nécessairement liés à quelques productifs »[24]. Grâce à ces agents dont le « rôle est particulièrement important »[25] pour mettre en communication des offres et des demandes éloignées les unes des autres dans le temps ou dans l’espace »[26]  le marché atteint l’équilibre.

Jean Batiste Say, essaiera dans son époque de faire de l’entrepreneur la « figure centrale de sa conception de la société »[27]

Quant à Saint Simon, en semblant confondre producteur et industriel, désignera les producteurs : « les abeilles »[28] par opposition à l’administration vorace constituée des « frelons »[29].

Il met l’accent sur l’organisation de l’entreprise et de l’entrepreneur, fait une remarque importante : « l’administration de l’entreprise peut s’apprendre »[30]. Comme preuve, les faillites de son époque pendant la révolution ont vu «le remplacement des entrepreneurs par de simples ouvriers qui se sont montrés plus intelligents et plus actifs que leurs prédécesseurs ».

En  effet,  « c’est une erreur de croire que les chefs de travaux industriels ne possèdent que les connaissances relatives à la branche d’industrie qu’ils exploitent. Ils  y a une capacité qui leur est commune à tous : c’est la capacité administrative. Cette branche de nos connaissances est devenue une science positive ». Il préconise alors la remise de la gestion administrative du pays aux entrepreneurs. Car « par la nature des choses, les chefs des entreprises industrielles qui sont de véritables chefs du peuple, puisque ce sont eux qui ont le commandement dans les  travaux journaliers, tendront toujours directement et pour leurs propres intérêts, à donner le plus d’extension possible à leur entreprise et il résultera de leurs efforts à cet égard, le plus grand accroissement possible de la masse des travaux qui sont exécutés par les hommes du peuple »[31].

La reprise et la mise à neuf de ces  idées dans les sociétés modernes actuelles a donné la classe des technocrates aux pouvoirs dans certains pays.

Mais si l’on reste toujours dans le contexte français, quelle est la logique actuelle de création d’entreprise en France dans ces vingt dernières années ?

Si l’on suppose l’existence d’une logique dans ce domaine, alors dans ce cas français « la création ne se conçoit que si la rentabilité à terme de l’entreprise permet sa survie, voire son développement »[32]. Cette logique ne nous semble pas respectée eu égard aux nombres d’unités généralement en faillite dans ce pays. On ne peut  qu’adhérer à l’idée  que « les raisons pour lesquelles les firmes se créent sont multiples, leur croissance et déclin leur disparition obéissent à des logiques particulières ».

La logique de création d’entreprise dans l’économie française est la résultante de plusieurs facteurs :

  • Occuper un créneau
  • Assurer un pouvoir
  • Acquérir une indépendance
  • L’innovation
  • Placer ses capitaux

Tout ce programme ne peut se dérouler si l’entrepreneur ne privilégie pas la performance de l’entreprise. Quand en-t-il de l’entrepreneur malien et africain ?

 

Pr Ahmed TOURE DJABELESSION – Extrait de «  ECONOMIE POLITIQUE, ECONOMIE INDUSTRIELLE ET SYSTEMES PRODUCTIFS,  ELEMENTS NECESSAIRES A L’EMERGENCE DES ECONOMIES » – Edition Bamba Impression  2020. Pages 114, à 124.

[1] Alfred Marshall cité par Anna Maricic. Chapitre 1/1.2 Les fondements Marshallien de l’Economie Industrielle. Page 13 Traité d’Economie Industrielle.  Edition Economica 1988 Page13.

[2] – Idem. Page 13.

[3]–  Idem. Page 13.

[4]– Idem. Page 13.

[5] Joseph Chumpeter cité par  Paul-Marie Romani. Chapitre 1/1.5 Comportements industriels et entrepreneurs. Traité d’Economie Industrielle. Edition Economica 1988. Page 81.

[6] Léon Walras. Eléments d’économie politique pure. 1952. Page 233.

[7] Joseph Chumpeter cité par  Paul-Marie Romani. Chapitre 1/1.5 Comportements industriels et entrepreneurs. Traité d’Economie Industrielle. Edition Economica 1988. Page 80.

[8] – Idem.Page 68

[9] – Idem.Page 68

[10]– Idem.Page 68

[11]– Idem.Page 68

[12] Paul-Marie Romani. Chapitre 1/1.5 Comportements industriels et entrepreneurs .Page 81. Traité d’Economie Industrielle. Edition Economica 1988

[13]– Idem.Page 68

[14] Saint Simon cité par Paul-Marie Romani. Chapitre 1/1.5 Comportements industriels et entrepreneurs. Traité d’Economie Industrielle. Edition Economica 1988 Page 82.

[15] F.Knight et M. Kambur cités par Paul-Marie Romani. Chapitre 1/1.5 Comportements industriels et entrepreneurs. Traité d’Economie Industrielle. Edition Economica 1988 Page 83.

[16] Paul-Marie Romani. Chapitre 1/1.5 Comportements industriels et entrepreneurs. Traité d’Economie Industrielle. Edition  Economica 1988 Page 82.

[17] ALFRED Pareto XIXème siècle école néoclassique.

[18] Paul-Marie Romani. Chapitre 1/1.5 Comportements industriels et entrepreneurs .Page 84. Traité d’Economie Industrielle. Edition  Economica 1988

[19] Joseph Chumpeter cité par Paul-Marie Romani. Chapitre 1/1.5 Comportements industriels et entrepreneurs .Page 84.Traité d’Economie Industrielle. Edition Economica 1988

[20] A. – H. Cole cité par Paul-Marie Romani. Chapitre 1/1.5 Comportements industriels et entrepreneurs. Traité d’Economie Industrielle. Edition  Economica 1988 Page 91.

[21] Alain Alcouffe. Profits et entrepreneurs : Cantillon, Say, Saint-Simon Traité d’Economie Industrielle. Edition Economica 1988 Page 70

[22] Idem. Page 70

[23]– Idem.Page 71

[24] – Idem.Page 71

[25] – Idem.Page 71

[26]– Idem. Page 72

[27]– Idem- Page 72.

[28] Idem. Page 72

[29] Idem. Page 72

[30] Alain Alcouffe. Profits et entrepreneurs : Cantillon, Say, Saint-Simon Traité d’Economie Industrielle. Edition Economica 1988 Page 72.

[31]-Idem. Page 73.

[32]  Luc Marco. Chapitre 4/4.5.4 La démographie des firmes. Traité d’Economie Industrielle.  Edition Economica 1988 Page 399

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1 commentaire

  1. Toureke tu fais une erreur car le monde economique n’est pas limite aux USA, France et Angleterre, sors de la colonisation mentale et regardes les models de l’Inde, Malaisie, Chine, Corée du Sud, Singapour, la Russie, Thailand, Japon, Allemagne, etc….

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